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Témoignage – Moi, Demba Thiam, partant volontaire à la retraite, frustré

« Dans ce pays, il y a beaucoup de frustrations qui font que difficilement on va trouver le bon chemin. A cause de cette affaire, beaucoup sont devenus fous, des drogués, des foyers ont été éclatés, l’éducation des enfants remise en cause. » Demba Thiam fait partie des partants volontaires à la retraite, en 1991. A Kayes, où nous l’avons rencontré, il confie sa frustration du traitement fait au dossier des 5 023 fonctionnaires et conventionnaires militaires.

Je suis Demba Thiam, 62 ans, ancien ingénieur agronome ayant travaillé pendant 11ans dans la fonction publique. Je fais partie des 5 023 fonctionnaires et conventionnaires militaires qui ont choisi, en 1991, le départ de la fonction dans le cadre du Programme d’ajustement structurel. Tu sais qu’entre 1980 et 1990, notre pays a connu la récession économique la plus grave de son histoire, les agents de l’Etat pouvaient passer 3 à 6 mois sans salaire. En 1982, une série de programmes d’ajustements structurels a été lancée, avec le soutien des partenaires techniques et financiers. Près des centaines de milliards étaient prévus pour nous financer des projets.

Nous avons attaqué le gouvernement devant la justice. Et depuis 1993, nous sommes débout. Il y a eu 3 à 4 procès sans issu, y compris à la CEDEAO où il n’y a pas de justice aussi. Au Mali, le problème ce n’est pas que le nord. Il y a cette déception sourde qui est là, partout. Une injustice profonde. Nous sommes dans l’anonymat le plus total. Pire, il y en a qui sont considérés comme partants, mais ils sont toujours dans la fonction publique. Même au sein de l’armée.

Après notre départ, ils ont recruté des gens. Ils ne veulent même pas nous écouter, c’est l’omerta totale. Et c’est à partir de ce moment qu’on a commencé à voir des fonctionnaires milliardaires. Ceux qui étaient chargés de gérer ces programmes en ont faits un business pour s’enrichir, à l’énorme détriment de nous qui devions en bénéficier. Je n’ai rien regretté de mon départ. Nous avons vite compris que ce n’était pas notre tempérament, ce qui se passait dans les administrations. La corruption à outrance, le népotisme, là où tu n’avances pas il faut gratter la tête devant le chef. Il y a des députés qui nous ont vraiment aidés, comme Hamidou Diabaté. Mais l’Etat a joué à l’usure. Il a récompensé certains.

En 2013, au procès de Lomé, la Cour était dirigée par la togolaise Nana Awa. Les contentieux du Mali sont arrivés en retard. J’étais là-bas. Nous avions donné nos arguments, à travers Me Diawara et quelques avocats. La Cour a demandé à l’Etat malien de nous mettre dans nos droits. Mais rien n’a été fait. Lorsque nous avions réenrolé notre dosser, le juge Almadani Touré dirigeait la Cour. Les contentieux de l’Etat ont dit que nous sommes déjà entrés en contact avec l’UNTM. Mais on a senti la main de l’Etat. C’est en 1992 que nous avons créé l’Association des travailleurs volontaires à la retraite. Elle est dirigée par Mohamed El Béchir Baby de Tombouctou. Il a tenu la dragée haute pendant tout ce temps. Dans ce pays, il y a beaucoup de frustrations qui font que difficilement on va trouver le bon chemin. A cause de cette affaire, beaucoup sont devenus fous, des drogués, des foyers ont été éclatés, l’éducation des enfants remise en cause.

Le programme de départ volontaire a été un échec, le gouvernement lui-même a reconnu cela en 2007. Tout ce que nous demandons, c’est que nous soyons rétablis dans nos droits.

Boubacar Sangaré

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