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Mali : Halte au fatalisme

Depuis plusieurs années le Mali traverse une crise multidimensionnelle dont la déflagration de 2011 est une des conséquences. La crise est politique avec une perte de repères quant aux valeurs démocratiques, elle est économique avec l’injustice dans la répartition des richesses, le chômage de masse, des difficultés à saisir les enjeux de la mondialisation, et elle est culturelle avec une forme d’abandon de nos mœurs, et ce que je peux appeler une « novculture » mélange de nos us et coutumes et des influences externes.

Sur les causes et les conséquences, beaucoup de choses ont été écrites, beaucoup de thèses ont circulé, des solutions génériques connues de tous sont proposées, sans que cela n’ait le moindre impact sur le quotidien de la population.

Combien d’écrits, de colloques, d’ateliers, de conférences sur le thème de la corruption, de la bonne gouvernance nous faut-il pour intégrer les méfaits des mauvaises pratiques ?  Combien d’ONG, d’associations travaillent aujourd’hui sur divers sujets sans réellement pouvoir présenter des résultats probants ?

Ces ateliers, programmes, visant  le plus souvent à éveiller les consciences, échouent dans leurs missions dans la mesure où s’est développé  une méfiance envers la  société civile, qui a perdu de vue la défense des plus faibles et la lutte pour la justice, deux thèmes qui constituaient la colonne vertébrale de son action jadis.

Un des aspects du problème est mental, dans la mesure où sur ces vingt dernières années s’est développé au sein de la population, d’abord un sentiment d’impuissance face aux grands problèmes que rencontrait le pays, l’impression que tout dépendait de l’élite « bourgeoise et/ou intellectuelle ». Ces deux sentiments ont abouti à l’émergence de la « communauté de l’impuissance, de l’abandon et de la défaite », qui considère, que quoiqu’elle fasse, aucune action ne pourra changer la destinée du pays. Au fond, l’ascenseur social, l’émergence, la lutte contre la pauvreté, contre la corruption, sont des combats qui ont été abandonnés par la communauté, laissés entre les mains d’une minorité, dont ce n’est pas la priorité.

L’Homme providentiel n’existe pas, et il appartient justement à cet ensemble démoralisé, défaitiste, fataliste de conduire les combats les plus durs pour l’amélioration de ses conditions vies. On l’a vu récemment avec la multiplication des grèves dans la fonction publique, loin des polémiques ces mouvements avaient pour but de changer la vie d’une catégorie déterminée.

Cet abandon de la chose publique entre les mains, d’un petit nombre est une des causes de la crise multidimensionnelle au Mali. Le citoyen lambda a l’obligation de se mêler de la politique économique, de la politique sécuritaire, de la justice, de l’électrification etc…car c’est lui qui donne mandat au pouvoir. C’est ce rapport au pouvoir qui a été abandonné.

Le Mali est un grand pays, pas uniquement par sa superficie, mais également par sa culture, par son histoire, par ses atouts économiques et par ses érudits. Le pays n’est pas à la place où il doit être, là où il devrait rayonner il est devenu la risée du monde, là où il devait triompher il s’est couché.

Si les politiques ont une responsabilité, la grande part nous revient, nous qui tuons dans l’œuf tout projet visant à l’éveil de conscience, nous qui vendons l’avenir du pays et de ses enfants pour 2000 francs CFA, des t-shirt et du thé tous les 5 ans, nous qui considérons finalement que nos intérêts personnels passent avant ceux de la Communauté.

Le rôle d’un intellectuel, est de présenter à la population des pistes de réflexion sur sa propre condition, et l’appeler à s’ériger contre l’injustice et la loi du plus fort. Les intellectuels maliens ont failli, dans ce rôle. L’éducation nationale, tous comme les parents avaient un rôle important à jouer dans la construction de la citoyenneté, force est de constater que la famille, a abandonné son rôle formateur, qu’elle n’entretient plus l’espoir d’un avenir meilleur dans la cité, pour ceux à venir.

Le fatalisme est un cercle vicieux, or comme mentionné plus haut le Mali possède des atouts remarquables, qu’il faut valoriser, et mettre en avant. Nous devons être fiers de notre histoire, de nos cultures, nous devons enfin nous rappeler qu’avant nous étions parmi les plus grands et qu’aujourd’hui nous risquons de sortir de l’histoire.

Ce fut le discours proposé par le Président Dioncounda Traoré en 2012, il n’avait pas tort, car notre passé constitue un puissant levier social. Se rappeler d’où l’on vient pour savoir où l’on va est un exercice important, dire que nous sommes les héritiers de l’empire songhay, de l’empire du Mali, doit nous inciter à vouloir retrouver notre grandeur d’antan, nous motiver à travailler plus, pour retrouver cette place qui est la nôtre, à côté des grands de ce monde.

Abdoulaye Diarra, contributeur Sahelien.com