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Le changement climatique, l’autre menace du Mali

Le changement climatique affecte de plus en plus la production et la productivité agropastorale au Mali. Les populations manquent cruellement d’eau et sont touchées par l’insécurité alimentaire. Sans moyens d’y faire face, les jeunes quittent le milieu rural ou optent pour des activités criminelles comme le terrorisme. Pour mettre fin à l’extrême pauvreté, et promouvoir des sociétés résilientes, le Mali a non seulement besoin de développer les énergies renouvelables, mais aussi de faciliter l’accès aux mécanismes internationaux de financement.

Sur le site de pâturage de Kabara, situé dans le Gourma à neuf kilomètres de la ville de Tombouctou, au nord du Mali, la sécheresse fait des ravages. Il n’y a ni herbes, ni mares, et les troupeaux meurent en grand nombre, sous les yeux impuissants des éleveurs. « J’avais deux cent têtes, il n’en reste qu’une vingtaine actuellement », déplore Hama Khalil, un éleveur rencontré à Kabara. Cela fait près de sept ans que les éleveurs de la région vivent cette situation. Pourtant, le secteur de l’élevage participe à 11 % du PIB national, selon le ministère du développement rural.

L’agriculture, l’une des principales activités de la région de Tombouctou, est aussi touchée par cette sécheresse. « Avec cette crise, il n’y a plus de bœufs cette année pour labourer. On a perdu presque tous les animaux, » regrette le cultivateur Ibrahim Maïga.

Ensablement du fleuve Niger

A Gao, le fleuve Niger traverse la région sur une superficie d’environ 400 kilomètres. Aujourd’hui, il est menacé par l’ensablement, ce qui affecte considérablement l’agriculture. Les quantités d’eau sont non seulement faibles, mais aussi mal réparties dans le temps et dans l’espace.

« Notre principal problème est le manque d’eau. Cela fait maintenant un mois que j’ai labouré mon champ. Malgré quelques pluies qui sont tombées, la terre est toujours sèche. Maintenant, nous sommes obligés d’arroser avec une motopompe, » souligne le cultivateur Mohamadou Younoussa, à Gao. « Nous labourons en début d’hivernage, mais après cette période, on peut passer quatre à six mois sans rien faire, sauf si vous avez un jardin potager ou des bœufs à faire paître, » ajoute-il.

Plus de 50 000 personnes touchées par la pénurie d’eau au Nord

Selon les chiffres publiés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), au Mali, en juillet dernier, environ 54 600 personnes, soit 7 660 ménages, sont touchées par la pénurie d’eau, de même que de nombreux troupeaux, dans les régions de Gao et Tombouctou.

C’est également le cas, dans la région de Kidal, où des files d’attente se forment, chaque jour, devant les points d’eau. La profondeur des puits varie entre 30 et 70 mètres, voire plus. « On passe tout notre temps à courir derrière les camions-citernes appartenant à des particuliers. L’eau coûte chère et le prix varie entre 500 et 10 000 francs CFA les cuves de 10 barriques, » s’indigne Tinahok Walet Didi, une habitante de la ville de Kidal.

La ville dispose de huit forages hydrauliques, qui fonctionnent grâce à l’appui du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Depuis le début de l’année, l’organisation humanitaire fournit 18 000 litres de gasoil, tous les deux mois pour faire fonctionner les forages. En juin dernier, 54 000 litres de carburant ont été livrés pour un montant d’environ 38 millions de francs CFA. « Malgré ces efforts, il arrive que Kidal soit confrontée à des problèmes d’accès à l’eau. Il y a les nappes qui tarissent, c’est le cas, en cette période de l’année, » explique Ibrahim Tounkara, chef de la sous-délégation du CICR à Kidal.

Sécurité alimentaire et changement climatique

La pénurie d’eau n’est pas sans conséquence sur la population malienne estimée à 17 millions d’habitants. L’insécurité alimentaire touche environ 3,1 millions de personnes pendant la période de soudure qui va de juin à août, selon OCHA. Aujourd’hui, « 410 000 personnes ont besoin d’aide immédiate et plus de 750 000 enfants sont menacés par la malnutrition aiguë, » précise l’agence onusienne.

« La question de la sécurité alimentaire est indissociable de la problématique du dérèglement climatique. Elle relève également du développement durable et de l’efficacité de la lutte contre la pauvreté, » a déclaré le chef de l’État malien, Ibrahim Boubacar Keita, président en exercice du Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS), le 12 septembre dernier.

Adaptation au changement climatique

Pour ne pas dépendre uniquement de la pluie, le directeur régional de l’agriculture à Gao, M. Yacouba Touré propose de mettre l’accent sur l’aménagement des périmètres irrigués, et la construction des canaux pour retenir l’eau.

Quant à la région de Kidal, le désensablement et la réhabilitation des barrages sont prévus, par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). « C’est important pendant la saison des pluies, pour que les eaux puissent stagner et s’infiltrer pour régénérer la nappe phréatique, » indique Christophe Sivillon, chef du bureau de la mission onusienne à Kidal.

Le Mali dispose d’énormes ressources naturelles pour pouvoir s’adapter au changement climatique. Une volonté politique et un environnement paisible sont indispensables, pour implanter des panneaux solaires, fait remarquer, Dr Ibrahim Togola, spécialiste des énergies renouvelables. « Nous avons un potentiel énorme en énergie solaire, nous recevons à peu près 6 à 7kwh par mètre carré par jour. Nous avons aussi un potentiel hydraulique énorme, un potentiel important de biomasse. Dans les parties nord et ouest, il y a un potentiel considérable en énergie éolienne, » analyse-t-il.

En 2012, le Mali a connu une crise sans précédent. Le nord du pays était aux mains des groupes terroristes liés à Al-Qaïda et un coup d’Etat a été perpétré le 22 mars, à quelques semaines de l’élection présidentielle. L’opération militaire « Serval », lancée par la France en janvier 2013 au Mali, devenue par la suite opération « Barkhane », en août 2014, a permis de chasser en grande partie les terroristes.

Malgré le retour à l’ordre constitutionnel en 2013, des localités échappent encore au contrôle des autorités maliennes. Des forêts servent de camp d’entraînement et d’abris pour les terroristes, comme celle de Wagadou au centre du Mali.

Ce contexte sécuritaire difficile constitue d’ailleurs, un obstacle à la mise en œuvre de certains projets comme l’initiative panafricaine de lutte contre la désertification « Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel ».

Aujourd’hui, pour faire face au phénomène du changement climatique au Mali, des mécanismes internationaux de financement sont nécessaires pour appuyer les initiatives communautaires pour la résilience.

Augustin Kossi Fodou