En l’absence de l’armée dans plusieurs localités du centre du Mali, des habitants s’organisent pour prendre en charge leur propre sécurité.
A Ténenkou, Youwarou et dans plusieurs communes du cercle de Djenné, ce sont les hommes du prédicateur radical Amadou Koufa, qui dictent leur loi depuis plus de deux ans. Certains chefs coutumiers et élus locaux soupçonnés de collaborer avec l’armée sont menacés ou assassinés. Des écoles sont fermées et certains parents sont obligés d’envoyer leurs enfants dans les zones à l’abri de l’insécurité pour y poursuivre leur scolarité.
C’est le cas de Soumana N., un jeune de la commune de Kewa (qui a pour chef-lieu Kouakourou, ndlr) venu à Bamako pour ses études. Dans son village, cela « fait trois ans qu’ils (terroristes, ndlr) ont fermé l’école. La musique est interdite, le football est ‘‘haram’’. En plus, ils se promènent avec les armes dans le village », nous décrit-il.
Selon Madou K., un habitant joint sur place par Sahelien.com, les terroristes ont fouetté juste avant la fête de la Tabaski, « une vieille de plus de 70 ans parce qu’elle n’a pas porté de voile ».
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Pour exprimer leur ras-le-bol, de jeunes gens ont fait « péter des pétards » dans le village, le 2 septembre dernier. Immédiatement, des hommes armés se sont présentés devant le vestibule du chef du village en tirant des coups de feu en l’air et demander qu’on leur remette les coupables.
Les populations sont sorties massivement pour soutenir le chef du village qui n’a pas cédé à la demande des terroristes. Ces derniers se sont retirés en posant un ultimatum de 24h menaçant de revenir chercher le chef coutumier. Entre temps, les ressortissants de Kouakourou résidant à Bamako ont saisi les autorités compétentes. C’est ainsi qu’un convoi de l’armée a été dépêché sur place pour sécuriser les lieux.
Les soldats sont arrivés dans le village, dimanche 3 septembre, aux environs de 16h30. Après quelques patrouilles à l’intérieur et à l’extérieur du village sans aucun accrochage avec les terroristes, qui visiblement se sont fondus dans la nature et les militaires se sont retirés sans aucune explication dans soirée du lundi 4 septembre, a indiqué un habitant. « Est-ce une stratégie militaire pour pousser les terroristes à se montrer », s’interroge-t-il.
Face à la dégradation de la situation sécuritaire, les jeunes du village se sont regroupés pour « se défendre contre toute agression ». Certains, avec des fusils de chasse, d’autres avec des coupe-coupe. Ils lancent un « appel aux autorités à prendre la situation de Kouakourou et de tout le centre du pays au sérieux ».
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En mars dernier, une opération de l’armée malienne a permis de démanteler une base des terroristes à 20 km du village de Kouakourou. L’armée a saisi une dizaine de motos et un nombre important de treillis. Depuis lors, aucune autre opération n’a été menée dans cette zone, ce qui a permis aux terroristes de revenir s’installer sans être inquiétés.
Lors des communales de novembre 2016, plusieurs localités comme celle de Kewa ont été privées d’élections à cause de la menace terroriste. Présentement, ce sont toujours les anciens maires dont les mandats ont expiré qui continuent d’occuper leur fonction. Là aussi avec tous les risques parce que « les maitres des lieux » n’hésitent pas à s’en prendre à eux à la moindre contrariété. Ce qui a d’ailleurs poussé beaucoup d’élus à fuir la localité pour trouver refuge dans la ville de Mopti ou à Bamako.
Sory Kondo