Au Mali, à peine remise au Président Ibrahim Boubacar Keïta, la « Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale » fait l’objet de rejet de la part des ex-rebelles et l’opposition politique dit ignorer tout de son contenu.
C’est le mardi 20 juin que le médiateur de la République, Baba Hakib Haïdara, a remis la « Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale » au président Ibrahim Boubacar Keita. A l’issue de la Conférence d’entente nationale, tenue entre fin mars et début avril, la charte n’avait pas été approuvée. Les autorités maliennes avaient décidé que le dialogue inter-malien servira de base pour la charte qui, avait précisé le président de la Conférence d’entente, Baba Hakib Haïdara, « sera élaborée de façon consensuelle ».
La charte, rédigée par une commission spéciale mise en place il y a moins de deux mois sous l’égide de Baba H. Haïdara, apparaît comme un couronnement de la conférence, « une option stratégique à laquelle il ne saurait y’avoir aucune alternative et pour laquelle nous sommes prêts à consentir toutes les concessions, parce que c’est elle seule qui permet de garantir la pérennité, la stabilité , la cohésion et la capacité de notre nation à restaurer sa grandeur , son dynamisme et son apport qualitatif au monde », selon le président Ibrahim Boubacar Keïta, s’exprimant lors de la cérémonie de remise.
Désaccord
La cérémonie de remise a été boycottée par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui s’est fendue d’un communiqué pour rejeter « la présente charte qui ne saurait nullement l’engager dans son format actuel ». Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA, a expliqué que le texte n’a pas pris en compte les recommandations que les ex-rebelles ont formulées, et qu’il s’agirait du même document présenté lors des missions de concertations. Parmi les raisons du rejet, ajoute-t-il, figure la question de l’Azawad : « Il y a des manœuvres pour la diluer, et on va droit pour l’enterrer. Il n’y a pas eu de consensus ». Du côté du gouvernement malien, c’est pourtant une question réglée. « C’est une posture, ils ont mandaté des gens pour la rédaction de la charte. L’Accord qui prévoit la conférence d’entente dit que l’Azawad ne peut être un projet étatique », dit cet ancien membre de la Commission d’organisation de la Conférence d’entente, ayant requis l’anonymat.
Depuis les négociations, à Alger, il n’y a pas eu de consensus autour de ce sujet. C’est pourquoi, explique Ilad Ag Mohamed, « l’article 5 de l’Accord dit que les discussions se poursuivent et c’est pourquoi il y a eu la conférence d’entente. Pour la CMA, l’appellation ne renvoie pas à un projet politique remettant en cause l’intégrité de l’Etat. Il ne s’agit pas d’un Etat dans un Etat. Mais nous avons fait des recommandations qui n’ont pas été prises en compte ». Pour lui, « c’est un document consensuel qui doit être déposé ».
L’opposition, de son côté, affirme n’avoir été associée « ni de près ni de loin à la rédaction de la charte ». « Vous avez une charte pour la réconciliation et l’unité nationale qui est produite dans le sectarisme et l’exclusion », dénonce Tiébilé Dramé, président du parti d’opposition Parena. Pourtant, le chef de file de l’opposition républicaine, Soumaïla Cissé, a répondu présent à l’invitation des services de la présidence du Mali, alors qu’il ignorait, ajoute M. Dramé, « tout du contenu de la charte. »
Boubacar Sangaré