À Bamako, les travaux de la première semaine de la conférence d’entente nationale ont pris fin dimanche 2 avril. Parmi les sujets évoqués, une éventuelle négociation avec les chefs terroristes maliens pour rétablir la sécurité dans le nord et le centre du Mali.
Le gouvernement s’est toujours montré hostile à cette idée. Mais elle a été assez discutée par la conférence d’entente nationale pour passer sous silence. Négocier avec le prêcheur radical Amadou Kouffa et son chef Iyad Ag Ghaly, deux terroristes maliens, figure bien parmi les résolutions de la conférence d’entente nationale, tenue du 27 mars au 2 avril à Bamako.
Largement évoqué pendant les débats, négocier avec les terroristes maliens est présenté comme une alternative à l’incapacité de l’État à faire face à l’aggravation de la situation sécuritaire.
Entre janvier 2015 et septembre 2016, il y a eu au moins 52 attaques et des centaines de morts dans le centre du Mali où la branche Ançardine dirigée par Amadou Kouffa demeure très active, selon une étude de l’Institut du Macina. « Emergence des djihadistes maliens », une récente étude de l’Institut d’études de sécurité (ISS) basée à Dakar, au moins 310 attaques enregistrées au Mali et dans les pays voisins (Burkina Faso, Côte d’Ivoire et Niger durant l’année 2016 et le premier trimestre 2017.
En face, les efforts insuffisants de l’armée et de ses partenaires internationaux poussent de plus en plus l’opinion publique malienne à privilégier la voie du dialogue. Déjà en 2015, Mahamoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali y faisait allusion. En novembre 2016, il affirme même avoir reçu une lettre d’Iyad où le chef terroriste prétend être ouvert à un dialogue avec les autorités.
Puis ce fut le tour de Tiébilé Dramé de l’opposition, de plusieurs leaders religieux et récemment de l’ancien Premier ministre Mohamed AG Hamani, aujourd’hui à la tête d’une coordination d’associations de la société civile, d’indiquer « n’y voir aucun inconvénient de négocier avec les terroristes maliens. » Oumar Mariko, un député malien connu pour ses sorties fracassantes conditionne même le retour d’une paix au Mali à des négociations avec Iyad.
L’étude de l’ISS parue ce 3 avril 2017 indique aussi que les lenteurs dans la mise en oeuvre de l’accord de paix soulèvent la problématique de « l’inclusion des djihadistes maliens » dans le processus politique. Mais comment traiter avec ces deux chefs terroristes qui projettent d’appliquer une charia extrémiste tout en préservant le caractère laïc de l’État ?
« Des précédents dans la région peuvent et doivent nous inspirer », affirme Adam Thiam, journaliste malien et auteur de » Centre du Mali: Enjeux et Dangers d’une crise négligée. » Il s’agit notamment de la concorde civile en Algérie qui proposait une amnistie à « tous ceux qui deposeraient les armes » et le processus des Ulémas en Mauritanie.
Officiellement, le gouvernement ne semble pas vouloir explorer cette piste. « De mon point de vue, il y a sans doute eu des tentatives secrètes » qui n’ont pas abouti, explique Adam Thiam. « Iyad est un chef djihadiste et je n’en connais aucun d’entre eux qui se soit repentit. Je ne vois pas comment on peut l’amener dans le processus à moins de passer une amnistie non secrète avec Iyad pour cesser les recrutements et les activités djihadistes », ajoute M. Thiam. Mais en ce moment, il se mettrait à dos ses alliés d’Aqmi.
La piste Amadou Kouffa, elle, reste dépendante de celle d’Iyad AG Ghaly qui est son mentor. Il sera également difficile de le ramener dans le processus » sans des concessions doctrines », concordent plusieurs observateurs.
Aboubacar Dicko