Le général Moussa Sinko Coulibaly est le président et le candidat de la Plateforme pour le changement, un mouvement politique qui essaye aujourd’hui de contribuer à enrichir le débat politique sur la scène nationale. Dans cette interview, ce militaire, général de l’armée, qui a décidé de quitter il y a quelques huit mois les rangs de la Grande muette pour aller à la conquête du fauteuil présidentiel, nous livre son analyse de la situation.
Quel est votre plan pour lutter contre l’insécurité au Mali ?
Nous avons 3 piliers essentiels sur lesquels nous allons baser les questions de stabilité et de paix au Mali. Le premier pilier, c’est la bonne gouvernance; le deuxième pilier, c’est les opportunités économiques; le troisième pilier, c’est les aspects purement sécuritaires. Donc, nous aurons une réforme de l’armée et des forces de défense et de sécurité, nous aurons des opportunités économiques qui seront offertes dans les localités mais sur l’ensemble du territoire aux jeunes en particulier mais aussi on aura une réforme de l’Etat qui fait partie de la bonne gouvernance que nous voulons mettre en place, la réforme de l’Etat qui va permettre à ce que localement les populations puissent participer au processus de prise de décisions. Donc, nous allons travailler sur ces 3 piliers qui vont permettre d’apporter une stabilité et la normalisation de la situation dans les différentes localités.
Quelle analyse faites-vous des tensions et affrontements intercommunautaires au centre du pays ?
Le centre du Mali, la cause de ces difficultés, nous disons que c’est d’abord un déficit de gouvernance. L’Etat a été absent pendant très longtemps; que ce soit sur le plan social, économique, sur le plan purement administratif, beaucoup de ces zones étaient presque abandonnées. Les premières personnes qui se sont nommées mouvements jihadistes, mouvements extrémistes, terroristes etc. ont pu s’imposer et aujourd’hui ce sont elles qui gouvernent ces localités. Donc, on a besoin d’une présence de l’Etat dans ces localités, on a besoin d’une participation effective de ces populations à la gouvernance de ces localités. Ça va nous permettre à ce qu’on puisse inverser la tendance, au lieu que les populations soient tentées d’aller vers les mouvements jihadistes, les mouvements intégristes, ces populations auront intérêt à rentrer dans un ensemble beaucoup plus grand. Cet ensemble va offrir plus d’opportunités, plus de possibilités et plus de solutions que ces mouvements qui sont là uniquement avec des agendas de destruction et de déconstruction de nos Etats.
« Beaucoup de problèmes que nous vivons actuellement tirent leur origine du déficit de gouvernance… »
Quid de la mise en œuvre de l’Accord, un processus qui traîne?
Nous sommes dans un processus de paix que je respecte. Il y a eu un accord de paix qui a été signé, l’accord d’Alger et avant ça, il y a eu l’accord de Ouaga dont j’étais signataire. Donc, il faut respecter ce processus qui a un agenda précis de mise en œuvre. Il faut respecter cet agenda, mais aussi il faut évaluer les difficultés qui peuvent exister dans la mise en application de ces accords de paix et, entre Maliens avoir une forme de dialogue national qui va permettre à ce qu’on trouve des solutions complémentaires qui pourraient faciliter la mise en application de ces accords, mais qui pourraient tout simplement permettre d’améliorer de façon générale la gouvernance de ce pays. Beaucoup de problèmes que nous vivons actuellement tirent leur origine du déficit de gouvernance que nous avons connu ces dernières années.
Avez-vous une solution précise pour le retour des réfugiés maliens ?
Concernant les réfugiés maliens, le processus de paix doit avancer pour nous permettre de stabiliser les régions qui sont en très grandes difficultés. Sur un plan sécuritaire, une fois qu’on aura un niveau de sécurité satisfaisant, je pense que le mouvement du retour des populations qui se sont réfugiées aujourd’hui en Mauritanie, au Burkina Faso et dans d’autres pays voisins, pourrait commencer librement. Sans la sécurité, ça va être difficile. Donc, il faut commencer d’abord à amener la sécurité à un niveau acceptable, mais en même temps créer des opportunités économiques pour les populations sur place parce qu’un réfugié qui rentre, mais qui doit commencer dès le lendemain à souffrir parce qu’il n’y a aucune opportunité économique, parce qu’il n’y a pas d’eau potable, aucun accès aux soins de santé, aucune activité qui lui permette de se prendre en charge; forcément ces personnes ne pourront pas rester. Il faut la sécurité, mais il faut un minimum de développement économique pour permettre à la population de retourner.
L’insécurité est liée au chômage des jeunes. Quelle solution préconisez-vous pour l’emploi des jeunes?
Nous avons plusieurs solutions par rapport au chômage des jeunes. La première solution, quand nous faisons un peu l’évaluation de toutes les sommes qui sont englouties dans la corruption, l’évaluation de toutes les sommes qui sont volées au détriment de l’Etat en essayant de récupérer le maximum de ces montants, nous pouvons créer des opportunités d’emplois énormes. L’Etat aura des leviers pour créer des petites et moyennes entreprises qui vont permettre d’employer plus des jeunes, mais aussi d’autres solutions pour créer des emplois pour faire face au chômage des jeunes. Nous allons lutter contre la corruption qui est devenue endémique, qui est devenue presqu’un mode de gouvernance dans ce pays. En luttant contre la corruption, nous allons encourager les entrepreneurs, investisseurs nationaux à investir ici au Mali en sachant que ces investissements vont apporter des opportunités de travail. Mais en même temps nous allons attirer les investisseurs étrangers qui se diront oui désormais la destination Mali est sûre et nous pouvons prendre le risque de mettre notre argent parce qu’il ne sera pas perdu. Donc, ce sont ces différents leviers que nous allons utiliser pour permettre que la jeunesse puisse avoir plus d’emplois. Il y a aussi le volet formation, parce que sans une jeunesse formée, éduquée capable de travailler, les emplois qui peuvent être ouverts dans les entreprises qui vont être créées, ça va être difficile. Donc, il faut travailler sur l’éducation pour avoir des ouvriers qualifiés, avoir des niveaux très élevés de formation parce que ces entreprises ont besoin de ces qualifications et en même temps lutter contre la corruption, mais aussi éviter la dilapidation des ressources de l’Etat. En jouant sur tous ces leviers, je pense qu’on pourrait commencer à résoudre le chômage des jeunes dans les mois et années à venir.
