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Rentrée littéraire : Bamako, carrefour des lettres africaines du 20 au 25 février

Djènèba Fotigui Traoré, Safiatou Bâ Dicko, Ismaïla Samba Traoré, Fatou Fanny-Cissé, Mamadou Thiero… A travers des récits au ton nouveau, ces auteurs véhiculent des paroles libres sur des questions qui restent d’actualité sur le continent : « pouvoirisme », démocratie, réconciliation, migration. Ils sont au programme de la rentrée littéraire prévu à Bamako du 20 au 25 février 2017.

Un pari sur la réconciliation, Djènèba Fotigui Traoré

Djènèba Fotigui Traoré, diplômée en Lettres modernes et Professeure à l’Institut de formation des maîtres de Koutiala (région de Sikasso), a réussi l’exploit d’écrire joliment un récit à deux voix : celles de Binta et de la narratrice. Au fil des pages, apparaissent des anaphores qui donnent au texte des souffles poétiques. L’intrigue trouve sa source dans la question complexe de la réconciliation, qui est au cœur de tous les discours et des actions de ceux qui ont les leviers du pouvoir.

Dans le pays, c’est le temps des grands discours du président Dankan Koné dont la devise est qu’ « il faut toujours impressionner la masse », et du ministre de la Sécurité, Faye Sidibé, contre la rébellion qui se manifeste à nouveau dans le nord du pays. Alors qu’au sud du pays, le même quotidien banal se poursuit : des bus qui passent et repassent, les bureaucrates qui rejoignent leurs postes, bousculade dans les transports en commun, souffrance, fatigue et la pauvreté.

Pour faire part de l’affaire-rebelle aux autres citoyens à travers la presse, le président use d’une stratégie: « Tout le monde a le droit de savoir, l’information est capitale pour la survie de la démocratie. Mais pourtant, il faut que le peuple ne sache que ce qu’il doit savoir, le reste, il doit l’ignorer, complètement. »

Binta, le personnage principal, est la fille du ministre de la Sécurité. A la veille de son mariage avec Iba Diakité, elle est enlevée dans la capitale par un groupe rebelle dirigé par Ag Mahmoud. Son père, las de résister, finit par démissionner. Binta n’éprouve que de la haine, une haine primitive pour Ag Mahmoud, qui la viole et finit par l’enceinter. Elle donnera naissance au fils du rebelle, un symbole fort de réconciliation

Entre-temps, après la chute du guide El Halal (qui n’est autre que Khadafi), des centaines d’hommes sont venus d’El Comor. Des divergences les opposent à Ag Mahmoud, qui défavorable à la revendication de l’indépendance des trois régions du nord du pays. Ils l’assassinent et forment le mouvement rebelle « L’orgueil du désert ». /

L’orgueil du désert, Djèneba Fotigui Traoré, La Sahélienne, 110 pages. Paru en 2016

Un diagnostic de la démocrate au Mali, par Mahamadou Thiero

« Ce livre n’est pas un simple roman, c’est un appel à tous ceux qui croient que le Mali peut changer ». C’est par cette phrase que l’écrivain et critique littéraire, Ousmane Tiéni Konaté, a présenté le premier roman de Mamadou Thiero, lors de son lancement au Centre Djoliba, le 4 février dernier. Le roman est inspiré des réalités d’une période qui s’étend de 1991 à 2012. En mars 1991, le peuple a mis fin à deux décennies de régime monolithique du général Moussa Traoré, ce qui a débouché sur la démocratie. En mars 2012, la démocratie a subi un coup d’arrêt avec un nouveau coup d’Etat. Ce roman est un miroir promené le long de 20 ans de démocratie, dont l’auteur fait le procès. /

Ruptures, Mamadou Thiero, La Sahélienne, 2016

Une assoiffée de pouvoir, par Fatou Fanny-Cissé

En Côte d’Ivoire, Fatou Fanny-Cissé continue son ascension dans le microcosme littéraire. Auteure de romans d’amour «Philtre d’amour», «Destination tendresse» et «Amour vif», ainsi que de l’audacieux récit « Une femme, deux maris » qui aborde la question de la polyandrie. Son nouveau roman « Madame la présidente » raconte l’itinéraire de Fitina, une femme aux ambitions démesurées et prête à tout pour gagner le pouvoir.

