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jeudi, 28 mars, 2024

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Ami Yerewolo : le rap pour exprimer la liberté

Ami Yerewolo, ou Aminata Dianoko de son nom d’origine, est aujourd’hui parvenue à s’affirmer sur la scène du rap malien en tant que femme d’une part, mais surtout en tant qu’artiste.

« Yerewolo », l’enfant digne et authentique

C’est à Mahina, ville située à environ 165 km de Kayes d’où elle est originaire, qu’Ami a fait ses premiers débuts dans le monde du rap sans le savoir : alors qu’elle faisait ses premiers freestyles dans la cour du lycée, la jeune rappeuse a décidé de former son propre collectif, lequel a été confronté aux contraintes imposées par les normes sociales. En effet, Ami a dû affronter les traditions familiales, à savoir le refus de voir une femme rapper, et aller à l’encontre des stéréotypes de la femme malienne que son entourage avait pour attente. « La famille a une certaine vision de la femme et le hip-hop n’est pas une tradition malienne ! Ma famille a eu peur et a voulu me protéger. Mais c’était à moi de leur dire que c’est mon destin ».

Casser les codes et refuser un avenir tout tracé

Son ascension sociale, elle la doit aujourd’hui à sa détermination et son combat. Un combat contre certains codes sociaux encore trop présents concernant le rôle attribué aux femmes au Mali. À l’instar d’Antigone chez Jean Anouilh, Ami a su dire « non » ; « non » à l’avenir qu’on cherchait à lui imposer. « Le milieu du rap est dominé majoritairement par des hommes. On ne laisse pas les femmes s’exprimer, donc c’était compliqué. Tout est fait pour qu’on abandonne ! Mais moi, personnellement, je voulais aller au-delà ! » Être une femme et s’exprimer à travers le rap n’a certainement pas constitué une facilité pour Ami, mais c’est justement là que se trouve le cœur de son combat : le rap comme moyen d’expression pour les hommes, certes mais également pour les femmes et les jeunes.

Le message d’Ami est porteur d’espoir : si elle a été capable de faire du rap son moyen d’expression propre, alors quiconque le souhaite devrait avoir la possibilité de faire de même. Partie de son seul talent, elle s’est battue pour atteindre son niveau aujourd’hui  sans abandonner faces aux difficultés liées son genre. C’est au prix de nombreux sacrifices, dont une partie de sa famille, qu’Ami est parvenu à s’affirmer sur la scène du rap malien. « J’ai compris qu’il fallait se battre dans la vie. »

« Mon rap est là pour parler de mon vécu »

À la question de savoir ce qui caractérise sa musique, Ami répond que son rap raconte avant tout son histoire, son parcours semé d’embûches mais également ses accomplissements. Elle refuse de parler d’un rap « engagé » : pour la jeune femme rapper lui permet de poser un regard sur la société, ses injustices mais aussi de mettre en valeur certaines traditions maliennes. Il ne s’agit pas seulement de revendiquer l’égalité d’accès des femmes maliennes à la scène du rap : Ami rappe pour que chaque personne qui l’écoute puisse peut-être se retrouver dans ses mots. « Le rap est un moyen de dire les difficultés par lesquelles je suis passée. Je veux que les gens se retrouvent à travers mes dires. La musique est un moyen pour exprimer les choses qu’il se passe, les bonnes et les mauvaises. »

Son rap, elle l’utilise pour exprimer la nécessité pour chaque enfant d’accéder à l’éducation : « J’ai eu la chance d’aller à l’école et d’avoir une éducation, chance que tous les enfants n’ont pas aujourd’hui. Chaque être humain est libre de choisir sa vie mais c’est un devoir qu’a la société de donner une éducation aux enfants. Ma musique est là pour ça, pour parler du droit des enfants et aussi des femmes ».

« Pourquoi ne pas créer un tremplin pour le hip-hop féminin au Mali ? »

Pour ses diverses raisons, et après avoir assister au festival Urban Human Week en 2017 à Dakar, Ami a pris la décision de lancer sa propre initiative et de créer un espace pour le hip-hop féminin dans son pays d’origine, « le Mali a des rappeuses », rassemblant des jeunes femmes qui désirent se lancer dans la carrière musicale. « À Dakar, le rap féminin n’est pas un problème. Toutes les jeunes femmes présentes racontaient leurs histoires ! ». Sans plus attendre, Ami a lancé à son retour un appel aux quelques rappeuses maliennes qui souhaitaient libérer leurs paroles sur la scène. « J’ai fait des annonces partout ! Après un mois, j’ai eu une dizaine de rappeuses. On a commencé avec un atelier de formation et un jour on a organisé un concours et nous avons accompagné la gagnante dans ses projets. Aujourd’hui au Mali, il y a de plus en plus de rappeuses qui s’expriment, qui sortent des albums et qui partent en tournée ! ».

Pour autant, la rappeuse malienne ne compte pas s’arrêter là et n’a certainement pas l’intention d’uniformiser le hip-hop féminin au Mali : « J’aimerais qu’il y autant de rappeuses qui s’expriment différemment ! Toutes les femmes doivent s’exprimer et si c’est le rap qu’elles ont choisi comme moyen d’expression, on doit les laisser faire». « Le Mali a des rappeuses » n’est d’ailleurs pas le seul projet qu’a lancé l’ambitieuse artiste. Récemment, elle a programmé le projet « Test Mon Flow », un concours de rap sous forme de battle et de freestyle qui a lieu chaque mois !

Après dix années en auto-production, Ami a récemment sorti son troisième album AY, sous le label de l’artiste et producteur camerounais Blick Bassy, Othantiq AA. Elle décide aujourd’hui de suivre les directions de sa production artistique, tout en gardant la solide intention d’ouvrir dans le futur un centre éducatif qui délivrerait des ateliers aux enfants, afin de les former aux différents métiers qui les intéressent !

Son message pour les futur artistes, quelqu’ils soient, qui désirent s’exprimer et s’émanciper grâce à la musique : « Rester courageux, persévérant et Ankan Bamba ! »

Téa Ziadé, Vladimir Sutter (Stagiaires)