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G5 Sahel : que faire pour le Liptako-Gourma et les autres régions frontalières ?

Le dimanche 2 juillet prochain, aura lieu le Sommet des chefs d’Etat du G5 Sahel, auquel prendra part le Président français, Emmanuel Macron. Ce sommet intervient après le vote au Conseil de sécurité, le 21 juin dernier, de la résolution soutenant le déploiement de la force conjointe des 5 pays du Sahel, qui a mandat pour lutter contre le terrorisme, les trafics humains et de drogues dans la région.

Au moment où le G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Mauritanie, Tchad) mobilise les attentions et les énergies, une zone semble absente des préoccupations : le Liptako-Gourma, une région frontalière entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, confrontée à l’émergence de groupes extrémistes violents. Pour rappel, en janvier dernier, les trois pays avaient créé une force commune à l’issue du sommet de l’Autorité du Liptako-Gourma.

Parmi les groupes figure, la Katiba Macina dirigée par le prédicateur peul Hamadoun Sangaré dit Kouffa et opérant notamment dans le Centre du Mali (Ségou, Koulikoro, Mopti). Depuis mars 2017, ce mouvement entouré d’un certain mystère s’est dissout dans le Groupe pour le soutien à l’islam et aux musulmans dirigé, lui, par Iyad Ag Ghaly.

A ce mouvement, viennent s’ajouter Ansarul Islam de Ibrahim Malam Dicko dans la région sahélienne du Burkina Faso, et le groupe Etat islamique dans le grand Sahara d’Adnan Abou Walid Al-Sahraoui, qui continue de mener des attaques au Niger et au Burkina Faso. Il y a deux jours, il a menacé dans une lettre deux leaders des communautés Imghad et Daoussahak au nord du Mali : El hadj Gamou et Moussa Ag Acharatoumane.

Dans un rapport publié ce vendredi 30 juin, l’Institut d’études de sécurité (ISS) se demande si le Lipatako-Gourma n’est pas l’épicentre de la crise au Sahel. Selon le centre de recherche, basé à Dakar, certains commentateurs « ont tendance à décrire l’insécurité dans cette région frontalière comme une simple extension de la crise malienne. On entend souvent les gens à Ouagadougou ou dans la région du Sahel au Burkina Faso se plaindre d’«ennemis venus du Mali ». Ils accusent le Mali de ne pas contrôler ses frontières, et affirment que les réfugiés maliens au Burkina Faso sont complices des attaques.».

Si le Mali est l’un des principaux foyers d’instabilité au Sahel, de plus en plus se développe chez ses voisins une tendance à l’accabler de tous les problèmes qui frappent la région. Mais, nombreux sont aujourd’hui les experts qui sont d’avis que les mêmes causes et les formes de l’interminable crise malienne se trouvent chez certains de ses voisins : faible capacité des Etats à investir les territoires, des élites politiques et sociales devenues archaïques et peu crédibles, l’émergence de groupes non-étatiques. « Chaque Etat doit cependant prendre en compte les situations de négligence locales qui expliquent la diffusion des menaces armées au Sahel. Certaines régions (plus que certaines communautés) ont été négligées par l’Etat, les communautés s’y mobilisent pour régler les problèmes qui les divisent sans passer par l’Etat, cela nourrit la formation de groupes armés divers et plus ou moins contrôlés. Les groupes radicaux, en particulier, savent instrumentaliser ces situations de négligence voire d’abandon pour s’installer, se poser en défenseur de certaines régions ou communautés et imposer leur vision de la société. Ils y réussissent encore mieux quand l’Etat est décrédibilisé par son absence, sa corruption ou sa brutalité», expliquait en mars dernier, Jean-Hervé Jezequel, analyste principal sur la région du Sahel à l’International Crisis Group (ICG), dans une interview accordée à Sahelien.com.

Dans cette région frontalière, les groupes extrémistes violents exploitent les conflits locaux pour recruter et grossir leurs rangs. C’est l’une des explications que l’ISS donne à la dégradation des conditions sécuritaires à la frontière Mali-Niger : des tensions ont éclaté à causes des ressources naturelles et des vols de bétail entre les Peuls (Tollobè) du Niger et les Daoussahaq (Touareg) du Mali, avec la sécheresse des années 1970. Les forces de sécurité se sont révélées impuissantes face à ces soulèvements. Ces ressentiments et tensions ont été exploités par le MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest) et Ansardine pour recruter au sein de la communauté peule.

Joint par Sahelien.com, l’auteur de l’analyse, Ibrahim Maïga, chercheur à l’ISS (à Bamako), estime que pour juguler l’insécurité au Sahel, les gouvernements des différents Etats doivent accorder davantage d’attention aux régions frontalières, comme le Liptako-Gourma, en proposant aux populations un nouveau contrat social qui implique la fourniture des services de base. En plus de contrôler les espaces, les Etats doivent aussi améliorer la gouvernance, écrit-il, en s’inscrivant dans une vision long-termiste. La lutte contre la criminalité organisée ne suffit pas, l’urgence s’impose « d’investir dans les programmes agricoles et d’élevage appropriés ».

« C’est seulement à travers un projet politique réel pour ces territoires que la mobilisation à divers niveaux, ces derniers temps, aura un sens et donnera des résultats », conclut le rapport.

Sahelien.com