Douze départements sur les treize que compte la région sont touchés par l’insécurité. Selon un rapport publié fin mai 2022 par le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), Tillabéri figure au nombre des régions les plus affectées par l’insécurité alimentaire (plus de 29% de la population sont affectées).
Dans le camp de déplacés de Ouallam, Daouda Saley y a trouvé refuge après avoir échappé à une attaque des groupes armés terroristes, il y a un an, dans la commune rurale de Tondikiwindi.«Ils venaient de la brousse lorsqu’ils m’ont trouvé assis à l’entrée du champ. Je me suis enfui. Ils sont passés la deuxième fois, et lorsqu’ils sont revenus, j’ai complètement quitté l’endroit. Ils ont tué deux personnes, ce sont les fils de mon grand frère. (…) Ils tiraient dans tous les sens », se souvient-il.
Depuis lors, Daouda a dû abandonner ses activités champêtres pour se mettre à l’abri des menaces et attaques visant les paysans. « On ne peut pas être tranquille au village. Si vous avez vu ce qu’ils ont fait à nos maisons, c’est horrible ! On n’a plus à manger alors que l’agriculture est notre principale source de revenu. Si tu n’as pas semé, tu ne peux avoir à manger. Tous ceux qui n’ont pas semé seront dans une situation très difficile. Cette année, la pluie a été rare et même si la pluie arrive, l’insécurité persiste encore. Les gens ne peuvent pas revenir à leur domicile », ajoute-t-il.
Peur au ventre
Comme lui, cette situation inquiète également Aria Abdou, mère de quatre enfants, originaire de Tondikiwindi. L’année dernière, elle a été empêchée de cultiver lorsque la saison des pluies a commencé. « La pluie est tombée pendant quatre jours. Les gens sont partis aux champs pour semer. Certains sont revenus et d’autres ne sont plus jamais rentrés. Les enfants sont venus nous informer que les terroristes sont aux alentours du village et immédiatement, tout le monde a couru pour se mettre à l’abri. Parmi les gens qu’ils ont trouvés en dehors du village, ils ont tué trois personnes. Après cela, ils ont saccagé des boutiques. Ensuite, ils sont repartis dans le village voisin où ils ont tué cinq personnes dans un champ », explique-t-elle.
A domicile comme au champ, les paysans ont la peur au ventre. « Nous ne pouvons pas dormir ni le jour ni même la nuit. Dès que la pluie tombe, pour les gens qui veulent semer, les terroristes sont dans les champs. On est mécontents de cette situation. Si tu pars à midi, tu reviens à treize heures. Au début des attaques dans la zone, ils ont tué 20 personnes. Quand ils trouvent une ou deux personnes dans les champs, ils les tuent. Les gens ont peur d’aller au champ. Si les militaires viennent, on fait quelques jours de travaux champêtres. Après leur départ, ils (terroristes) envoient leur éléments voir si les militaires sont partis. Quand ils sont informés que les militaires ne sont pas là, ils reviennent déranger les gens », a poursuivi Aria Abdou.
Située dans la zone dite « des trois frontières« , la région de Tillabéri connaît un afflux de déplacés internes en raison de nombreuses attaques perpétrées par les groupes armés terroristes. « Le contexte est devenu délétère. Aujourd’hui à Tillabéri, les populations rurales n’arrivent pas à vivre sur leur territoire ni cultiver pour espérer prendre en charge leur progéniture. C’est un grand problème ce qui se passe aujourd’hui. Il y a la recrudescence des attaques qui font en sorte qu’il y a plus des déplacés internes dans la région », indique Daouda Insa, président de Action pour la défense de l’éducation, la santé et l’environnement au Niger, une ONG qui mène des activités au profit du monde rural.
Une insécurité alimentaire alarmante
Cette situation expose de plus en plus ces populations à l’insécurité alimentaire. « La région de Tillabéri est l’une des régions les plus affectées. Parmi les 4,4 millions de personnes en insécurité alimentaire aigue sévère, 1,2 millions sont dans la région Tillabéri. La commune de Tondikiwindi n’échappe pas à cette situation. C’est à peu près 160.000 personnes qui vivent dans cette commune et dont près la moitié a besoin d’assistance », souligne Jean-Noël Gentile, Représentant du Programme alimentaire mondial au Niger.
Selon M. Gentile, les chocs sécuritaires contribuent de façon considérable à l’insécurité alimentaire dans la zone. « A peu près 15 % de la population du Niger vit dans des zones difficilement accessibles, affectées d’une manière ou d’une autre par le conflit armé, par l’insécurité des zones fragiles alors que 46 % des 4,4 millions des personnes dans l’insécurité alimentaire sévère vivent dans cette zone. Vous voyez donc qu’il y’a une corrélation forte entre insécurité et insécurité alimentaire. Tondikiwindi est concerné par cette situation d’insécurité notamment les zones les plus au nord de cette commune avec des populations qui ont fait face à l’insécurité, qui ont vu leurs greniers brûlés, leurs bétails volés, qui sont victimes de kidnapping, ont dû se déplacer et laisser tout derrière eux. Ils n’ont pas pu cultiver leur champ l’année dernière et donc pas de récolte », a-t-il expliqué.
Selon le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU au Niger, les mouvements forcés de population se sont intensifiés au cours des cinq premiers mois de l’année 2022 à cause de l’escalade de la violence des groupes armés non étatiques qui attaquent les civils et les forces de sécurité.
Omar Hama Saley, Agaïcha Kanouté, Mody Kamissoko, Augustin K. Fodou
*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.
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