Président du parti Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), Dr Choguel Kokalla Maïga est l’un des 24 candidats retenus par la Cour constitutionnelle pour l’élection présidentielle du 29 juillet prochain. Originaire de la région de Gao, il a une certaine maîtrise dans l’analyse de la crise sécuritaire que traverse son pays. Il vient de publier d’ailleurs un livre sur le sujet. Il prône un bon diagnostic de la crise pour une bonne thérapie.
Sahelien.com : Quel est votre plan pour lutter contre l’insécurité au Mali ?
Choguel Kokalla Maïga : Il faut d’abord situer l’insécurité comme étant l’expression de la rébellion qui est dans notre pays depuis 60 ans. Le premier élément de mon plan est de faire d’abord un bon diagnostic, les causes réelles de la rébellion qui sont au niveau de la communication, de la propagande des mouvements séparatistes. Aussi longtemps qu’on n’arrive pas à identifier ces causes réelles et ces différents acteurs qui ont mis sur pied cette rébellion pour des intérêts particuliers, on ne pourra pas trouver une solution. C’est pourquoi, moi je me suis donné la peine, après six ans de recherches, de faire ce diagnostic, à travers un livre de près de 500 pages intitulé « Les rébellions au nord du Mali ». Je recommande fortement à tous les Maliens, à tous les Africains qui sont impliqués dans la crise, y compris les pays qui ont leurs représentants, qui meurent, chaque jour sur le territoire du Mali, à lire ce livre. Cela va leur permettre de comprendre beaucoup de chose de ce qui se passe. Ceci dit, une fois que le diagnostic est fait, la première des choses à faire, est d’avoir une armée digne de ce nom. Personnellement moi, je n’ai jamais vu une rébellion dans l’histoire de l’humanité, sur cette planète terre, qui s’est terminée sans une armée forte.
Quid de la situation de quasi-guerre au centre du pays ?
Le problème du centre se situe à deux niveaux : premièrement, ce qui est valable pour tout le Mali, il faut avoir une armée digne de ce nom. Deuxièmement : que le gouvernement gère de façon compétente les affaires du pays. En vérité, l’insécurité était d’abord à Kidal, puis à Gao et aujourd’hui nous sommes à Mopti, parce qu’on n’a pas eu de réponse appropriée de la part du gouvernement et de la communauté internationale. A cet effet, lorsqu’il n’y a pas d’Etat, c’est le désordre total, c’est l’anarchie qui s’installe. En ce moment, les islamistes qui ont été formés par les terroristes qui avaient occupé le Mali en 2012 ont été déversés dans le centre. Ils ont continué à faire ce qu’ils n’ont pas pu faire en 2013 pour créer le chaos dans le pays ; aller même jusqu’à la guerre civile. C’est vrai, la première responsabilité, ce sont les terroristes qui cherchent à mettre le feu dans le pays. Mais, force est de reconnaitre que le gouvernement a été incompétent de faire face à cette situation. Ce qui explique la situation actuelle du centre.
« L’accord a été signé à contrecœur par la plupart des acteurs ».
Que prévoyez-vous pour une mise en œuvre rapide de l’accord d’Alger qui traîne ?
L’accord a été signé à contrecœur par la plupart des acteurs. D’abord, nous avons vu le comportement des groupes rebelles, qui ne voulaient pas signer l’accord. C’est sous la pression de la communauté internationale qu’ils l’ont signé. Le gouvernement lui-même, on le sait très bien, malgré les dénégations, il est allé à la table des négociations la tête baissée parce qu’il a perdu la guerre après tout ce qui s’est passé en 2014 (Ndlr : visite du Premier ministre Moussa Mara et affrontements entre mouvements rebelles et forces régulières). C’est un gouvernement affaibli. Nous savons et connaissons de par l’histoire que tous les Etats, qui vont en négociation à l’issue d’un conflit armé et en position de faiblesse, ne peuvent jamais se plaindre. On a obtenu le maintien de l’intégrité du territoire national, le caractère laïc et républicain de l’Etat. Ce qui fait que les deux acteurs principaux avaient déjà un agenda différent de ce qui était prescrit dans l’accord. D’abord, l’accord de Ouagadougou était signé comme base pour organiser les élections ; ce qui a été fait. Et puis, il fallait désarmer les rebelles pour aller à des négociations inclusives. Les rebelles n’ont jamais été désarmés. Cela ne relève pas l’Etat, mais de la communauté internationale, qui est devenue complice des rebelles d’une certaine façon pour qu’ils se maintiennent armés. Remarquons que depuis 2015 jusqu’à nos jours, chaque fois que les groupes armés se trouvent en difficulté face aux Forces armées maliennes (FAMA) où aux groupes d’auto-défense, soit c’est la MINUSMA ou la Force Serval (devenue Barkhane, Ndlr) qui s’est s’interposée. Alors que c’est eux qui devraient aider le Mali à désarmer les rebelles.
