Dans le grand format de la rédaction sur la situation du paludisme au Niger, au Burkina Faso et au Mali, les chercheurs évoquent les nouvelles technologies de lutte contre les moustiques qui transmettent la maladie et les tests des différents outils pour aller vers son élimination.
Au centre de santé de Daikaina, dans la région de Tillabéry, l’équipe du jour s’active pour faire face au pic saisonnier de paludisme. Les plus vulnérables sont les femmes enceintes et les enfants. Chaque année, une campagne de chimio-prévention du paludisme se déroule afin de protéger les enfants. « C’est des comprimés qu’on distribue pendant quatre mois, juillet-août-septembre-octobre, pour les enfants de moins de 5 ans, c’est-à-dire de 3 à 59 mois. Quand vous voyez, ce sont les enfants qui ont plus de 5 ans qui ont le palu. Mais ceux qui ont moins de 5 ans et qui ont reçu correctement la chimioprophylaxie ne tombent pas malades », indique Hadjiya Marietou, Cheffe du centre de santé intégré de Daikaina.
Pour lutter contre la malaria au Niger, plusieurs stratégies ont été élaborées, selon Dr Illiassou Maïnassara, ministre de la Santé publique. Parmi ces stratégies, « il y a la prise en charge des enfants de 0 à 5 ans qui est gratuite et le paludisme fait partie des premières causes des maladies qui sont prises en charge gratuitement par le gouvernement. Le Niger s’est inscrit dans la logique de l’atteinte des ODD (Objectifs de développement durable, ndlr) en matière de lutte contre le paludisme. Tous les moyens sont aujourd’hui mis en œuvre. C’est la disponibilité des antipaludéens dans toutes nos formations sanitaires ».
Des moustiques génétiquement modifiés
Dans le cadre de la lutte contre le paludisme au Burkina Faso, des moustiques génétiquement modifiés ont été lâchés, en juillet 2019, dans le sud-ouest du pays. Une opération qui suscite espoir et crainte. Des organisations de la société civile ont dénoncé, ce qu’elles qualifient de décision scandaleuse qui vont à l’encontre de l’éthique de la vie humaine et viole les lois et conventions dont le Burkina est signataire.
A Bana, lors de notre passage, trois mois après les lâchers, les habitants des villages d’expérimentation s’attendaient aux premiers résultats. « Le paludisme n’a pas diminué. Les gens sont toujours malades, l’hôpital reçoit beaucoup de cas de paludisme. Moi-même je suis tombée malade, j’ai pris des médicaments et ça va maintenant », affirme Alimatou.
De son côté, Sedgo Zouberé pense « les moustiques lancés ont mangé les moustiques sauvages avant de se retourner contre nous. Ce qui fait qu’il y a beaucoup de paludisme. Mes enfants et moi sommes tous tombés malades ».
Agée de 64 ans, Kafando Risnata est convalescente. Pour elle, la situation n’a pas changé.« Au contraire, c’est pire qu’avant. Mes enfants et moi, sommes tombés tous malades. C’était grave chez moi, mais ça va maintenant », souligne-t-elle.
Les cas de paludisme sont courants dans cette localité souvent inondée pendant l’hivernage. Selon Touré Bali, infirmier à Wona, « pendant le pic de palu, le centre peut recevoir 70 à 80 malades par jour. Parmi ces cas, il y a le palu simple et le palu grave, mais il n’y a pas eu beaucoup de cas graves cette année ».
Quid de la recherche au Mali ?
Au Mali, les chercheurs travaillent également sur les nouvelles technologies de lutte contre les moustiques qui transmettent le paludisme. « La plus grosse partie de mes travaux est axée, ces temps-ci, sur le développement de ce qu’on appelle les approches génétiques et qui inclut les moustiques génétiquement modifiés. Par Moustique génétiquement modifié, il faut entendre deux courants. Pour le premier cas sur lequel on ne travaille pas, il s’agit de modifier un moustique de telle sorte que, s’il est lâché et copule avec les femelles de la nature, le développement du parasite est bloqué, c’est-à-dire que le parasite du paludisme n’aura pas à se développer chez ce moustique-là. Donc, il ne transmettra pas la maladie. La deuxième technologie de Target Malaria, c’est ce qu’on appelle le mâle biaisé, c’est-à-dire que le sexe ratio est dévié. Lorsque ce mâle est lâché, il copule avec la femelle, les progénitures sont à 95 ou 100% mâles. Le 3è type de technologie concerne un élément génétique de fertilité de la femelle mais toujours apporté par le mâle dans la population des moustiques. Lorsqu’il y a copulation entre le mâle modifié et la femelle non modifiée, il n’y a pas de progéniture », explique Dr Mamadou B. Coulibaly.
