A Bamako, le slam comme performance artistique et scénique se développe. L’une de ses associations les plus actives, Jeuness’Art, sert de tremplin aux jeunes en quête de fenêtre d’expression.
Dans une salle de classe où la craie est encore fraîche, l’accueil de vingt personnes sélectionnées pour l’école d’été de Jeuness’Art se prépare.
Cadencé par les mots, les syllabes et les sons, le slam a su tracer sa route entre la poésie et le chant. Les membres de Jeuness’Art s’engagent dans leurs déclamations. Ils slament régulièrement sur les questions relatives aux Droits de l’homme, à la citoyenneté et à la gouvernance.
Créée en 2016, l’association cherche à promouvoir l’écriture et la créativité, en s’exerçant au travers d’ateliers de diction et d’éloquence. « Jeuness’Art est créée par les amoureux des belles lettres et surtout les amoureux du slam. On retrouve tous profils, des juristes, des enseignants, des artistes musiciens. C’est un groupe qui se veut être un cadre de promotion du slam juvénile, au Mali et ailleurs. Nous sommes plus de 50 membres au sein du groupe », explique Amadou Baba Sissoko alias H20.
Ecole du slam
Cette pratique alliant poésie et chant attire de plus en plus de monde. Une école d’été du slam a donc été instaurée afin de former durant un mois, des jeunes en écriture slam et en diction.
« On veut montrer à tout le monde que le slam est un art vivant d’abord, montrer que l’écriture peut être désacralisée. Car ici, on est dans un pays où on pense que les écrits sont réservés à ceux qui sont partis à l’école, à ceux qui sont partis encore plus loin. L’exercice de slam (de rue) consiste à pousser des gens à lire, et à écrire, l’essentiel c’est d’écrire » ajoute H20.
Parmi les jeunes talents révélés au grand public, il y a Mariam. Une étudiante en lettres modernes surnommée « Blanche noire », qui utilise son art pour dénoncer les maux dont souffrent les albinos. « Le slam m’a beaucoup apporté. Il m’a permis de m’exprimer. Une fois dans la foule, j’étais toujours dans un coin. Je ne me sentais pas comme les autres. A travers le slam je suis parvenu à laisser tout ça », indique Mariam Keita.
Les slameurs de Jeuness’Art sont beaucoup sollicités pour des prestations dans des cérémonies. Mais cet art fait il vivre son homme ? « On ne nous considère même pas comme des artistes. On est des personnes qu’on appelle pour venir parler, faire passer le temps dans les cérémonies. Le deuxième mal c’est le fait que les gens ne sont pas prêts à mettre de l’argent dans le slam. Ils n’ont pas envie de voir le slam comme un art à part entière comme le rap. On est invité pour combler le blanc dans l’enchaînement de leurs activités », déplore Sory Diakité alias Saccharose.
*Déclamation Saccharose
« Slam ! A fô ! A ton appel Mali, tes fils ont répondu dans la chienlit. Pour ta prospérité, ils n’ont pas été capables d’afficher un brin de fidélité. Qui pourrait laisser penser que tu sortiras de la pauvreté contre laquelle ton destin les avait accrédités ? Un peuple, un but, une foi. On l’a entendu plusieurs fois. Nous serons tous unis, on te l’avait promis. Mais quand ton peuple bute sur sa foi, l’union autour d’un but comme l’apporte la proie de la multiplication d’un peuple où « Dieu pour tous et chacun pour soi ». Alors plus la peine que l’ennemi découvre son front, l’ennemi du dedans est tellement affaibli par ses affronts qu’au dehors tu peines à garder tes remparts à l’assaut des escadrons. »
Nommés ambassadeurs pour la lutte contre les violences basées sur le genre par Onu Femmes, les slameurs de Jeuness’Art s’exercent chaque week end à clamer haut et fort leurs convictions. A la demande de cette agence des Nations Unies, Jeuness’Art a travaillé le projet « femmes sans flammes en slam » qui consistaient à outiller les jeunes élèves, filles et garçons, sur les techniques d’écriture. Le leitmotiv ? Apprendre à dénoncer les pratiques liées aux violences basées sur le genre. 2500 jeunes bamakois ont été initiés au slam à travers ce projet.
A l’image de toute la communauté de slameurs malienne, Jeunness’Art cherche à gagner en légitimité dans l’univers culturel malien, alors que certaines écoles leur ont déjà demandé d’intervenir pour dispenser des ateliers d’initiation.
Valentin Boulay, Sory Kondo
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