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Mali : ils racontent leur combat contre la drépanocytose

A Bamako, sur la colline du point G, plusieurs patients défilent devant le Centre de Recherche et de Lutte contre la Drépanocytose (CRLD), spécialisé dans le traitement de cette maladie au Mali.

Fatou Faye, âgée de de 21 et atteinte de la drépanocytose, vient régulièrement au centre de Bamako afin qu’on lui prescrive les calmants nécessaires et que les médecins puissent suivre l’évolution de la maladie. Obligée de quitter l’école à cause des douleurs trop intenses ciblées au niveau du ventre, de la poitrine et des articulations, elle souhaite désormais devenir styliste : « Les douleurs sont très violentes : à part pleurer et crier, je ne peux rien faire. J’ai peur que cette maladie me gâche mon rêve. Mais je me sens mieux, surtout avec l’aide de ma mère. Je peux avancer avec ou sans la maladie, mais je vais essayer d’aller au bout de mon rêve. »

Sa maman l’accompagne au quotidien mais elle ne cache pas les difficultés par lesquelles elle et sa fille sont passées : « Avec la maladie, ma fille n’était pas comme les autres enfants. À l’école, si elle se sentait fatiguée, son frère jumeau la portait sur son dos pour rentrer à la maison. Parfois, elle ne peut pas marcher mais avec le traitement ça va mieux. ». Également porteuse du gène, sa maman confirme n’avoir jamais ressenti de douleurs liées à la maladie.

Kalif Niangaly, garçon âgé de 10 ans subit également les conséquences scolaires de la drépanocytose. Pour autant, sa sœur affirme qu’il n’abandonnera pas pour l’instant : « La maladie joue sur son cursus scolaire mais il est intelligent. Après la crise, s’il retourne à l’école, il est toujours premier ou deuxième de sa classe ! »

Une maladie héréditaire et extrêmement douloureuse

La drépanocytose est une maladie génétique particulièrement répandue en Afrique subsaharienne, et notamment au Mali où le gène drépanocytaire toucherait environ 14% de la population, selon le Directeur adjoint du Centre de Recherche et de Lutte contre la Drépanocytose, le professeur Aldiouma Guindo.

Maladie du sang, elle entraîne un trouble de l’hémoglobine des globules rouges. Déformés par la maladie, ces derniers passent d’une forme en disque à celle de faucille. Permettant initialement le transport de l’oxygène dans les différents organes du corps humain, les globules rouges, une fois déformés, ne sont plus en mesure d’assurer leur rôle. Cela engendre une obstruction des vaisseaux sanguins et une irrigation des organes en oxygène insuffisante.

La drépanocytose provoque alors des symptômes extrêmement douloureux et favorise l’apparition d’anémie et de crises vaso-occlusives, manifestation la plus fréquente de la maladie. « Ce qui est alarmant, c’est que nous enregistrons chaque année, 5000 à 6000 naissances drépanocytaires », s’inquiète le professeur Guindo. En effet, en tant que maladie héréditaire, de nombreux enfants naissent porteurs du gène drépanocytaire et les symptômes ne sont pas immédiatement perceptibles par les familles, qui ne s’alertent pas de l’apparition de quelques douleurs chez l’enfant. Hors, « un enfant drépanocytaire qui n’est pas suivi par un médecin ne fêtera pas son cinquième anniversaire » affirme le directeur adjoint.

La prise en charge des patients face à une décentralisation des centres insuffisante

Face à cette situation alarmante et par soucis de préserver la vie de milliers de personnes, le CRLD a été créé en 2008 avec le soutien de la Fondation Pierre Fabre afin d’assurer une prise en charge la plus efficace possible des patients drépanocytaires dans un cadre chaleureux. Une fois arrivés au CRLD, les patients sont accueillis par la verdure des jardins du centre et l’atmosphère paisible qui y règne. Malheureusement, nombreux sont ceux qui devront être transférés dans une unité secondaire au sein d’une autre clinique, le CRLD ne disposant seulement de 26 lits, dont 10 réservés aux enfants. « Ce seul centre ne peut pas assurer l’entière prise en charge des patients drépanocytaires. C’est pourquoi la décentralisation est une nécessité », déclare le Directeur adjoint du CRLD.

Afin de permettre une prise en charge régionale, voire nationale au Mali, le CRLD, conjointement avec le financement de la fondation Pierre Fabre et de l’Agence Française de Développement (AFD) ont entrepris la création d’une unité de compétences à Kayes, ville située au nord-ouest de Bamako, ainsi qu’à Mopti, à environ 600 km, au nord de la capitale. Il n’était en effet plus envisageable que des patients atteints de la drépanocytose aient l’obligation de traverser une partie du pays pour se faire traiter. Le CRLD n’a pas l’intention de se contenter de ces trois unités et est actuellement en train de travailler sur l’ouverture d’une unité à Sikasso, à 375 km, à l’ouest de Bamako.

Assurer un suivi médical mais également psychologique

Considérée comme une maladie mortelle, plus particulièrement pour les jeunes non traités, la drépanocytose touche physiquement et moralement les adolescents, en leur volant tout espoir de rétablissement et de retour à une vie normale. « Lorsqu’un malade a en tête qu’il ne va pas vivre longtemps, comme par exemple un adolescent qui pense qu’il ne pas vivre plus de 2 ans, il se retrouve dans une situation d’inertie totale, où il estime qu’il ne sert plus à rien de faire quoique ce soit ». Pour lutter contre ce pessimisme grandissant chez de nombreux drépanocytaires, le CRLD a pris la décision d’engager un psychologue, afin d’aider les jeunes comme les adultes à ne pas abandonner leurs objectifs professionnels et de les accompagner dans leur épanouissement personnel.

Le personnel du CRLD espère désormais augmenter le nombre de médecins d’une part, mais plus particulièrement le nombre de spécialistes, tels que des ophtalmologues par exemple. En effet, la maladie peut s’attaquer à diverses parties du corps, dont les yeux et la vue. Sans quoi, les patients ne pourront être traités de la manière la plus compétente qu’il soit. Le CRLD a également l’objectif d’accroitre la sensibilité des individus pour favoriser les dépistages, par les couples notamment.

Téa Ziadé (Stg.), Mody Kamissoko