Selon le chercheur, le Mali n’est pas encore à l’étape des lâchers de moustiques. « On est très loin des lâchers pour la lutte proprement dite contre le paludisme. C’est toujours l’étape de laboratoire. Depuis 2012, nous sommes en train de travailler sur deux aspects. Sur le terrain, on fait des enquêtes entomologiques pour comprendre la population et le comportement du vecteur », poursuit le spécialiste. Et d’ajouter : « nous avons pu créer un laboratoire qui répond aux normes internationales. On a eu beaucoup d’interaction avec le gouvernement, le ministère de l’environnement qui est le ministère de tutelle et qui porte la réglementation pour toutes les questions d’organismes génétiquement modifiés. Nous nous allons étudier la technologie au laboratoire, nous rendre compte que nous avons répondu à toutes les questions de sécurité jusqu’à un niveau acceptable par la réglementation et la population avant de faire les lâchers et cela va prendre du temps ».
« Un parasite complexe »
En dehors de ce projet de recherche, une autre équipe poursuit les travaux sur le vaccin antipaludique. « La recherche sur le paludisme est un travail de longue haleine qui mobilise beaucoup de personnes au Mali, en Afrique et en Occident. Le parasite a évolué, depuis des années, avec l’homme et s’est adapté à lui. Trouver des astuces pour l’éliminer est d’autant plus difficile. C’est pour cela qu’on a l’impression, qu’on avance et qu’on recule. Mais la recherche est très active notamment chez nous au Mali. Le vaccin pour un parasite aussi complexe que le parasite du paludisme est difficile à mettre en œuvre. On peut signaler qu’il y a un vaccin en dernière phase d’évaluation par l’Organisation mondiale de la Santé au Malawi, au Kenya et au Ghana. Il s’agit du vaccin RTS,S. Nous espérons que d’ici quelques années, on aura les résultats définitifs de cette phase de mise à échelle pilote qui nous permettront de savoir si on peut mettre ce vaccin à la disposition des enfants pour prévenir le paludisme », indique le Professeur Abdoulaye Djimdé, directeur du Centre de recherche et de formation sur le paludisme (MRTC).
« Il y a des vaccins de 2è génération qui sont en train d’être testés par nos équipes ici où avec nos collaborateurs occidentaux, nous travaillons sur de nouveaux vaccins qui, nous espérons pourront être plus efficaces que celui qui est le vaccin RTS,S. C’est un travail difficile, autant nous apprenons à dompter le parasite, autant le parasite trouve des astuces pour échapper à notre contrôle. C’est ce qui fait que des résultats dans la durée nécessitent des efforts importants et soutenus », ajoute-t-il.
Concernant la situation générale du paludisme, des progrès ont été faits, selon le Pr Djimdé. « Si on compare la mortalité et la morbidité liées au paludisme, le nombre de gens qui meurent du paludisme et ceux qui en souffrent par an, entre l’an 2000 et 2015, ce nombre a été divisé par deux. Ça ne se dit pas assez souvent. Même chez nous, ici au Mali, les dernières statistiques du Programme national de lutte contre le paludisme estiment une prévalence moyenne de 20% de prévalence parasitaire dans notre pays. Ce qui est un progrès important, si on sait qu’il y a quelques années, cette prévalence s’élevait à près de 75% ».
Les chercheurs continuent de tester les différents outils pour aller vers l’élimination du paludisme. Mais, l’insécurité au Sahel empêche parfois, le déploiement des services de santé dans certaines localités, affectant ainsi, la prise en charge des populations.
Omar H. Saley, A. Koné, Sory Kondo, Augustin K. Fodou
*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.
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