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Niger/Covid-19: quel sort pour les migrants depuis la fermeture des frontières ?

Officiellement fermées en raison de la maladie à coronavirus, les mouvements internes sont réduits et plusieurs centaines de migrants sont hébergés dans les centres de transit et sites temporaires pour mettre en quarantaine les nouveaux migrants refoulés d’Algérie.

Ils sont plus de 2000 migrants dans les centres de transit de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Niger. Parmi eux, environ 800 migrants sont hébergés au centre d’Agadez et plus de 200 autres sur un site temporaire de quarantaine à la périphérie de la ville, indique l’organisation dans son récent rapport de situation.

Dans le cadre de la lutte contre la pandémie à coronavirus (Covid-19), le gouvernement nigérien avait pris plusieurs mesures comme la fermeture des frontières, le couvre-feu, l’isolement sanitaire de la ville de Niamey ainsi qu’une quarantaine obligatoire de deux semaines pour les personnes arrivant de l’étranger.

Toutes ces mesures ont impacté le déplacement à l’intérieur du pays, voire son arrêt total, notamment à Agadez où la baisse du flux migratoire vers le nord est observée, particulièrement au niveau des compagnies de transport. « Nous vivons un moment difficile à cause des mesures contre la maladie. Aucun bus n’a pu bouger, il y a presque deux mois. Vous savez bien qu’avant cette maladie, le transport des migrants vers Agadez a considérablement diminué avec la loi. Il y a trois ans, nous mettions cinq bus sur l’axe Agadez-Niamey et d’autres compagnies mettent jusqu’à dix bus. Aujourd’hui, à peine un bus sur ce tronçon. Donc le coronavirus ne vient pas nous tuer mais nous enterrer. On espère que le gouvernement va nous aider à surmonter cette épreuve » explique Sani Seydou, gérant d’une compagnie de transport à Niamey.

L’économie informelle autour de la migration est également touchée. Les vendeurs de bidons d’eau, les revendeuses de nourriture, les tabliers et marchands ambulants, les vendeurs de bois qui servent de support pour les migrants à bord des pick-up, les transporteurs et les opérations de change ne sont plus fonctionnels. « Depuis la fermeture des frontières, les commerces ou activités liées à la migration sont à l’arrêt. Aucun départ des migrants à partir d’Agadez vers le nord », signale un ex-passeur.

Difficile mise en quarantaine

Depuis l’apparition du premier cas de coronavirus au Niger, les autorités de la région d’Agadez ont créé un comité régional composé de la Direction régionale de la Santé publique (DRSP), l’OIM, les organisations humanitaires œuvrant dans la zone, les Forces de défense et de sécurité et plusieurs autres partenaires techniques afin de mieux répondre aux urgences. Ainsi, le stade régional a été réquisitionné pour mettre en quarantaine les migrants et un centre à l’hôpital d’Agadez pour traiter les cas les plus urgents.

Selon l’OIM, « après la dernière expulsion de 813 migrants d’Algérie le 19 mars, date de fermeture de la frontière avec l’Algérie, les migrants ont continué à franchir la frontière. Des groupes de migrants, allant de six à 98 personnes sont arrivés à Assamaka, ce qui complique de plus en plus leur mise en quarantaine, devant être séparés des groupes préexistants ».

A Assamaka, à la frontière, un dispositif mis en est place selon Idi Chaibou, Secrétaire permanent au gouvernorat d’Agadez. « Dès que la vague arrive, des dispositions sont prises pour que ces personnes soient confinées pendant deux semaines. Après le confinement, c’est en ce moment qu’on les fait transporter pour venir à  Arlit. A partir de là, s’il y a des étrangers d’autres nationalités, c’est l’OIM qui les prend en charge. Pour les Nigériens, c’est les autorités départementales qui les prennent en charge à travers la coordination régionale », souligne-t-il.

Et d’ajouter : « chaque fois que la vague qui est annoncée arrive, on se mobilise pour sensibiliser nos frères africains [hébergés au centre de transit, ndlrpour leur faire comprendre que c’est des gens qui ont fini leur confinement. Il arrive, des fois, des agissements que nous arrivons à calmer très tôt. Mais ça n’a pas été facile au tout début ».

