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La crise énergétique au Niger : la solution entre les mains des décideurs

Le Niger dispose de potentialités énergétiques (soleil, vent, eau et charbon) inexploitées pour couvrir son besoin en électricité. Selon le Programme de résilience pour la sauvegarde de la patrie (PRSP) élaboré en Janvier 2024, « l’offre totale de l’énergie électrique est passée de 1330,53 GWhs en 2021 (dont 1037 GWh importée) à 1721GWh en 2022. »

Selon un rapport de la Nigelec – seul fournisseur du pays -, en 2022, 70% de la part d’électricité au Niger provenait de l’achat à la société nigérianeMainstream.L’électricité est produite par le barrage de Kainji (ouest du Nigeria).

Les sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ayant frappé le Niger après le renversement du président Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023, sont l’un des facteurs révélateurs de la dépendance du pays en énergie électrique.

Le Nigeria, fournisseur principal d’électricité du Niger, a coupé son approvisionnement le 2 août 2023. C’est l’une des mesures prises par la CEDEAO exécutée par le Nigeria en guise de sanctions après le coup d’Etat. Les grandes villes du pays étaient plongées dans une coupure intempestive d’électricité. Dans la capitale Niamey, les coupures duraient en moyenne plus de 8 heures de temps. Les longues et imprévisibles interruptions d’électricité ont frappé de plein fouet les ménages, l’économie et durement affecté les hôpitaux.

Suite à la levée des sanctions, au début du mois de mars, la ligne électrique haute tension du Nigeria a été reconnectée au réseau de la Société nigérienne d’électricité (Nigelec). 

La Nigelec, la pièce maîtresse de la distribution d’électricité au Niger

Créée en septembre 1968, la Nigelec est une Société anonyme d’économie mixte, assurant le transport, la production et la distribution de l’énergie électrique au Niger. Son capital social est de plus de 76 milliards de FCFA et est détenu à 99,38% par l’Etat. Le reste est réparti entre le personnel de la Nigelec, les mairies de Zinder, Maradi, Tahoua et Niamey, l’AFD, la BIA Niger et la SONIBANK.

Le nombre d’abonnés (au moment de la rédaction de ces lignes) est estimé à 768.000 répartis dans plus 180 communes du pays. En 2022, le taux d’accès national à l’électricité au Niger est de 20% et dans les zones rurales, il est de 3,4%, selon le PRSP. 

La Nigelec produit et distribue l’électricité à travers la Société nigérienne de charbon (SONICHAR) qui lui fournit 36 Mw. On compte ensuite « 110 petits groupes électrogènes » qui facilitent l’accès à l’électricité dans plusieurs localités du pays indique le Professeur Albert Wright, président du Conseil d’administration de la Nigelec. A cela, s’ajoute la centrale photovoltaïque de Gorou Banda qui produit 30MWc. La Société de raffinage de Zinder SORAZ contribue aussi à la livraison de l’électricité au Niger à travers le projet des lignes 132 KV Maradi –Malbaza et Zinder.

Le compteur prépayé, les taxes : le calvaire des abonnés

La prestation de services de la Nigelec est de plus en décriée par ses abonnés en raison notamment de la « cherté du prix de l’électricité. »

Selon une décision gouvernementale s’appuyant sur le décret portant approbation de la méthodologie tarifaire et de la structure des tarifs applicables aux usagers finaux du service public de l’énergie électrique fournie par la Société nigérienne d’électricité (NIGELEC), initialement adoptée en 2017 pour une période de cinq ans et prorogée une première fois en 2022, pour un an.  Suivant ce texte, le tarif social de l’électricité, pour une consommation en basse tension (entre 0 et 50 kWh), est fixé à 59,45 francs CFA (0,098 dollar) le kilowattheure. Il est grevé d’une charge fixe mensuelle de 250 francs CFA (0,41 dollar).

Pour Abdoulaye Gali, habitant de Zinder, « le compteur prépayé est bien profitable puisque la personne n’a pas besoin de faire la queue pour payer son électricité. Ensuite, c’est pour moi, c’est un mois sûr pour maîtriser ma consommation. Mais, c’est très cher. Pendant le mois de ramadan, j’ai dépensé plus de 100 000 FCFA. »

Ibrahim Yahaya tailleur à Niamey partage le même avis qu’Abdoulaye. « Au début, on ne sent pas cette cherté de l’électricité à travers le compteur prépayé. Mais maintenant, c’est plus cher qu’avant. En 20 jours, je dépense en moyenne 10 000 FCFA pour l’électricité. »

Depuis l’introduction du compteur prépayé, « la Nigelec a carrément supprimé l’ancien compteur. Elle s’est rendue compte que l’ancien compteur est plus avantageux pour les citoyens car il ne comporte pas de taxes qui existent dans le nouveau », pense Abdoul Aziz Mourtala, un autre habitant.

Les consommateurs doivent obligatoirement payer plusieurs taxes qui figurent sur la facture de la Nigelec. C’est le cas de la taxe d’habitation, la redevance ORTN (Office de radiodiffusion télévision du Niger) et bien d’autres.

Chaque abonné ayant le compteur prépayé est tenu de payer la somme de 1500F chaque mois comme frais de location du compteur. « On ne peut pas accepter de payer la location de quelque chose qui loge dans ta maison et qui ne te sert à rien », déplore Amadou Dan Kori, acteur de la société civile.

