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Bilal Ag Acherif : au Mali « un retard dans la mise en œuvre de l’Accord peut compromettre l’organisation de la présidentielle et entacher sa crédibilité »

De passage à Bamako, le nouveau président en exercice de la Coordination des mouvements de l’Azawad, Bilal Ag Achérif, répond aux questions de Sahelien.com.

Sahelien.com : Après la récente visite du Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga à Kidal, quelles seront les retombées pour la population ? 

Bilal Ag Acherif : Précisons que cette visite est le fruit d’une concertation entre toutes les parties, surtout celles de la région de Kidal, qui sont les plus concernées. L’organisation et la sécurité de l’événement incombaient à la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad, ndlr). Toutes les parties étaient satisfaites de la manière dont la visite fut organisée et encadrée. Mais nous pensons qu’il ne nous revient pas de parler des retombées de la visite. Je ne saurais les évoquer à mon niveau. C’est plutôt à la partie gouvernementale d’en parler, car il s’agissait d’apprécier les problèmes sociaux de base et d’autres difficultés que vivent les populations de l’Azawad, pour ensuite apporter des solutions. Il faut préciser que ces problèmes dont il est ici question ne sont pas propres à la seule région de Kidal. De façon générale, le retard qu’on rencontre dans la mise en place des services sociaux de base à Kidal est le même à Tombouctou, Gao, Ménaka et Taoudéni.

Qu’est-ce qui explique ce retard, selon vous ?

Malheureusement, nous avons accusé un retard important dans la mise en œuvre de l’accord. Ce retard affecte aussi les points de l’accord relatifs à ces services sociaux de base. Si les parties avaient respecté le calendrier initial en accélérant l’établissement de ces services en faveur des populations, cela leur aurait permis d’apprécier davantage certaines actions politiques, comme la visite du Premier ministre. Car, il faut le dire, cette visite est un geste politique important qui vise à renforcer la confiance entre les parties. Elle aurait été plus ressentie comme une mesure de confiance par les populations, n’eût été ces difficultés qu’elles traversent. Toutes les parties doivent aussi recueillir l’avis de la population locale. Parce que toute action qui ne bénéficie pas du soutien de la population locale est vouée à l’échec. Nous devons alors multiplier les sensibilisations pour adapter les visions politiques aux attentes des populations locales.

« …Il est important de mettre en œuvre certains points de l’Accord qui sont des conditions indispensables au bon déroulement des élections présidentielles. »

Les élections présidentielles sont prévues pour le mois de juillet prochain. Quand l’administration sera-t-elle de retour et comment les élections vont-elles s’organiser principalement à Kidal et globalement dans le reste du nord du pays ?

De façon générale, la CMA se réfère à l’Accord et à sa mise en œuvre pour toutes les questions relatives à l’organisation de la vie politique et institutionnelle, y compris les élections présidentielles. Nous pensons qu’il est important de mettre en œuvre certains points de l’Accord qui sont des conditions indispensables au bon déroulement des élections présidentielles. Il s’agit notamment des points relatifs au renforcement de la capacité des autorités intérimaires et aux mécanismes opérationnels de sécurité. Un retard dans la mise en œuvre de ces points peut compromettre l’organisation des élections présidentielles et affecter également leur crédibilité.

Vous étiez en tournée dernièrement dans la région de Tombouctou, sur les bases du Congrès pour la justice dans l’Azawad. Quel était l’objectif de cette tournée dans la région ?

Premièrement, c’est tout à fait naturel et normal pour la CMA de rendre dans toutes les régions de l’Azawad dans le cadre de ses activités en faveur de la cohésion sociale et de la cohabitation des populations locales, quelle que soit leur appartenance politique. Deuxièmement, c’est pour écouter et échanger avec les leaders locaux et les populations  pour s’imprégner de leur réalité. En troisième lieu, la CMA s’est rendue dans cette région pour apporter son aide à la résolution des problèmes existant dans la région. Nous pensons notamment aux difficultés liées à l’éducation, la santé, la sécurité, etc. Un autre objectif de cette visite est de renforcer la coopération, au niveau politique, entre les gouverneurs de Tombouctou et Taoudéni avec les autorités intérimaires et au niveau sécuritaire entre les Forces armées maliennes et les forces de la CMA présentes dans la région. Cette collaboration vise à apporter une solution aux problèmes de banditisme qui touchent les populations et les partenaires au développement.

