Depuis le 09 mars au 5 juin 2020, le Burkina Faso a enregistré un total de 889 cas confirmés de covid-19, 53 décès et 772 guéris. Ces chiffres, selon certains spécialistes, laissent voir une certaine maîtrise de la situation pour le moment, car le pays ayant atteint son pic de contamination depuis le 21 avril aux dires du porte-parole du gouvernement, Remis Fulgence Dandjinou.
En rappel, dès le 26 mars, le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré a déclaré l’état d’alerte sanitaire sur tout le territoire national. Le gouvernement avait rapidement pris de nombreuses mesures radicales comme le couvre-feu, la fermeture des frontières terrestres et aériennes, la mise en quarantaine des villes touchées, l’arrêt des transports en commun, la fermeture temporaire des restaurants et autres places publiques comme certains marchés.
Évaluation de l’impact économique
Cependant, même si la crise sanitaire semble être maîtrisée, ses conséquences économiques restent à craindre. Dans son adresse à la nation le 2 avril, le président du Faso a déclaré que « les conséquences attendues de cette pandémie sur notre économie sont : la réduction du taux de croissance de 6,3% à 2% en 2020; la baisse des recettes publiques, estimée à 306 milliards de FCFA, soit un déficit budgétaire de 5% ; le ralentissement général des activités économiques, tous secteurs confondus avec pour conséquence des tensions de trésorerie de l’Etat. »
Message à la Nation de @rochkaborepf sur la pandémie du #COVIDー19, ce jeudi 2 avril 2020 à Ouagadougou ??https://t.co/mPnbjScsCh #BurkinaFaso #lwili pic.twitter.com/JZDU5jYF3w
— Présidence du Faso (@presidencebf) April 2, 2020
Pour le Professeur Idrissa Ouédraogo, Enseignant-chercheur et président de Forge Afrique, deux scénarios sont à craindre concernant les effets de la pandémie sur l’économie burkinabé. Le premier qui est optimiste, suppose que l’épidémie n’est maîtrisée qu’au bout de 3 mois tandis que la demande mondiale pour les exportations burkinabé se contracte de 10%. Le second scénario qui est pessimiste suppose que l’épidémie s’étend sur 6 mois avec une baisse de la demande mondiale des exportations burkinabè de 20%. La crise de Covid-19 pourrait se traduire par une baisse importante du taux de croissance de 1,38% dans le scénario pessimiste contre une croissance prévisionnelle de 6,5%. Le scénario pessimiste, prévoit une récession économique avec un taux de -1.75% représentant une perte de richesse nationale allant de 345 milliards à 645 milliards de FCFA.
Au plan sectoriel, le Pr Ouédraogo souligne que les secteurs industriels et des services pourraient être les plus affectés sans oublier le secteur agricole. Aussi, de manière générale, les productions sectorielles pourraient connaitre une baisse importante qui va de -3% à -13% selon le secteur et le scénario.
Lors d’une adresse à l’Assemblée nationale, le ministre en charge du commerce, Harouna Kaboré souligne que « les conséquences sur les finances publiques et l’économie seront énormes. Le ralentissement de l’activité économique va accentuer les tensions de trésorerie de l’Etat à court terme et jouer sur sa capacité à faire face aux dépenses urgentes.»
Le ministre a indiqué que la vitesse de la propagation du virus dans plusieurs villes et régions du Burkina Faso a entraîné des mesures de mise en quarantaine et la fermeture de grands centres de consommation, ce « qui est venu aggraver la santé économique du pays déjà fragile« .
En outre, le Pr Idrissa Ouédraogo, affirme que « la baisse de l’activité économique va engendrer une baisse des recettes publiques. Ce qui pourrait conduire à un déficit public plus important atteignant -4,53% du PIB et -6.12% PIB respectivement selon le scénario optimiste et pessimiste.» Il faudrait aussi envisager le renchérissement de la vie, lié à la hausse des prix surtout agricoles et la baisse de l’emploi a-t-il ajouté. Des dires de l’économiste, au plan du commerce international, il est attendu une contraction des exportations sectorielles pouvant aller de -6% pour les produits d’extraction minières (l’or), à -16% pour les produits de l’agriculture de rente (Coton). Concernant ce dernier, du 02 au 03 mai dernier 70 tonnes sur 108 tonnes de mangues disponibles ont été embarquées de Bobo Dioulasso à destination de Francfort. Les producteurs de pommes de terre, de tomates, des oignons sont quant à eux toujours dans la tourmente des pertes.
