Neuf ans après son entrée en production, la mine de zinc de Perkoa, située à 130 kilomètres de Ouagadougou, la capitale burkinabè, a connu une inondation qui a coûté la vie à huit mineurs en avril dernier. Un jour inoubliable pour Mathieu Bationo, l’un des rescapés de ce drame.
Samedi 16 avril 2022. Il est 5h 45 à Perkoa. Mathieu Bationo, un agent de la société Nantou Mining Burkina Faso S.A, sous-traitant minier de Byrnecut, reçoit ses tâches du jour dans la salle de réunion avec ses collègues. Ainsi, c’est une journée normale qui vient de débuter.
Vers 6h du matin, alors que chaque employé vaque à sa mission, la pluie commence à tomber en petite quantité. Pourtant, quelques heures plus tôt, il y a eu une explosion dans la mine à ciel ouvert. De mémoire de Mathieu Bationo, le choc a été ressenti jusqu’au sous-sol.
Cette pluie, qui a duré moins d’une heure, va causer des dégâts qu’aucun d’entre eux ne peut imaginer. « Mon collègue qui a travaillé la nuit m’a dit qu’il a laissé ma machine que je devrais aller chercher afin de charger les camions. C’était à l’endroit où l’explosion a eu lieu. Mon superviseur m’a appelé me demandant de revenir car l’eau descend au niveau de la mine. Je dois envoyer des matériels pour bloquer l’eau », relate Mathieu Bationo.
Assis dans le bistrot de son épouse où il a l’habitude de consacrer son temps durant ses jours de repos, ce rescapé de l’inondation de la mine de zinc de Perkoa nous livre son témoignage. « Quand j’ai déposé le matériel, l’eau a ramassé », poursuit son histoire. Malgré ses tentatives à répétition, il n’arrive pas à bloquer l’eau.
En allant chercher d’autres matériels, il se rend compte que la quantité d’eau bloque sa machine. Mathieu Bationo ne peut plus continuer. C’est ainsi qu’il appelle son superviseur pour faire le rapport. « J’ai garé et appelé mes frères [collègues] pour leur dire que l’eau a pris ma machine donc je ne pense pas quelqu’un puisse prendre la voie principale. J’ai contacté mon collègue Bama Charles qui devrait aussi venir m’aider à bloquer l’eau sur la voie mais il n’a pas pu. Il était resté en bas. Il est monté par les galeries via les issues de secours dans un autre niveau », précise-t-il.
« Je remercie Dieu seulement ! »
Découvrant par la suite que le restaurant du service est inondé, Mathieu Bationo va, une fois de plus, contacter son superviseur grâce à une autre radio pour lui faire le rapport. N’ayant plus de choix, il est alors obligé de passer par l’issue de secours pour monter à un autre niveau. C’est au troisième niveau qu’ils ont pu se voir avec certains de ses collègues et ils ont pu échanger de vive voix.
Dans leur nouveau refuge, la galerie est remplie d’eau. Avec ses collègues, au nombre de quatre, ils décident de patienter durant trois heures. « Quand l’eau a diminué, j’ai cherché un barre-à-mine. J’ai écarté la porte. J’ai dit à un frère : il faut te lever pour venir m’aider. C’est ainsi qu’on a ouvert la porte. Je leur ai dit que si l’eau augmente encore, on ne pourra plus passer par cette issue de secours. » Il devance les trois autres. La quantité d’eau diminue et il retrouve enfin la voie principale. C’est ainsi qu’il a pu se sauver dans la galerie. « C’est Dieu qui m’a vraiment aidé. Je remercie Dieu seulement ! Sinon à l’heure-là, on allait être neuf personnes [à périr] », soupire ce miraculé.
Huit collègues manquent à l’appel…
Fort de ses neuf années d’expériences dans les sociétés minières dont la troisième entreprise est Nantou Mining Burkina Faso S.A, Mathieu Bationo est un natif de Bonyolo, localité située à 15 kilomètres de Perkoa. Il raconte la manière dont il apprend que huit de ses collègues sont restés dans les galeries. « Le même jour lorsqu’on est sorti, on a eu un tableau de badges. Chaque employé, lorsque vous rentrez dans la mine, vous accrochez vos badges. Donc nous sommes rentrés dans la salle de réunion. Le manager a pris la parole pour nous informer que huit de nos collègues sont à l’intérieur donc il va falloir qu’on continue les travaux pour évacuer l’eau rapidement afin de les rechercher. »
Ainsi, c’est un autre épisode qui vient de commencer. « On s’est levé tout de suite pour arranger la voie et évacuer l’eau. Il y a la pompe mais la voie est gâtée. C’était trop dur. » C’est dans cette ambiance qu’ils vont travailler pendant huit jours pour atteindre le niveau de l’eau.
« Au huitième jour où on a fini et on est arrivés au niveau de l’eau, j’ai dit que c’était fini. Parce que la distance entre la mine et le niveau 520 qu’on nous a montré, j’ai su qu’il n’y a personne qui vit à l’heure-là, même si la personne est un poisson… Ce n’était pas facile ! (…) ».
Une journée inoubliable…
Pour vous, il n’y avait plus espoir ? A cette question, il ne passe pas par quatre chemins. « J’ai souffert en bas pour arriver dehors. L’espoir, c’est qu’on travaillait seulement pour faire sortir les corps. Le même jour, je le savais déjà », répond-il. « Le 16 avril [2022], c’est une journée que je ne peux pas oublier ! », a-t-il déclaré.
Le 20 juin 2022, le gouvernement annonce la découverte du dernier corps sans vie, après 66 jours de recherches. Cette découverte macabre porte à huit (six Burkinabè, un Tanzanien et un Zambien), le nombre exact des agents qui ont manqué à l’appel.
Le 14 septembre, deux responsables de la mine ont été condamnés à des peines de prison avec sursis pour « homicide involontaire ».
Liquidation judiciaire
Le 6 octobre dernier, le principal actionnaire Trevali Mining Corporation, a annoncé avoir « déposé une demande de liquidation auprès du Tribunal judiciaire de commerce du Burkina Faso ». Cette situation entraîne la perte d’emplois de 350 personnes. En difficultés économiques après l’inondation de mi-avril, Trevali évoque également « l’incertitude géopolitique persistante au Burkina Faso, y compris le coup d’État du 30 septembre 2022. »
Entrée en activité en janvier 2013, la mine de Perkoa a produit, en 2020, 152 540 tonnes de zinc pour un montant de 60,75 milliards FCFA, selon les les données du rapport de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives au Burkina Faso (ITIE/BF). Toujours d’après le document, la même année, elle a contribué au budget de l’Etat pour la même année à hauteur de 77,467 millions FCFA. Plus de 249 millions FCFA ont été versés au titre de la patente et plus de 2 milliards 600 millions FCFA au titre du fonds de réhabilitation et de fermeture des mines (FRFM). Ce dernier est un guichet du Fonds d’Intervention pour l’Environnement (FIE). « Il est alimenté par la cotisation annuelle des titulaires des permis d’exploitation industrielle, semi mécanisées et des sites d’exploitation industrielle de substance de carrières », indique le rapport.
Alpha Diallo
*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.