Les potentialités…

Le Niger fait partie des pays les plus ensoleillés au monde avec une durée moyenne d’ensoleillement de 8 heures par jour. Cela représente un potentiel pour la production d’électricité pour combler le déficit énergétique. Le pays dispose aussi de potentiel éolien et hydroélectrique exploitable.

Selon PRSP, le Niger « dispose également de réserves de charbon (90 millions de tonnes) susceptibles d’être exploitées pour la production d’électricité, dont 70 millions de tonnes sur le site de Salkadamna dans la région de Tahoua, 18 millions de tonnes à Anou Araren et d’importants gisements sur le site de Solomi dans la région de d’Agadez ».

Les limites

La mise à profit de toutes ces potentialités est parsemée de défis. Selon le Professeur Wright, pour réaliser un projet éolien, « il faut obligatoirement du vent qui souffle en continu. Mais au Niger, il y a des moments où le vent ne souffle pas partout. Donc, il y a lieu de réaliser des prospections pour identifier des endroits où le vent souffle en permanence avec au moins 5 m/s. Car, la production de l’électricité par le biais de l’énergie éolienne exige un vent fort qui tourne efficacement les pales. Mais au Niger, nous n’avons pas assez de vent pour l’exploiter afin de produire l’électricité ».

En ce qui concerne le projet solaire, le problème de ressources humaines et le manque de volonté des décideurs constituent ses limites. « Sous l’étoile de Abdou Moumouni, nous étions trois scientifiques dans le domaine, il en faut beaucoup » pour réaliser le projet solaire explique-t-il.

Et d’ajouter que « malheureusement, la production de l’électricité à l’aide des photovoltaïques requiert le stockage de l’énergie pour le besoin nocturne ».

Un autre défi des énergies éolienne, hydraulique et solaire au Niger est que « le manque d’infrastructures de production et de distribution limite la capacité d’exploiter pleinement les ressources renouvelables », souligne Mohamed Ousmane Sidi, spécialiste des énergies renouvelables. On note également la variabilité des ressources expliquant « la dépendance des énergies renouvelables aux conditions météorologiques entraînant des productions intermittentes », explique M. Sidi.

Pour une indépendance énergétique adéquate, « le Niger doit signer des accords externes dans un partenariat gagnant-gagnant » propose Mourtala Abdoul Aziz, défenseur des droits des consommateurs.

Des pistes à explorer…

La centrale thermodynamique ou à concentration solaire est différente d’une centrale photovoltaïque. Elle utilise des miroirs placés à tête d’une tour pour concentrer la chaleur du soleil afin de générer une énergie propre et renouvelable », 

Pour le Niger qui est en quête de l’indépendance énergétique, le Professeur Wright, un des pionniers contributeurs de cette technologie indique que cette centrale peut-être une « opportunité de produire un courant électrique pas cher. »

En effet, « le Maroc qui a déjà réalisé trois centrales thermodynamiques a affirmé que la mise en place des centrales solaire à concentration leur a permis de baisser le prix de revient à 70F CFA le kilowattheure » avance le Professeur. A Niamey, le coût moyen du kilowattheure dans une famille aisée peut avoisiner 140 francs CFA par kWh alors que la Nigelec achète le kWh auprès du Nigeria à 27 francs CFA, confie une source à la Nigelec.

Le nucléaire : une solution aux risques élevés

Vu ses potentialités en uranium, le programme électronucléaire du Niger, « a prévu la construction et l’exploitation à l’horizon 2035 d’une centrale nucléaire d’une capacité de 2000 MW par approche flottante. L’énergie nucléaire est puissante. Un gramme d’uranium correspond à des tonnes de charbon ou de pétrole », déclare le Professeur.

Selon ses explications, « le problème de la centrale nucléaire se situe dans la non maîtrise de la gestion des déchets et le niveau du savoir technologique. De mon point de vue, l’environnement technologique n’est pas mieux. Un déchet radioactif reste actif pendant de milliers d’années. Il faut le refroidir et le restocker. »

De loin, beaucoup voient l’énergie nucléaire moins cher alors que « la gestion du déchet n’est pas inclue dans l’évaluation du coût de revient de prix de kWh produit par l’atome. »

L’hydrogène vert une alternative 

L’hydrogène vert est un gaz produit à partir des énergies renouvelables telles que le soleil, le vent et l’eau. « Il est une réponse aux problèmes d’électricité au Niger. Car il offre une solution durable pour améliorer l’accès à l’électricité et renforce l’indépendance énergétique au Niger », déclare Sidi Ousmane Mohamed spécialiste des énergies renouvelables, porteur du projet hydrogène vert au Niger.

Il avance que « l’hydrogène vert permet de stocker l’énergie produit par des sources d’énergies comme le solaire et l’éolien. Cela va compenser leurs intermittences et assure une fourniture d’électricité continue. »

Mais l’hydrogène vert se caractérise par la cherté du coût de sa production. « Car ses infrastructures, son stockage et son système de distribution nécessite des investissements conséquents », avance Sidi Ousmane. « Malgré les limites, l’hydrogène vert reste une solution prometteuse pour la transition énergétique au Niger », conclut le spécialiste.

Ismail Abdoulaye Naoumani