FR | EN

Français | English

dimanche, 22 décembre, 2024

|

17.2 C
Bamako
17.2 C
Niamey
17.1 C
Ouagadougou

|

09:11

GMT

A la frontière Burkina-Mali, une opération militaire conjointe pour débusquer les terroristes

Plein nord. Depuis Ouagadougou, le goudron se transforme en latérite puis en sable. A mesure que le convoi progresse sur la N22, les arbres diminuent, éparpillés sur la plaine chauffée à blanc par le soleil. Des chèvres perchées sur leurs pattes arrières grignotent les épines des acacias. Les bovins se massent sous les arbres, harassés par la chaleur.

Djibo est en plein Sahel. Quelques kilomètres avant la petite ville, les tentes des 13 000 réfugiés maliens du camp de Mentao annoncent que la frontière n’est plus très loin. Ils ont commencé à arriver en 2012, quand le conflit a débuté au Mali, et ils ont afflué, plus nombreux encore, quand l’offensive des groupes terroristes en direction du sud a déclenché une riposte française. Sur plusieurs kilomètres, au bord de la route, des huttes couvertes par des bâches du Haut-commissariat aux réfugiés. Le dénuement.

Le convoi ne s’arrête pas, dépasse Djibo. Encore 45 kilomètres avant d’atteindre Nassoumbou. Une localité à seulement 17 kilomètres de la frontière malienne. Là, quelques tentes et des véhicules militaires signalent un camp de l’armée. Il a été monté dans le cadre de « l’opération Gabi » qui a débuté le 22 février.

A l’ombre d’un arbuste épineux, un groupe d’officiers attend. «Depuis bientôt deux semaines, les forces armées burkinabè (600 hommes déployés, ndlr) et les forces maliennes (un effectif comparable) appuyées par les forces françaises sont en opération le long de la frontière entre les deux pays », sur 200 kilomètres, explique le commandant Evariste Somé, chef du PC tactique, basé à Djibo.

Il poursuit : « Cette opération s’inscrit dans le cadre de la lutte résolue contre les groupes terroristes qui agissent depuis quelques années dans cette zone ». Elle n’a pas été choisie au hasard. « C’est lié à des informations et des indices. On ne va pas au hasard dans une zone, c’est sur renseignement ». Et puis, dans la nuit du 15 au 16 janvier 2015, les Elliot, un couple âgé d’Australiens qui tenaient une clinique a été enlevé à Djibo. Jocelyn Elliot a été relâchée. Mais son mari, le docteur Ken Elliott, est toujours aux mains d’Al-Mourabitoune, le groupe de Mokhtar Belmokhtar affilié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

L’opération baptisée Gabi, vise à donner un coup de balai dans la zone en renforçant le dispositif existant. « Nous agissons pour empêcher ces groupes terroristes de nuire. (…) Ce sont des groupes suspects très mobiles, ce qui rend très délicat ce genre d’opérations », poursuit le commandant. Dans cette région aride, les troupes surveillent notamment les zones de pâturage et les points d’eau. Elles mènent des « actions de fouille, de ratissage et de reconnaissance des zones suspectes ». Ils sont appuyés par des moyens de reconnaissance aérienne. L’officier supérieur reste discret sur le bilan de l’opération qui s’achève dans quelques jours. Il affirme que les troupes déployées ont relevé « des indices de présence et quelques individus suspects, mais nous ne pouvons en dire plus ».

Mais l’opération ne vise pas seulement à traquer les terroristes et amener plus de sécurité. Il s’agit aussi de sensibiliser les habitants de la région et s’assurer leur soutien. Un travail difficile. Certains peuvent avoir des liens de parenté avec des membres de ces groupes terroristes ou criminels. D’autres redoutent des représailles s’ils collaborent.

« Nous sensibilisons beaucoup la population », reprend le commandant Somé. Nous leur faisons savoir que nous sommes là pour leur sécurité et que notre action ne pourra donner des fruits que s’ils coopèrent ou s’ils nous informent des activités suspectes, par exemple, des individus qui s’installent dans une localité et seraient tentés de vivre en autarcie. Ce n’est pas toujours un réflexe. Nous travaillons pour que les populations aient davantage confiance dans leurs forces de défense ».

Alors les soldats distribuent des médicaments ou du matériel aux dispensaires et écoles. Après la remise de produits de première nécessité par les militaires au dispensaire de Nassoumbou, Galbani K. Guillaume, infirmier-chef, explique : « Quand vous regardez les maisons, vous comprenez que c’est un endroit où ça ne va pas. Donc si on peut avoir le soutien pour qu’au moins les premiers soins puissent être assurés en attendant que les gens puissent venir avec leurs propres ressources, c’est bienvenu ». D’après lui, « la population a peur », mais il pense que la « présence de militaires rassure ».

« Il y a des endroits où les délinquants entrent, tapent des gens », affirme le chef coutumier Moumouni Maïga. « Ils rentrent, ils cherchent l’argent ou des engins neufs. Si vous résistez ou refusez d’obtempérer, ils vous tuent ». Mais le vieil homme s’estime en sécurité à Nassoumbou avec la présence militaire : « Je me sens tellement en sécurité que je ne ferme pas ma maison ».

Pourtant, selon le préfet Désiré Kiemdé, « la population vit dans la peur. Il n’y a pas très longtemps, il y a eu une attaque au niveau de la frontière. Il y a eu mort d’homme, même. On nous fait cas de jihadistes tout juste à la frontière. Cela fait que la population vit dans une situation de peur, c’est un peu la panique. Avec le renforcement de l’effectif militaire dans le département, on a espoir qu’ils luttent pour que le terrorisme diminue dans la zone ».

D’après lui, l’opération a permis pour le moment d’écarter les groupes terroristes : « On a des gens qui nous donnent des informations. Ils nous ont fait savoir que, depuis que l’opération a commencé, ils ne sentent plus la présence des jihadistes au niveau de la frontière. Ils se sentent maintenant en sécurité. Donc on ne fait que demander qu’ils accentuent ce genre de missions pour repousser les jihadistes hors de la frontière ».