Dix-sept des trente-et-un députés contestés dénoncent une tentative de violation de la Constitution du Mali par la Cédéao à travers sa décision relative à leur démission. En conférence de presse, mercredi 29 juillet 2020, ils ont affirmé qu’ils ne démissionneront pas. Du côté du Mouvement du 5 juin qui était aussi devant les hommes de médias le même jour, ses responsables ont, une nouvelle fois, rejeté les recommandations de l’organisation sous régionale et réitéré la demande de démission d’IBK.
Les propositions de sortie de crise formulées par les chefs d’État de la Cédéao, en début de semaine, continuent de susciter des débats. Le principal mouvement contestataire à l’origine de la crise, le M5-RFP a refusé d’entrer au gouvernement d’union en cours d’installation. Il réitère « la démission plus que jamais du président malien » et entend attaquer les décisions de la CEDEAO qui, pour le mouvement contestataire, viole la Constitution du Mali. Le Mouvement du 5 juin indique qu’une autre plainte sera déposée pour les tueries survenues lors des manifestations du 10 juillet et jours suivants.
Le parrain du mouvement, l’imam Mahmoud Dicko présent à cette conférence de presse, a également, jugé insuffisant, les recommandations des présidents de la Cédéao avant de dévoiler le contenu de sa dernière rencontre avec le Premier ministre, Boubou Cissé, chez lui à Badalabougou. « Je lui ai dit que la démarche en cours ne marchera pas, personne de mes proches ne rentrera dans ce gouvernement. Je lui ai demandé de démissionner pour faciliter la sortie de crise et je suis surpris d’entendre certaines de ses réactions sur des chaînes internationales ce matin à l’aube« . L’autorité morale du mouvement a, par ailleurs, déclaré qu’il n’y a aucune division au sein du M5.
Cette rencontre a été l’occasion pour les acteurs de ce regroupement d’appeler leurs militants à la reprise immédiate des actions de désobéissance civile dans tout le pays juste après la fête de Tabaski.
Le députés contestés s’opposent
Ils étaient 17 sur les 31 visés par les décisions de la conférence des chefs d’Etat de l’organisation sous-régionale à faire part de leur détermination à ne pas bouger de leur siège d’élus à l’hémicycle. Trente des trente-et-un députes, comme certains les appellent « mal élus » sont regroupés désormais au sein d’un collectif. Pour Gouagnon Coulibaly, porte-parole de ce collectif, « la loi permet aux députés de démissionner, mais ne l’oblige pas ». Et de poursuivre : « un député est élu pour 5 ans et ne peut être démis par la force. Il ne peut démissionner que par sa propre volonté et nous, on n’a pas la volonté de démissionner. Heureusement pour nous, la plupart des partis politiques avaient déjà donné le ton pour dire qu’ils ne demanderont pas à leurs députés de démissionner.»
Que faire lorsqu’il y a blocage au niveau des institutions ?
« S’il y a blocage surtout au niveau des possibilités constitutionnelles normales de nomination, on demande au président de la République de recourir à ses prérogatives exceptionnelles prévues par l’article 50 de la Constitution pour nommer à lui seul, tous les membres de la Cour constitutionnelle. (…) Si ces pouvoirs exceptionnels peuvent être utilisés dans le sens de débloquer une situation qui n’a que trop duré, c’est une bonne chose parce que ça va dans le sens du respect de l’Etat de droit et la stabilité du pays. C’est une manière de dire que si les acteurs échouent, le président sera dans l’obligation de prendre ses responsabilités. Mais, pour le moment on n’en est pas là », analyse Dr Fousseyni Doumbia, professeur de droit constitutionnel.
Koulouba | 30 juillet 2020 | Actualité
Le Président de la République préside la session du Conseil Supérieur de la Magistrature. pic.twitter.com/u3BxCZPf3x
— Presidence Mali (@PresidenceMali) July 30, 2020
Pour ce qui concerne une solution durable à cette crise qui secoue le Mali, l’urgence, selon Dr Doumbia, « c’est de s’orienter vers des réformes majeures allant dans le sens de consolider la démocratie, de consolider l’Etat de droit et éventuellement, pour une paix durable, cela pourrait permettre d’établir une certaine confiance démocratique avec l’ensemble des acteurs politiques et sociaux du pays. Et d’ajouter que « tous les textes législatifs, réglementaires même constitutionnels au Mali doivent être revus. Il y a beaucoup de contestations aujourd’hui, parce que les textes ont atteint leur limite, les lois ont atteint leur limite ainsi que les règlements et la Constitution. Il faut donc engager de grandes réformes allant dans le sens de rétablir une certaine confiance démocratique avec l’ensemble des acteurs du processus démocratique ».
M. A. Diallo, Sory Ibrahim Maïga, Sory Kondo