Cette pandémie, selon le Pr Ouédraogo, « a montré que notre économie est très fragile, et que nous sommes très dépendants à l’égard de l’extérieur ». Selon l’enseignant-chercheur, « nous avons un système de production qui est incapable de résister à un choc quel que soit son origine. Si on n’adopte pas les mesures adéquates à temps, ces conséquences peuvent s’aggraver très fortement. Il faut réfléchir à une stratégie globale qui est structurante et endogène. Si on veut relancer notre économie, il faut aller dans ce sens. Cette stratégie va se fonder sur les capacités internes du pays et sur les besoins effectifs des agents économiques ».
Les tenanciers des restaurants, bars et maquis touchés s’impatientent
Promotrice de restaurant à Ouagadougou, Mme Bazié née Lompo Djamilatou emploie 22 personnes. « On a fait deux mois de fermeture totale au restaurant ici. C’est vrai que le gouvernement avait autorisé les plats à emporter, mais nous, on a préféré fermer carrément. On vient juste de rouvrir le 15 mai. Ça a été un coup dur pour nos employés qui ne vivaient que des revenus du restaurant. Ils ont vu leur revenu chuter puisqu’on avait plus d’activités. Et comme on ne pouvait pas non plus couper leur salaire totalement, leurs revenus ont été baissés de moitié chez moi particulièrement. Ça se sentait que les employés en souffraient énormément. Durant les deux mois, ça n’a pas du tout été facile non seulement pour les employés et aussi pour moi », explique-t-elle.
Et de poursuivre : « Avant la covid-19, je pouvais servir 100 à 150 plats par jour et tu te retrouves à zéro plat par jour, la comparaison est vite faite. Actuellement on a rouvert mais avec le couvre-feu à partir de 21 heures, on ne s’en sort pas. Les gens, non seulement, ont perdu l’habitude de manger dehors, mais ont peur. Ils préfèrent manger à la maison, et à partir de 20h30, tout le monde est en train de courir pour rentrer chez lui. Actuellement, je me retrouve avec 50 plats par jour. »
Aujourd’hui, Mme Bazié livre des repas à ses clients avec qui elle est en contact. « Depuis qu’on a rouvert, c’est ce qui marche. On livre plus les repas dans les services », précise-t-elle.
A la tête d’une start-up, M. Sam propose des solutions informatiques aux bars restaurants, aux hôtels etc. Depuis la crise sanitaire, ses revenus ont chuté. « Plusieurs fois, nous avons eu des concertations avec les employés pour voir si on peut faire le paiement de demi-salaire. Ce qui n’a pas été accepté. Il fallait faire de la gymnastique pour pouvoir les maintenir jusqu’à la fin de la crise. Nous avons pris la décision au niveau de l’administration, de supporter ces coûts en attendant que la situation s’améliore. »
A ce jour, même s’il y a une relative chute des prix des hydrocarbures à l’international occasionnant une révision des prix au niveau national, visiblement tous les secteurs économiques sont touchés.
Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, lors de son adresse à la Nation, le 2 avril 2020, a annoncé une pléthore de mesures sociales et de relance économique. Les commerçants et tenanciers de bars et maquis s’impatientent. Le syndicat des taxis a déjà annoncé une hausse du transport allant de 300 FCFA à 500 FCFA.
Le suivi de la mise en œuvre de ces mesures qui se fait attendre surtout par le secteur informel. La levée du couvre-feu, l’ouverture des lieux de culte ainsi que des marchés, restaurants et maquis, en dépit du respect des gestes barrières, font craindre une recrudescence de la maladie.
Hadja Ilboudo, Sory Kondo
*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.
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