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Au Nigéria, la communauté LGBTQIA+ est mitigée par rapport à la nouvelle directive de Joe Biden

Par Shade Mary-Ann Olaoye

Le 4 février 2021, le président américain Joe Biden a renouvelé l’engagement des États-Unis envers la communauté LGBTQIA+ du monde entier en publiant un mémorandum dont l’objectif déclaré est de faire progresser les droits de la communauté queer tant aux États-Unis que dans le monde.

Le mémorandum de M. Biden vise à étendre la protection et les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer et intersexuées dans le monde entier. La directive, qui fait suite à une mesure similaire de l’ancien président américain Barack Obama, menace de sanctions financières, de restrictions de visas et d’autres actions les gouvernements étrangers qui restreignent les droits des personnes LGBTQIA+ et leur refusent une protection juridique et physique. Le mémorandum promet un refuge sûr, une protection et une réinstallation aux réfugiés et demandeurs d’asile LGBTQIA+ vulnérables qui fuient les violences homophobes dans leur pays.

Depuis des décennies, le Nigéria est un État homophobe qui ne tolère pas les personnes homosexuelles, leur vie et leurs choix. Cette homophobie, qui s’appuie sur la religion, les coutumes et la tradition, a conduit à la stigmatisation et à la victimisation de la communauté LGBTQIA+. L’homophobie s’est aggravée lorsque la loi sur l’interdiction du mariage entre personnes de même sexe (SSMPA) a été adoptée le 7 janvier 2014, sous l’ancien président du Nigéria, Goodluck Jonathan.

Cette loi interdit essentiellement la cohabitation de partenaires sexuels de même sexe et interdit toute démonstration publique de relations amoureuses entre partenaires sexuels de même sexe, avec des peines sévères allant de 10 à 14 ans d’emprisonnement pour les personnes reconnues coupables.

L’ajout de la SSMPA à la législation nigériane préexistante qui criminalisait déjà les relations entre personnes de même sexe a entraîné une aggravation de la situation de la communauté LGBTQIA+ vivant au Nigéria. Cette loi a permis aux citoyens homophobes et aux forces de l’ordre non seulement de prendre les choses en main en procédant à des arrestations illégales et à des violences collectives sans crainte de conséquences tangibles, mais aussi de rendre les personnes homosexuelles vivant au Nigéria victimes de violences, de discriminations supplémentaires, de chantage et d’extorsion.

Cette violence se manifeste sous diverses formes, notamment le kitoing, une pratique par laquelle des homophobes prétendent être des gays dans des espaces en ligne pour inciter ceux qui le sont réellement à révéler leur identité, afin de pouvoir les faire chanter et les tuer. En conséquence, les nigérians homosexuels vivent dans la peur, cachant leur sexualité ou subissant des discriminations.

Dans le climat homophobe qui règne au Nigéria, des promesses comme celles contenues dans le mémorandum de Biden ont suscité des sentiments mitigés chez les Nigérians homosexuels, qui voyaient dans ce texte une source d’espoir mais craignaient aussi que ces mesures n’incitent à encore plus de violence à leur encontre.

Un homme se tient dans l’embrasure d’une porte de l’hôtel Kelly Ann, théâtre d’une descente de police en août 2018 au cours de laquelle 57 hommes ont été arrêtés pour exhibition publique d’affection avec des personnes du même sexe, à Lagos, au Nigeria, le 20 février 2020. REUTERS/Temilade Adelaja

Pour un homme gay comme Dimelu, la directive est un développement bienvenu, bien qu’il soit préoccupé par la façon dont le gouvernement américain sera en mesure d’identifier qui est queer et qui ne l’est pas. M. Dimelu pense que certains hétérosexuels homophobes cherchant à entrer aux États-Unis sont susceptibles de se faire passer pour des homosexuels.

Cette inquiétude est non seulement légitime mais, si l’on en croit les messages publiés sur les médias sociaux, elle est tout à fait exacte. Quelques jours après la publication des directives de réinstallation, des nigérians hétérosexuels se sont rendus sur Twitter, créant un fil de discussion où ils se font passer pour des homosexuels afin d’obtenir un visa américain.

Une inquiétude similaire est partagée par Mary, une lesbienne qui pense que les promesses de réinstallation pour les nigérians homosexuels vont renforcer l’homophobie déjà exacerbée.

 « Dans ma tête, je peux déjà voir ce qui se passe. J’imagine une situation où des couples gays, ou même des personnes soupçonnées d’être homosexuels, se font attraper et, par dépit, des Nigérians homophobes nous battent à mort ou nous lynchent avec des phrases comme ‘shey c’est toi qu’ils veulent donner un visa gratuit’, suspendues au-dessus de nos corps ensanglantés », a-t-elle déclaré.

Alors que le mémorandum fait de son mieux pour promettre de prendre les mesures appropriées pour identifier les personnes homosexuelles très vulnérables ayant un besoin urgent de protection, un nigérian homosexuel qui a demandé à rester anonyme a soulevé une question qui préoccupe de nombreuses personnes, même au sein de la communauté homosexuelle : « Qui sont les personnes qui vont bénéficier de ces visas d’asile ? », a-t-il lancé.

Il craint que les homosexuels nigérians économiquement privilégiés aient davantage accès au plan de réinstallation, au détriment des homosexuels vulnérables qui sont économiquement défavorisés et davantage prédisposés à la violence et au préjudice.

Il a suggéré que le plan aille au-delà des sanctions et de l’octroi de visas, et que les États-Unis recherchent des moyens de s’engager activement auprès des communautés de base, directement par le biais d’ONG qui les informeront de la meilleure marche à suivre.

Mais c’est une chose de déménager et c’en est une autre de commencer une nouvelle forme de vie dans un nouveau pays. Tim s’inquiète des détails de la réinstallation et se demande s’il est prévu de leur fournir un emploi, des soins de santé et un logement. « Beaucoup de nigérians homosexuels renonceraient à beaucoup de choses s’ils quittaient le Nigéria. Ce serait bien pour eux de retrouver un niveau proche de celui qu’ils avaient au Nigéria », a-t-elle affirmé.

Dans une large mesure, les nigérians homosexuels qui aimeraient profiter de certains des avantages de la vie que l’homophobie au Nigéria leur refuse, considèrent la réinstallation comme une idée positive.

Dan Yomi, un nigérian homosexuel expatrié depuis six ans, affirme que le fait de pouvoir vivre librement en étant authentique est l’une des meilleures choses qui lui soient arrivées. Pour lui, les homosexuels sont l’un des groupes les plus marginalisés du Nigéria, et toute décision ou action visant à privilégier leur sécurité est appréciée.