Quelles sont les raisons liées au retard qu’accuse l’opérationnalisation du MOC de Kidal ?

Aujourd’hui, ce qui est nécessaire, c’est de réunir les parties pour convenir des dates précises de mise en œuvre de chaque point de l’Accord. Par exemple, il faudrait choisir une date pour l’opérationnalisation des autorités intérimaires dans les régions et dans les cercles, une autre pour la mise en œuvre du MOC de Kidal, Tombouctou, Ménaka. Ensuite, il s’agira de convenir également de la façon de rendre opérationnel le MOC de Taoudéni ainsi que de Gao. Ce MOC de Gao, par exemple, existe depuis longtemps, mais il n’est pas opérationnel : il a juste servi à cantonner les éléments sans aucun but précis. Aucune partie n’a envoyé ses militaires et ses officiers pour qu’ils soient cantonnés de la sorte. Il s’agit d’hommes qui ont déjà des capacités pouvant permettre de renforcer la sécurité ou d’aider simplement leurs populations à faire face à leurs problèmes quotidiens. On doit donc opérationnaliser tous ces points qui émanent des documents signés par les parties. Ils conviennent parfaitement aux attentes de la CMA. On remarque aussi que la mise en œuvre de cet Accord doit obéir à certaines conditions et critères. Les questions sécuritaires doivent être parallèlement mises en œuvre avec celles relatives à la justice, au développement. A notre avis, il est important de savoir que les retards accusés dans la mise en œuvre de l’accord n’affectent pas uniquement les mouvements. L’effet de ce retard affecte l’éducation des enfants, il atteint aussi la population, qui est en attente de résultats depuis des années. Pour toutes ces raisons, si nous ne sommes pas en mesure de mettre en œuvre l’Accord ou qu’il y a encore des parties qui ne souhaitent pas sa mise en œuvre complète, proposons alors des mesures pratiques qui puissent être admises par toutes les parties et applicables sur toutes l’étendue du territoire. On ne peut pas continuer à parler et sensibiliser, sans cesse, sur un Accord qui peine à se matérialiser sur le territoire.

« Une tension entre la CMA et la Plateforme ne saurait profiter à une partie signataire… »

Comment sont les relations entre la CMA et la Plateforme actuellement ?

Elles sont bonnes. Nous partageons certaines positions militaires avec eux, la coordination se déroule bien. Les positions propres à chaque mouvement sont tenues et respectées conformément à nos attentes. Nous arrivons à maintenir de bons rapports faits de facilités et de respect mutuel. Dans l’avenir, nous allons renforcer davantage cette coopération entre la CMA et la Plateforme. Nous pensons que celui qui compte tirer profit d’une discorde entre la CMA et la Plateforme est dans l’erreur. Une tension entre la CMA et la Plateforme ne saurait profiter à une partie signataire, encore moins permettre d’atteindre la paix escomptée.

En janvier, à la tête d’une délégation de la CMA, vous étiez aux États-Unis sur invitation d’une ONG américaine. Et vous aviez été reçus aux Conseil de sécurité de l’ONU. Mais cette visite a été diversement interprétée.  

A mon avis, toute interprétation faite des missions de la CMA dans une logique de « préjugés » n’est pas de nature à encourager la cohésion et l’entente. La CMA est un acteur principal et légitime dans ce processus de paix. L’Organisation des Nations Unies est, d’une certaine manière, la principale garante de la mise en œuvre de cet Accord et son siège, comme tout le monde le sait, est à New-York, aux Etats-Unis. Une visite de la CMA au Conseil de Sécurité ou à l’Union Européenne, à Addis-Abeba (où se trouve le siège de l’Union africaine, ndlr) nous semble normale et qui s’inscrit dans le même cadre de la paix. La CMA y tient les mêmes propos que ceux qu’elle tient ici sur le territoire national. Elle sollicite plus d’implication et de soutien en faveur de la mise en œuvre de l’Accord de paix. Pour nous, c’est tout à fait normal que les parties signataires tiennent ce discours partout où cela est utile. La CMA observe également les différentes missions menées par les autres parties signataires. Nous avons connaissance du contenu de leurs objectifs et de leurs discours, bien qu’ils ne soient pas toujours en faveur de la paix, nous évitons d’en faire une polémique. Le critère qui doit, à notre avis, être pris en compte est de veiller à ce que chaque partie assume les engagements pris vis-à-vis de l’autre.

Augustin K. Fodou Walid Ag Menani

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