Aïssata, Kadidjatou et Salamata ont fui insécurité dans les régions du Centre-Nord et du Sahel pour trouver refuge à Ouagadougou. Dans la capitale, elles tentent de reconstruire leur vie.
Après avoir fui les violences intercommunautaires dans son village natal Dablo, situé dans la région du Centre-nord du Burkina Faso, Aïssata Diallo a finalement trouvé refuge dans la capitale depuis trois ans. “Nous ne savons pas ce qui a engendré ces affrontements. Nous avons juste entendu dire que des Peuls et des Mossi s’affrontaient. Nous avons des enfants qui étaient sur place qui s’occupaient du bétail de certains Mossi et jusqu’à aujourd’hui, nous ne les avons pas revu. Nous avons entendu qu’ils sont morts dans les affrontements. Nous avons donc décidé de fuir”, affirme-t-elle.
Assise sur un trottoir, le regard vide, Aïssata pratique la mendicité depuis son arrivée à Ouagadougou.“Ce n’est pas avec joie que nous mendions. C’est par nécessité. Si nous ne mendions pas, nous allons dormir la faim au ventre. Si nous mendions, c’est pour pouvoir manger. Certaines personnes nous donnent, d’autres non”, a-t-elle poursuivi.
Accompagnée de sa belle-fille et leurs enfants, elles peinent à joindre les deux bouts dans leur ville d’accueil. “Comme nous ne gagnons pas beaucoup dans la mendicité, je prends des mangues que je dépose à côté et que je vends. Si ma belle-fille et ses enfants arrivent à payer du riz avec l’argent de la mendicité, moi j’ajoute l’argent des condiments et du bois afin que l’on puisse manger. Même si ce n’est pas beaucoup, nous sommes obligés de faire avec. Ce que tu gagnes, c’est ce que tu manges. Nous demandons juste la santé et la paix”, explique-t-elle.
Le soir venu, c’est dans une maison dégradée, louée à 7500 F CFA le mois que dorment Aïssata, sa belle-mère, sa belle-fille et leurs six enfants dont l’un souffre de stress post traumatique suite aux horreurs vécues à Dablo. Laissant derrière tout ce qu’elle avait, Aïssata n’a aucune envie d’y remettre les pieds, par peur de se faire tuer. “Franchement, je ne veux pas y retourner. Je ne sais pas ce que ressentent les autres, mais moi, je ne veux plus y remettre les pieds. Je n’ai plus rien là-bas, je ne peux pas aller m’asseoir là-bas, sans rien. Il n’y a pas d’animaux, pas d’argent, pas de nourriture”.
Venue de Silgadji dans la province du Soum, Kadidjatou Badini aussi a dû tout abandonner pour se réfugier à Pazani, un quartier périphérique de Ouagadougou. Depuis trois ans, elle est sans nouvelles de quatre de ses enfants. Pour pouvoir subvenir à ses besoins, la veuve Kadidjatou multiplie les tâches comme le ramassage et la vente de sable. “Par moment on gagne un peu. Mais cette année, c’est assez compliqué parce que les propriétaires terriens nous ont sommé de libérer leurs terres. Avant-hier, ils ont failli en venir aux mains avec d’autres dames qui ramassent le sable. Comme c’est le weekend, ils ne passent pas par là, et on se cache pour ramasser. Ce qui veut dire que bientôt on n’aura plus rien à faire, on fait vraiment pitié” dit-elle, l’air inquiet.
Activités génératrices de revenus
Tout comme Kadidjatou, Salamata est également originaire de Silgadji. Arrivée à Ouagadougou, elle a appris, comme d’autres déplacées, le tissage des pagnes traditionnels suite à une formation en activité génératrice de revenus. “Nous nous sommes regroupées en association. Dans un premier temps, chacune tisse de son côté. Ensuite, on stocke dans le même magasin pour la vente. On a aussi un coffre-fort et c’est là-bas que nous gardons nos recettes. Et périodiquement, nous enlevons pour payer nos savons et autres. C’est avec cet argent que nous payons aussi la matière première pour le tissage”, précise Salamata Kiendrebeogo.
En dehors du tissage, les femmes déplacées apprennent à fabriquer du savon et le Soumbala, une épice utilisée pour assaisonner les plats. Elles sont accompagnées par l’ONG Service social international Afrique de l’Ouest qui a également scolarisé plus d’une centaine d’enfants déplacés, souligne Diane Kaboré, chargée de projet.
Selon les chiffres publiés par le Conseil national de Secours d’Urgence et de Réhabilitation (CONASUR), le Burkina enregistre près de deux millions de personnes déplacées internes à la date du 30 avril 2022. « La proportion des nouveaux déplacements par mois varie entre 2% et 10% à la hausse. Plus de 83% des déplacements sont dus aux attaques et menaces des Groupes armés non étatiques de façon générale » indique le Bureau de la coordination des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).
Nakanabo Mohamed, Mody Kamissoko
*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.
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