Qu’en est-il du retour effectif des FAMA à Kidal ?
Les déclarations du genre, je vais amener les FAMA à Kidal dès le lendemain de mon élection, sont des déclarations démagogiques. Les conditions qui ont fait que les FAMA n’ont pas pu entrer à Kidal sont liées aux circonstances. Il faut jouer carte sur table avec la communauté internationale et tenir le langage de la vérité. S’ils veulent effectivement un Mali uni, qu’ils appliquent intégralement les textes des accords signés tout en désarmant tous ceux qui détiennent des armes. Car, seul l’Etat doit avoir des armes. Aussi longtemps que cela n’est pas fait, les FAMA ne peuvent pas rentrer à Kidal. Donc, la priorité du gouvernement est de travailler avec tous les partenaires, notamment la communauté internationale pour remettre les pendules à l’air.
« Celui qui n’arrive pas à assurer la sécurité ne peut pas créer des emplois, ni creuser des puits ».
Avez-vous une solution au retour des réfugiés ?
Le retour des réfugiés, de l’administration et des services sociaux de base, tous ceux-ci sont dans une deuxième étape. Depuis bientôt trois mois, on est rentré dans le processus électoral. Tous les candidats, y compris l’actuel président de la République, font des discours de tromperie en promettant à la population la création d’emplois, des ordinateurs aux étudiants, etc. Celui qui n’arrive pas à assurer la sécurité ne peut pas créer des emplois, ni creuser des puits. Ma priorité sera de faire tout ce qu’il faut pour inverser le rapport des forces militaires, le rapport des forces politiques au niveau international en tenant le discours de la vérité, en donnant aussi l’exemple. Parce que, quand un gouvernement ne montre pas exemple, les partenaires ne seront pas sérieux à son endroit. C’est pourquoi chaque fois que les partenaires prônent les négociations, les groupes rebelles prennent des armes pour que le gouvernement leur octroie des primes, avec des nominations, des grades. C’est lorsqu’on va résoudre ces questions pour une paix durable que les réfugiés vont revenir.
Le chômage des jeunes est lié à l’insécurité dans le pays. Quelle solution entrevoyez-vous pour lutter contre ce chômage ?
Je reconnais que le chômage et la pauvreté de façon générale constituent le terreau de la crise sécuritaire. Mais avant le chômage, nous avons l’injustice qui est à la base des premières de frustrations. Et puis, quand on arrive à maintenir la sécurité, on doit se poser les questions fondamentales. Telle que le partage de la richesse parce que je le dis encore : la mauvaise répartition de la richesse nationale est l’une des causes de ce chômage. C’est à cela que je vais m’attaquer. L’Etat doit créer des conditions pour que les gens puissent créer leurs moyens de travail, contrairement à ce que disent les gens. Je vais tout d’abord assurer la sécurité de la population, ensuite créer les conditions pour l’équité et la justice.
« La première solution pour lutter contre la corruption, c’est d’appliquer les lois ».
Qu’allez-vous faire contre la corruption pour relever les défis économiques du pays ?
La première solution pour lutter contre la corruption, c’est d’appliquer les lois. En vérité, chaque président qui vient crée son institution, sa structure avec les magistrats soi-disant pour endiguer la corruption. L’exemple est que lorsque l’actuel président qui est venu, son premier grand discours en 2014 s’est focalisé sur la lutte contre la corruption mais cela n’a pas empêché que le Mali connaisse le plus grand scandale… Ce qui veut dire qu’il y a problème, la preuve est que tous ces scandales n’ont pas été sanctionnés, alors qu’il suffisait seulement de mettre en pratique les lois.
A quand le retour effectif des services sociaux de base dans le pays ?
J’insiste toujours sur la sécurité, une fois que cela sera au point tous les services sociaux de base seront à leurs places.
Votre mot de la fin, un appel aux Maliens ?
Je reprends mon slogan de 2013 en l’améliorant un peu « Je cherche à être président pour restituer au peuple malien l’honneur, la dignité et sa souveraineté ». Donc, l’appel que je lance au peuple malien est de faire confiance en eux-mêmes.
Propos recueillis par Sory Kondo Bruno D. Segbedji