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Au Niger, un second tour plein d’incertitudes

Le président Mahamadou Issoufou l’avait répété, martelé même : il entendait faire un coup KO, être élu pour un second mandat à la tête du Niger au premier tour. Finalement, c’est « un coup manqué », comme le dit l’opposition. Mais de peu.

Le président nigérien sortant a récolté 48,41% des suffrages, selon les résultats provisoires proclamés après cinq longs jours d’attente. Alors que son camp a été accusé de « fraudes » par les opposants pendant la semaine qui a précédé la publication des résultats, il n’a manqué que 170 000 voix au président pour passer dès le premier tour. Un grain de sable parmi les 4,83 millions de Nigériens qui ont voté. Hamidou Saïdou, de l’ONG Alternatives espace citoyen, pense qu’il y a eu « un plan de tripatouillage qui n’a pas très bien marché ».

Au contraire, pour la ministre des Affaires étrangères, Aïchatou Kané Boulama, ce second tour « démontre que nous sommes une véritable démocratie. On n’a pas influencé le vote comme nous en accuse l’opposition et cela va conforter notre image de démocratie au Niger et à l’étranger ». Pour elle, ce bon score prouve encore « que les Nigériens plébiscitent la politique du président qui a rétabli la sécurité dans le pays » menacé par des groupes terroristes venus de Libye, du Mali et du Nigeria.

Finalement, la tenue d’un second tour a écarté la perspective de violences post-électorales, au moins pour un temps. L’opposition avait déjà appelé ses militants à résister, tout en se gardant bien de dire précisément comment. Mais à l’annonce d’un second tour, la tension est subitement retombée.

Deuxième qualifié, Hama Amadou est en prison. Il a été arrêté dans une affaire de trafic de bébé. Il clame que l’affaire est politique quand les autorités lui rétorquent que c’est une affaire de droit commun. Hamidou Saïdou relève que, étonnamment, sa détention lui a attiré « la sympathie du peuple ». D’ailleurs, son slogan, « de la prison à la présidence », est populaire dans les rues de Niamey.

Du coup, une situation inédite se profile au Niger avec le second tour d’une élection présidentielle dont l’un des candidats est détenu. S’adressant à ses militants dans un communiqué, il a déclaré : « Malgré ma situation, je suis toujours avec vous. Armons nous seulement de courage et de plus d’engagement pour que l’alternance soit une réalité afin que nous décidions ensemble ».

Au premier tour, Hama Amadou, accuse un retard important sur Mahamadou Issoufou, avec 17,79% des voix. Il devrait bénéficier d’un important report de voix. Avant même la tenue du premier tour, les trois ténors de l’opposition (un ancien président et deux ex-Premier ministres) s’étaient engagés mutuellement à se ranger derrière celui qui affronterait Mahamadou Issoufou au deuxième tour. Ces opposants sont réunis au sein d’une plateforme de l’opposition, la Coalition pour l’alternance. Cependant, en cumulant les voix de ces partis de l’opposition, Hama Amadou culmine à seulement 37,63%.

Un délicat jeu d’alliance s’est donc mis en branle. Déjà, dimanche, le CPR-Inganci, de Kassoum Moctar, un petit candidat, a annoncé qu’il se rangeait derrière le président sortant. Dans un communiqué, le CPR-Inganci souhaite une « victoire écrasante » pour le président et « demande à toutes ses militantes, ses militants, et sympathisants de voter Issoufou Mahamadou au deuxième tour de l’élection présidentielle ». Et ce, notamment « dans le souci de garantir la stabilité de la nation ». Kassoum Moctar a remporté 2,91% des voix, soit plus que les 1,59% qui ont manqué à Mahamadou Issoufou pour gagner dès le premier tour.

Est-ce que cela sera suffisant ? « Mathématiquement, oui », répond Hamidou Saïdou. « Mais je ne partirais pas sur des bases de calculs arithmétiques ». « Si le deuxième tour est transparent, je pense que Mahamadou Issoufou va dégringoler, poursuit-il. Cela dépendra en partie de l’organisation de la Copa (opposition), si elle arrive à mettre des gardes fous. Ces élections vont se jouer sur la transparence ». De plus, Hamidou Saïdou estime que Mahamadou Issoufou est « au summum de son score avec des forts taux de participation dans son fief ». Or, il est difficile de savoir si les électeurs se mobiliseront pour le second tour, ce qui en fait un enjeu crucial, pour lui.

Un autre analyste, travaillant pour le gouvernement et ayant requis l’anonymat, invite aussi à la prudence : « Au Niger, il est difficile de saisir les logiques. On assiste souvent à des surprises. Aujourd’hui, personne ne peut prédire les résultats ». De plus, souligne-t-il, il faut attendre d’être dans la dernière semaine de campagne pour observer « le jeu des alliances ». Mais il n’exclut pas que Hama Amadou ait des chances de l’emporter, car il ne faut pas se contenter d’une « lecture arithmétique. C’est une nouvelle donne qui est ouverte ». Il s’interroge notamment sur la participation et observe que le parti au pouvoir a « déployé beaucoup de moyens au premier tour. Est-ce qu’il va reconduire les mêmes efforts ? ». Pour lui aussi, la transparence est importante, car « s’il y a de la triche, les perdants vont tenter de perturber la victoire et on peut s’attendre dans ce cas à des violences ».