Dans la commune de Tilemsi a environ 50 km de Gao, Malick Ag Sibdiga a créé en février 2016, une plantation de dattier sur les sites d’Inghounane et Aichalmouminine, à l’aide de la population des villages voisins. Il insuffle ainsi un vent nouveau sur la vie de certains de ces habitants.
Après avoir travaillé pendant de nombreuses années au sein d’organisations humanitaires, Malick s’est orienté vers une pharmacie vétérinaire à Kidal avant de débuter la plantation de palmiers dattiers. Étant un membre fondateur de l’association des Ami(e)s de la verdure, il s’est sensibilisé à la question environnementale, et l’idée lui est venue de se lancer dans la phœniciculture (culture du palmier dattier) dans la région désertique de Gao.
Son projet a notamment été motivé par l’envie de proposer une activité alternative aux populations nomades de la région, l’élevage seul ne pouvant subvenir aux besoins des habitants. La lutte contre la désertification de la région constitue également l’un des enjeux majeurs de la production de palmiers dattiers : « On assiste à des changements climatiques, le désert commence à occuper pleinement l’espace. Il faut faire autre chose en dehors de l’élevage : cela permettrait non seulement aux populations de s’implanter mais aussi d’avoir d’autres revenus ».
Le choix de cultiver des palmiers dattiers s’est avéré perspicace non seulement parce que la qualité du bois de ces arbres peut participer à la construction d’habitations mais également pour ses fruits se vendent bien sur le marché. Si cette plante n’était que très peu cultivée auparavant, les gens ne s’y intéressant pas, ses rendements augmentent petit à petit. Bien que des parcelles de dattiers étaient présentes sur les sites évoqués précédemment, elles n’étaient pas entretenues et les populations locales en ont donc fait don à Malick et ses collaborateurs.
Impliquer les populations
Si son projet est aujourd’hui de plus en plus viable, c’est grâce à la cohésion des communautés des villages voisins : « Depuis que nous avons commencé, nous n’avons pas eu d’aides externes : tout ce que nous avons entrepris, c’est avec l’aide d’initiatives communautaires, avec des personnes de bonnes volontés qui contribuent physiquement et financièrement à notre projet ».
Depuis quelques temps, l’agriculteur a décidé d’étendre son projet dans de nombreux villages environnants, afin de diffuser la culture des palmiers dattiers et leurs vertus tant économiques, qu’écologiques, notamment dans le cadre de la lutte contre la désertification. Du village de Hamakoulaji à la ville de Ménaka, il réalise des donations gratuites pour plusieurs communes, permettant alors d’encourager la plantation de ces palmiers. Le suivi de ces dons est possible grâce au réseau WhatsApp, précise l’agriculteur : « Dans certains sites, il y a une connexion WiFi, donc au fur et à mesure, je fais le suivi en échangeant avec les responsables de ces villages. »
Toutefois, si la culture de palmiers dattiers connaît un essor au sein du site d’Inghounane, grâce à la persévérance de Malick et des volontaires, elle est aujourd’hui confrontée à des limites climatiques: « L’absence de pluie peut entraîner la disparition des plantes. L’approvisionnement est un problème » avoue-t-il.Bien que les palmiers-dattiers soient adaptés à des conditions climatiques d’extrême sécheresse, les ressources du phœniciculteur sont insuffisantes face aux besoins en irrigation. « On a besoin de forages d’une profondeur de 100 mètres, mais on ne peut quand même pas espérer pouvoir faire grand-chose avec les eaux de surface de 9 mètres que nous avons » explique-t-il. Les ambitions de Malick sont donc restreintes par le manque d’approvisionnement en eau, première difficulté face à laquelle est confrontée la plantation de palmiers dattiers.
« Occuper les jeunes«
Aujourd’hui, il observe avec fierté que son projet agricole n’a pas seulement été réalisé dans un objectif purement économique : il a permis à la population environnante de poser un nouveau regard sur l’importance de la lutte contre la désertification. « Cela a eu un impact sur la population. Les mentalités changent, avec le développement d’un intérêt pour l’agriculture, et même les cultures sous-jacentes » affirme-t-il. À tel point que certains villages ont débuté dans la construction de puits traditionnels, assurant ainsi une poursuite efficace de l’activité.
Son partenaire, Yacoub Ag Mohamed, président de l’association Ami(es) de la Verdure, précise également l’impact de ces plantations sur les jeunes de la région : « Il faut orienter la jeunesse en donnant un travail à cette dernière pour l’occuper et lui permettre d’avancer. » Pour Yacoub, c’est aussi un moyen de lutter contre l’enrôlement des jeunes dans les groupes armés. « Ce qui nous pousse à faire ça, c’est d’assurer la sécurité chez nous, principalement la sécurité de notre jeunesse. Si on ne protège pas la jeunesse des tempêtes, elle risque d’être emportée », souligne-t-il.
Pour l’instant, les rendements des plantations permettent seulement à Malick de financer les achats liés à l’entretien des cultures, tel que les frais de gardiennage ou les pompes solaires : pour autant, il espère à l’avenir produire suffisamment de légumes pour alimenter les régions de Gao et Kidal, mais également les marchés hebdomadaires environnants.
Texte: Téa Ziadé, Vladimir Sutter (Stagiaires)
Vidéo et montage: Walid Ag Minani, Mody Kamissoko
*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.
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