Au centre de transit d’Agadez, il est souvent difficile pour les pensionnaires de respecter la distanciation physique. «Vous voyez vous-mêmes, là où nous vivons actuellement, c’est un peu critique. Bien qu’on félicite les autorités nigériennes pour leur accueil, concernant les autres mesures, la distanciation, il n’y en a pas ici. Cette maladie se transmet par les gouttelettes respiratoires. Tu peux être contaminé sans se rendre compte. On remercie d’abord Dieu, parce que jusqu’à présent, il n’y a aucun cas. Rien n’a été signalé. C’est la puissance de Dieu », affirme un ivoirien refoulé d’Algérie.

Aujourd’hui, ils attendent la levée des restrictions pour pouvoir rentrer chez eux dans leur pays d’origine. « The should help us to leave this place. We are here for 19 days. It’s not easy for us. [Ils devraient nous aider à quitter ici. Nous sommes là depuis 19 jours. Ce n’est pas facile pour nous] », lance un migrant anglophone.

Bloqués au Niger depuis plusieurs semaines, l’OIM a pu faciliter le retour de certains migrants. « Actuellement, nous avons encore plus de 1800 migrants sous notre responsabilité. Nous avons demandé le corridor humanitaire pour les assister au retour volontaire dans leur pays d’origine », précise  Oscar Safari, représentant de l’organisation à Agadez. Le 4 juin dernier, 179 ressortissants maliens ont pu rentrer chez eux après « près de trois mois dans les centres de transit de l’OIM à Niamey et Agadez en raison de la fermeture des frontières liées au Covid-19 ». 

Des migrants abandonnés

« Plus de 250 migrants en détresse ont été retrouvés la semaine dernière près de Madama, à la frontière du Niger avec la Libye, abandonnés par leurs passeurs au milieu de la pandémie de Covid-19. La majorité venait du Nigéria (104), du Ghana (53) et du Burkina (34). Un bébé est parmi eux et est actuellement assisté par le personnel de protection de l’OIM», avait annoncé, début avril, l’OIM. Ils ont été transférés au stade de football d’Agadez pour une période de quarantaine de 14 jours. Mais, selon le directeur du journal local Aïr Info, 43 migrants ont fui le site après une semaine de confinement.

Malgré la fermeture des frontières, un groupe de migrants avait tenté la traversée du désert, début avril, en contournant les routes principales. Au moins 20 personnes, toutes de nationalités nigériennes, en provenance de la Libye sont mortes dans le désert nigérien a indiqué un rescapé contacté par Sahelien.com.

La soif serait à l’origine de la tragédie suite à une panne de leur véhicule, a-t-il poursuivi. Selon lui, c’est en cherchant un dépanneur qu’il a eu la « chance de tomber sur un véhicule qui allait à Agadez ». Quelques jours après,la nouvelle du décès des autres passagers lui est parvenue par le biais d’autres migrants de retour.

Au mois de mai, le nombre d’arrivées à la frontière avec l’Algérie a baissé. «La semaine passée, l’OIM a transporté 42 migrants qui ont terminé leur quarantaine à Assamaka jusqu’au centre de transit à Arlit. Globalement, il y a eu une réduction importante des arrivées de migrants d’Algérie vers Assamaka en mai, avec seulement 133 arrivées enregistrées contre 533 en avril. La grande majorité des nouveaux arrivants étaient des Nigériens (125) rentrant des mines d’or algériennes, le reste étant Sierra-léonais (6) et Camerounais (2).»

A Agadez, carrefour migratoire, bien avant cette crise sanitaire, le passage des migrants devenait de plus en plus difficile, depuis l’adoption de la loi contre le trafic de migrants en mai 2015. Face aux mesures répressives, passeurs et migrants empruntent des routes plus dangereuses pour tenter de rejoindre les côtes européennes.

Omar H. Saley, Augustin K. Fodou, Sory Kondo

*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.

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