Après avoir passé 8 ans à la tête de la République imaginaire de Louma, le président Simikan, respecte la Constitution qui limite le nombre de mandat à huit ans non renouvelables, et décide de céder le fauteuil. Parmi les 40 candidats à sa succession, figure Fitina, une femme. Ce qui est une première à Louma. Pour atteindre ses ambitions présidentielles, elle est prête à tout : assassinats, recours aux charlatans, coups bas, micmacs politiciens.

Extrait : « «Avec elle, c’était la loi du talion: œil pour œil, dent pour dent. De toutes les façons, à quoi cela servirait-il de mettre des fautifs en prison ? Quand on lie les mains d’un coupable, il commet des fautes avec ses pieds…». (P.164) /
«Madame la Présidente», Fatou Fanny-Cissé, Nei/Ceda, Abidjan, 2016, 232 Pages

Chronique d’une famille malienne pas comme les autres, par Ismaïla Samba Traoré

Romancier, poète, essayiste, éditeur, auteur entre autres du roman « Les Ruchers de la capitale » publié en 1982 chez l’Harmattan, réédité en 2016 par La Sahélienne dont il est le directeur, ainsi que « Les Amants de l’Esclaverie », Ismaïla Samba Traoré, raconte dans son nouveau livre « Morilaka », l’histoire de sa famille.

Depuis que le médecin lui a annoncé un diagnostic de cancer, Ismaïla Samba se considère comme étant déjà dans l’antichambre de la mort. Selon le médecin, « il doit l’opérer sinon dans trois mois, ce sera trop tard… ». Mais ce qui hante le narrateur, c’est l’espérance trahie de ceux et celles qui, dans sa famille, attendaient de lui qu’il écrive l’histoire de leur famille. Lui, le seul chercheur et écrivain de la famille. Pendant ce temps, à Bamako, les rumeurs les plus folles annoncent qu’il est atteint d’une tumeur foudroyante.

Dans ce récit autobiographique, plein d’émotions, il livre l’histoire de sa famille, des migrants du Manden qui ont fondé le Kafo de Morila, au sud de Bamako. Si l’évocation du nom Traoré fait penser à Tiramaghan, général et cousin de Sunjata, Ismaïla Samba décrit l’histoire d’une famille qui a plutôt une fonction maraboutique et dont les ancêtres ont eu des liens avec des cités musulmanes comme Kong, Sansanding. /

Morilaka, Des communautés sahéliennes et leurs trajectoires en Islam, Ismaïla Samba Traoré, 2016, la Sahélienne 146 pages

Quand le passé rattrape, par Safiatou Bâ

En 2015, Safiatou Ba a fait une entrée fracassante dans le monde littéraire avec son recueil de nouvelles « L’envers du décor » dans lequel elle dénonce l’hypocrisie de la société (malienne) où l’adultère, l’infidélité, le mariage forcé, le viol, la trahison, l’amour du pouvoir semblent être devenus la norme. Elle nous livre cette fois-ci un roman « Les fantômes du passé » où elle donne l’impression d’hésiter entre une langue littéraire et celle du quotidien.

Le roman raconte l’histoire d’une famille riche et puissante qui assiste, impuissante, à la lente dérive de Chakani, fils adulé. Mais la vie de son riche et puissant père, Diamantio, dérape aussi et tous ses secrets qu’ils avaient jusque-là enfouis au plus profond de son âme, sont dévoilés. Née le 29 avril 1964 à Kati, Safiatou Ba a fait ses études primaires à Kolokani. Elle a ensuite fréquenté le lycée Askia Mohamed de Bamako avant d’entrer à l’Ecole Normale Supérieure de Bamako (ENSUP), au département d’anglais. Elle a réalisé l’essentiel de sa carrière dans le domaine du développement international. Depuis 2013, elle réside au Etats-Unis, où elle travaille au siège d’une organisation internationale. / Les fantômes du passé, Safiatou Bâ, Presses panafricaines, 2016