Il est 9h 43 mn au quartier Nagrin de Ouagadougou. Comme chaque matin, c’est l’heure pour Fatimata Ouédraogo de vaquer à ses occupations. Et c’est dans la bonne humeur qu’elle esquisse quelques pas de danse avant d’aller ramasser les déchets plastiques. Dans la bande verte traversant le quartier, la sexagénaire se dirige vers une poubelle improvisée. « Généralement après les baptêmes, les gens viennent déverser les sachets d’eau et autres ici. C’est aussi le cas des mariages. Les ordures ménagères sont également déversées ici. C’est dans ça, que je ramasse et je revends », indique Fatimata Ouédraogo.
Ici, le kilogramme du sachet est vendu à 100 francs. Pour ce qui est des bidons, Fatimata vend les 3 à 100 francs. Selon elle, c’est un marché qui n’est pas du tout mal : « souvent, je peux ramasser et vendre pour 750F ou 1000F CFA. Pour les bidons, il y a en a qui viennent payer aussi. Pareil pour les boîtes. Il m’arrive de vendre pour 1000 ou 1500F. Quand je les additionne, ça fait l’affaire et tout le monde est content.»
Après la vente, la marchandise est généralement acheminée chez Mohamed Zongo et ses frères qui font le tri, pour ensuite, revendre à des entreprises de transformation. « Dans notre travail, nous recevons beaucoup de choses. Souvent, les fers sont mélangés avec du plastique, de l’aluminium et des chaussures. Nous étudions tout cela pour mettre le fer d’un côté et les plastiques aussi à part. Après ce travail de tri, on fait venir un camion qui transporte la marchandise pour amener à l’entreprise qui fait la transformation. Il y a certaines personnes qui viennent directement acheter du plastique avec nous », explique le ferrailleur Mohamed Zongo.
A Ouagadougou, il y a plusieurs sites de transformation des déchets plastiques. Nous nous sommes rendus chez les leaders de la collecte des déchets, une association de jeunes qui compte plus d’une cinquantaine de personnes. Elle transforme les déchets plastiques en pavés, et en briquettes. « Suite à la collecte, nous essayons de faire un tri. Et nous trions par couleur et par qualité. Même si ce sont des déchets, il y a aussi des qualités de déchets. Arrivés à notre local, nous essayons de faire la mise en place de notre matériel. Nous mettons dans un premier temps, de l’huile de vidange dans nos différents moules et nous essayons de faire la fonte des déchets…», souligne Issouf Ouédraogo, président de ladite association. Et de préciser que quand la demande est forte, ils peuvent produire une centaine de pavés par jour.
D’une capitale à une autre
Comme à Ouagadougou, la gestion des déchets reste un défi à relever à Bamako. Avec une équipe composée d’une quarantaine de jeunes, l’entrepreneur Moussa Seydou Konaté tente de jouer sa partition en concevant des poubelles faites à base de matières recyclées. « La première étape, c’est d’abord la collecte des bouteilles suivie de leur nettoyage et perçage. Ensuite, nous avons une unité de soudage qui fait l’échafaudage des poubelles.»
Autant elles sont fabriquées pour contenir des ordures afin de mieux les gérer, ces poubelles réduisent également les déchets à travers la quantité de matière utilisée pour leur fabrication. « La poubelle grand-modèle prend 72 bidons, la petite en prend 32. Donc, si vous faites le calcul avec les poubelles de tri de trois, de deux et de quatre, il s’agira juste de multiplier les 72 par le nombre de poubelles. Dans le mois, on se retrouve souvent avec 500 à 2000 poubelles produites », Moussa Seydou Konaté.
Et d’ajouter : « Aujourd’hui, en termes de bouteilles, nous recyclons énormément et nous continuons de le faire parce que ce n’est pas que la poubelle que nous produisons actuellement. Nous avons commencé à produire des pavés, qui sont aussi faits à base de plastiques broyés. Nous avons commencé à produire d’autres objets comme les potagers mobiles qui se vendent aussi bien. »
De par la place qu’ils occupent dans le quotidien des populations et leur capacité à durer dans la nature, les sachets plastiques constituent un véritable danger comme l’explique Moussa Thiam, enseignant-chercheur. « Les plastiques peuvent rester dans la nature plus de 100 ans sans dégradation. Ils ont un impact sur la végétation, ça joue sur l’aménagement, l’esthétique générale de la ville, ça joue sur l’homme et l’environnement en termes de santé.»
Après plusieurs recherches et études menées, Moussa Thiam et ses collègues proposent des solutions pour mieux gérer les déchets. « Pour ce qui concerne la réduction à la source, cela va venir avec l’éducation, la sensibilisation, le changement de comportement et de mentalité. Mais surtout ça viendra aussi avec des politiques d’accompagnement. (…) Pour ce qui concerne la réutilisation et la reconversion, il y a trois types d’utilisation qu’on en fait. On utilise une partie comme lien. A la place du ciment, nous utilisons les plastiques fondus. Concernant les autres aspects que nous sommes en train de développer avec l’équipe de recherche, c’est d’aller vers l’utilisation de ces matériaux comme substitut des granulats, sables, graviers dans le béton conventionnel…»
Au Burkina Faso et au Mali, les lois interdisant la production, l’importation, la commercialisation et la distribution des sachets non biodégradables, peinent à être appliquées et les déchets surtout plastiques ne cessent de s’accumuler.
Mohamed Nakanabo, Agaïcha Kanouté, Mody Kamissoko
*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.