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vendredi, 19 avril, 2024

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Burkina Faso : Un attentat et des questions

La vie reprend ses droits, à Ouagadougou. Toute la matinée, les nouveaux ministres, désignés la semaine dernière, ont pris leurs fonctions pendant 12 passations conduites au pas de course.

Sur le terrain, les enquêteurs sont à pied d’œuvre. Derrière un cordon de sécurité qui protège les curieux, des hommes en combinaison blanche s’affairent dans le périmètre protégé par des cordons jaunes. Il confine les lieux du drame : le Taxi Brousse, le Cappuccino, l’hôtel Splendid, l’hôtel Yibi.

Le président béninois Yayi Boni et burkinabé Roch Marc Christian Kaboré se sont rendus sur place. Ils ont trouvé un décor de désolation. Au Cappuccino calciné : chaises renversées, impacts de balle, mais aussi des pizzas qui n’ont pas eu le temps d’être entamées. La vie s’est brutalement arrêtée.

Le scénario de l’attaque se précise. Elle commence vendredi, peu après 19h30. Les tireurs « rafalent » le café Cappuccino, selon plusieurs témoins. Ce café-terrasse prisé des Occidentaux est déjà bien rempli, ce vendredi soir, et la majorité des victimes de l’attaque est tuée là. Certains parviennent à s’enfuir sur les côtés. Mais de nombreux clients, « une vingtaine », selon un serveur rescapé, se réfugient dans les toilettes, au fond. Par chance, les assaillants ne vont pas fouiller là.

Mais les terroristes mettent le feu au café, ainsi qu’à des véhicules. Certains rescapés pensent que les terroristes ont voulu les asphyxier ou les forcer à sortir. Les tireurs cherchent, par ailleurs, à s’assurer que leurs victimes sont bien mortes. Ils donnent des coups de pied dans les corps, exécutent à bout portant les blessés.

Ils entrent dans l’hôtel Splendid, en face. De là, ils tirent sur les personnes qui se trouvent dans la rue. Selon plusieurs témoignages, les terroristes reviennent au Cappuccino. Des pompiers essaient d’éteindre le feu, mais ils essuient des tirs.

Pendant ce temps, les forces de sécurité se sont déployées aux abords des lieux de l’attaque. Des soldats français équipés de lunettes de vision nocturne sont présents, mais il faut rapatrier des hommes des forces spéciales en opération au Mali. Des Américains étaient-ils présents ? Un drone américain a participé aux opérations, selon l’ambassadeur de France, Gilles Thibault.

Finalement, l’assaut est donné vers 1 heure sur l’hôtel Splendid. Des tirs sporadiques résonnent. Pendant tout le reste de la nuit, les soldats s’emploient à fouiller les chambres et s’assurer que les lieux ne sont pas minés. Au moins une porte était piégée. L’assaut se poursuit vers l’hôtel Yibi et le Taxi Brousse. Trois terroristes sont éliminés. Selon l’ambassadeur de France, ils ont été abattus par les soldats français. Mais, plus tôt, une source sécuritaire burkinabè affirmait qu’ils avaient été tués par les forces burkinabè. Les bilans font état de 29 à 30 morts.

Le choc passé, vient le temps des questions. Plusieurs observateurs s’interrogent sur le délai de la riposte. Il a fallu cinq heures avant que l’assaut soit donné. Cachée dans le Cappuccino, une rescapée a appelé désespérément les secours sans obtenir de réponse. L’une de ses amies confie s’être sentie « abandonnée ». Une source proche des services de sécurité se désole : l’intervention a mis « beaucoup trop de temps. Il faut que nous soyons mieux préparés si cela devait de reproduire ».

Une source au sein de la gendarmerie a affirmé à l’AFP : «Nos hommes avaient envie d’en découdre. Nous avons été formés pour cela », mais « on avait un problème de matériel : pas d’appareils de vision nocturne, pas de boucliers balistiques, pas de matériel d’effraction » pour ouvrir les portes.

Si l’assaut a tant tardé, c’est aussi que les forces de sécurité avaient des renseignements imprécis, voire contradictoires, sur le nombre d’assaillant et leur position. D’ailleurs, lorsqu’elles ont pénétré dans l’hôtel Splendid, les assaillants avaient déjà fuit. Ils ont finalement été tués alors qu’ils se trouvaient de l’autre côté de la rue, au café Taxi Brousse.

Il semble aussi que la coordination était défaillante. Raison pour laquelle, le tout nouveau ministre de l’Intérieur, Simon Compaoré, s’est rendu sur les lieux pour coordonner lui-même les opérations. Le chef d’Etat major, Pingrenoma Zagré a également été vu au QG. Lors de l’assaut, un officier français s’est plaint que ses hommes se faisaient tirer dessus par les troupes burkinabè. Selon le président Roch Marc Christian Kaboré, un soldat français a été blessé. L’ambassadeur de France a refusé d’indiquer dans quelles circonstances et s’il s’agissait d’un « tir ami ».

On ignore toujours combien il y avait précisément d’assaillants. Les corps de trois jihadistes ont été retrouvés. Al-Qaïda au Maghreb islamique, qui a revendiqué l’action, a publié les photos de trois jeunes hommes. Mais de nombreux témoins parlent de cinq à six assaillants. »Trois assaillants ont été abattus pour le reste je ne sais pas », a déclaré l’ambassadeur de France, tout en admettant qu’il existe « des suppositions sur la participation d’autres personnes ».