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Burkina Faso : l’utilisation des pesticides, un danger pour l’apiculture

Des abeilles en baisse de productivité, des ruches vides ou pas très animés…, c’est le constat fait en cette matinée ensoleillée du 6 septembre à Bingo. Nous sommes à une quarantaine de kilomètres de Ouagadougou. Dans ces champs où bourdonnaient joyeusement, autrefois, des milliers d’abeilles, un silence inquiétant commence à s’installer.

Sur place, les consignes sont strictes. Pour y accéder, il ne faut ni être parfumé, ni avoir appliqué du beurre de karité ou encore avoir consommé du dolo (bière de mil). Ici, les ruches en activité ne doivent pas être approchées de trop près. Le danger est bien réel, avertit le président de la coopérative des producteurs de miel de Bingo.

Le visage marqué par l’inquiétude, il témoigne des difficultés croissantes auxquelles ils font face. « Il y a au moins trois ans que l’on voit que le manque de miel est devenu accru et que les colonies d’abeilles ne sont plus importantes. Ce sont les pesticides et les engrais qui les tuent, et il y a aussi le changement climatique », déclare Naaba Ambga de Bingo, chef de la coopérative des producteurs de miel de Bingo.

Et d’ajouter : « Il faut trouver une autre solution, sinon d’ici là, on n’aura plus d’abeilles, et s’il n’y a pas d’abeilles, ça veut dire que l’agriculture serait pauvre. Il n’y aura pas de pollinisation, et à ce moment-là, on va regretter

Pour tenter de limiter les dégâts, la coopérative a mis en place plusieurs initiatives, comme la plantation de tournesols, espérant que ces plantes attireraient les abeilles et les garderaient loin des champs traités. « Cette année, comme la saison a débuté tardivement, on a commencé à planter le tournesol. Si ça avait réussi, les abeilles auraient trouvé ce qu’elles voulaient sur place. Cela les aurait évité d’aller loin et de rester dans les pesticides. L’année passée, on a planté et ça marchait, mais cette année, ça ne marche pas, la terre ne répond pas », confie le chef de Bingo visiblement découragé.

Des menaces pour la sécurité alimentaire

De l’autre côté, les agriculteurs utilisent les pesticides parce que ça facilite leur travail. C’est le cas de Andaté Zongo. « Comme nous n’avons pas assez de moyens, on utilise les herbicides mais en de petite quantité. Si nous avions les moyens, on en prendrait plus, mais là nous sommes obligés de désherber manuellement. Souvent quand il y a beaucoup d’herbes et que nous avons un peu d’argent, nous payons les produits pour pulvériser avant de semer. Mais aux regards de nos maigres moyens, nous ne pouvons pas pomper les produits dans tout le champ. Nous l’utilisons juste sur une partie et le reste nous cultivons à la main», explique-t-il.

Cependant, face à la question des effets des pesticides sur les abeilles, Andaté se montre surpris. « Je n’ai jamais entendu parler de ça. Je ne suis pas lettré, personne ne nous a jamais informés de cela», avoue-t-il.

Du côté des consommateurs, les conséquences sont également palpables. Sabouna Ouedraogo, amateur de miel depuis plusieurs années, a noté une baisse de qualité et de disponibilité.« À un certain moment, la boutique dans laquelle je m’approvisionnais ne me donnait plus les produits que j’avais l’habitude de prendre. Renseignements pris, il m’a été dit que la disponibilité du miel que je consommais posait problème. Je n’ai pas cherché à comprendre à quoi c’était dû, mais j’ai dû changer de qualité de miel. Mais après un moment, j’ai retrouvé mon miel dans la même boutique et le problème a été résolu pour moi », a indiqué Sabouna Ouedraogo.

« La santé n’a pas de prix« 

Malgré cette situation, Sabouna est prêt à payer plus cher pour un miel de bonne qualité produit dans un environnement sain.  « La santé n’a pas de prix, a-t-on l’habitude de dire. Je préfère payer du miel de bonne qualité pour demeurer en bonne santé que de payer du miel de mauvaise qualité pour après me soigner avec des frais qui dépasseront certainement la valeur du miel que j’ai payé », souligne Sabouna Ouédraogo.

Passionné par les questions environnementales, Marcel Ramdé partage ses inquiétudes. « Il nous revient parfois, quand on prend la route, de voir les agriculteurs pulvériser sans masque et tout. Ça, déjà, c’est un danger pour leur propre santé. Si on peut donc retrouver des résidus de ces produits chimiques dans le miel, ça veut dire que même dans le riz, les tomates, les produits maraîchers et tout ce qu’ils produisent, il y a forcément ces produits dans leur production. Et c’est vraiment un problème de santé publique », dit-il.

Face à cette problématique, la question se pose : comment maintenir une agriculture productive tout en protégeant les abeilles, essentielles à la production du nectar précieux ? Les solutions semblent complexes, mais des alternatives, comme l’agriculture biologique, doivent être envisagées. Pour l’heure, les producteurs de miel croisent les doigts pour qu’une solution rapide et définitive soit trouvée, parce que tant que les pesticides continueront de se répandre dans les champs voisins, l’avenir de l’apiculture restera incertain.