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Centre du Mali : Sadia-Peulh et Sadia-Dogon, ces « villages jumeaux » qui n’arrivent plus à cohabiter

L’insécurité qui sévit depuis plusieurs mois dans la région de Mopti a fait de nombreux déplacés. Des communautés qui, autrefois, s’entendaient, sont devenues méfiantes.

Barbé, premier village situé à la sortie de la ville de Sévaré. Il est 9h 45mn. Notre équipe quitte la ville de Mopti à la rencontre des déplacés de Sadia Peulh.

Dans la cour où Samba a trouvé refuge avec sa famille, des dizaines d’enfants, tous torses et pieds nus, courent dans tous les sens. Au milieu de la maison, se trouve un hangar. Samba et ses hôtes nous souhaitent la bienvenue.

Timide et méfiant au départ, il nous confie : « mon fils unique a été tué par des Donsos, je n’avais que lui ». Plus les questions s’enchainent, plus Samba devient ouvert et rassuré par notre présence. « Le problème est qu’aujourd’hui, les Peulh sont considérés automatiquement comme des djihadistes » se lamente-t-il. Pour Binta, sa femme, les Donsos ont toujours été des chasseurs qui vont en brousse pour tuer des animaux. « Aujourd’hui, ils ne tuent plus des animaux, ils abattent des hommes » s’inquiète-elle et d’ajouter, les larmes aux yeux : « mon fils n’a jamais été djihadiste, il passait ses journées à surveiller nos troupeaux, ils me l’ont pris ».

« Environ 105 familles ont quitté le village de Sadia-Peulh après l’incendie de leur village… Certains sont partis à Bandiagara, d’autres à Koro, quelques-uns sont venus à Mopti ici, et les autres ont continué sur Bamako », selon M. Dembélé, défenseur des droits de l’homme à Mopti.

Depuis l’arrivée des djihadistes couplée à l’avènement des donsos ou chasseurs traditionnels dans la région, le rapport de bon voisinage s’est complètement détérioré. Samba, la soixantaine, sa femme, ses belles-filles et leurs enfants ont fui Sadia-Peulh depuis des mois. Ils ont trouvé refuge à Barbé.

Situés dans le Cercle de Bankass, Sadia-Peulh et Sadia-Dogon sont deux villages voisins qui ont toujours cohabité dans une parfaite harmonie. Les Peulh traditionnellement éleveurs et les Dogons agriculteurs. Ils avaient trouvé le moyen de rendre leur cohabitation agréable. Il pouvait arriver des fois que les troupeaux d’un Peulh rentrent dans le champ d’un Dogon. Une règle bien établie et respectée de tous faisait force de loi. Il s’agissait pour le propriétaire du troupeau de payer une amende de 250F Cfa par tête d’animaux au propriétaire du champ.

Selon Oumarou, un cousin de Samba, depuis que le conflit a éclaté, les habitants de Sadia-Peulh ne peuvent plus aller à Sadia Dogon par peur d’être tués ou torturés. « Les représentants de l’Etat ont leurs bureaux à Sadia-Dogon. Pour nos questions de pièces administratives, nous étions obligés de nous rendre là-bas. Mais là, nous ne pouvons plus le faire » affirme-t-il.

« Plusieurs cases et maisons ont été incendiées à Sadia-Peulh et le village est actuellement vide » nous dit Samba. En décembre dernier, quatre chasseurs donsos ont été arrêtés par l’armée malienne. Ils avaient été pris « en flagrant délit de destruction et d’incendie d’habitations ».

Pour Samba et sa famille, l’absence de l’Etat est l’un des facteurs qui a déclenché la crise. Aujourd’hui, ils souhaitent « la paix et la tranquillité » et demandent à l’Etat de « s’assumer et de rendre justice ».

Sahelien.com