« Je serai sans pitié avec ceux qui vont détourner les biens de l’Etat ».
Que faire face au phénomène de la corruption pour relever les défis économiques?
La corruption aujourd’hui, et la majeure partie des scandales que nous avons connus ces dernières années, remontent jusqu’au sommet de l’Etat, jusqu’à la présidence, aux différents ministères. C’est à ce niveau que nous voulons commencer à nettoyer. Si je suis élu demain président de la République, je serai un président exemplaire, zéro tolérance contre la corruption. Je serai sans pitié avec ceux qui vont détourner les biens de l’Etat. En devenant exemplaire, je pense que nous pouvons imposer la même chose aux ministres et aux grands responsables de l’Etat. Si le président est exemplaire, les autres sont obligés d’être exemplaires. S’il n’y a pas de corruption au sommet de l’Etat, en bas, on aura la possibilité de faire le nettoyage aussi. J’appelle les ouvriers de la nation à une conscience. Il faut que ces ouvriers soient assistés et soient exemplaires. Que le paysan, l’éleveur puisse vivre de son travail. Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est que le paysan est chaque année, de plus en plus endetté parce qu’on vend l’engrais à des prix où le paysan ne peut plus rembourser. On donne des tracteurs qui sont surfacturés. Ce sont des conditions comme ça qu’on a imposé aux paysans et l’Etat devient comme une vache à lait pour tout le monde, mais lui-même n’arrive pas à s’en sortir. Donc, nous allons faire en sorte qu’il y ait des prix garantis pour le paysan pour chaque production pour permettre au paysan de vivre de son travail et aussi mettre un système de financement des outils agricoles, un système de financement des différents matériels que le paysan, l’éleveur, le pêcheur utilisent, un système de financement qui leur permettra d’avoir accès à ces matériels et de pouvoir les rembourser sans se le ruiner, sans aller en faillite. Donc, concrètement voici les pistes que nous allons utiliser pour permettre au paysan et aux petits métiers de vivre de leur métier et d’aller vers les travaux plus mécanisés et plus rentables.
Le retour des services sociaux de base demeure un souci presque partout. Quel commentaire cela suscite chez vous?
Il est impératif que l’Etat fasse de ces questions ses priorités. Ce sont des urgences au niveau social: l’accès à l’eau potable, l’électricité, l’accès aux soins de santé font partie de ces priorités. L’Etat va essayer de mettre fin à la corruption, aux vols organisés au sommet de l’Etat, de mettre fin à la dilapidation des ressources de l’Etat. Ça va permettre de dégager tout de suite une manne financière qui sera judicieusement répartie pour être utilisée dans ces secteurs prioritaires, mais bien évidement, on ne va pas se limiter à çà. Le chantier est tellement énorme et vaste qu’il faut de la création des richesses et cette création de richesse ne peut exister que lorsque des entreprises et investisseurs viennent vers la destination Mali. C’est pourquoi, nous avons dit avec une bonne gouvernance, la fin de la corruption, les investisseurs nationaux et non-nationaux seront attirés vers le Mali. Il y aura la création de nouvelles richesses et avec la création des richesses, les impôts et les taxes que l’Etat va récolter seront utilisés prioritairement pour que les Maliens qui, ont besoin de plus d’assistances, puissent être aidés là où ils sont.
« …la première chose que nous allons faire, c’est appeler les Maliens à la réconciliation nationale. »
Quelle sera la plus grande décision dès le lendemain de votre investiture si vous élu président du Mali?
Si je suis élu, nous allons nous inscrire plutôt dans un rassemblement, appeler tous les Maliens à se rassembler, à se réconcilier. Je pense que c’est ce processus de réconciliation qui ne va pas passer forcément par des discours à la télé tous les jours, mais que tous les Maliens acceptent d’aller au quotidien vers un processus de réconciliation. Donc, si nous sommes investis le 4 septembre prochain, la première chose que nous allons faire, c’est appeler les Maliens à la réconciliation nationale. C’est ça qui va être l’élément fondateur du Mali nouveau que nous allons mettre en chantier. C’est après cela que nous allons décréter la fin de la corruption au sommet de l’État.
Votre mot de la fin?
À cette période particulière, nous appelons tous les électeurs à ne pas rester à la maison en se disant que le changement ne doit pas rester seulement dans le discours. On doit transcrire et transformer ça en actes concrets et cela passe par le vote, qui arrive le 29 juillet. Et pour aller voter, il faut d’abord disposer de sa carte d’électeur, identifier son bureau de vote et surtout le 29 juillet, aller voter le général Sinko, qui est aujourd’hui la seule solution pour la stabilité, la paix, la sécurité au Mali, mais surtout la fin de la corruption, de la gabegie du clientélisme dans notre pays.
Sory Kondo Bruno Djito Segbedji
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