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Niger : l’ensablement menace le transport fluvial

La baisse du niveau d’eau dans le fleuve impacte les activités socio-économiques des populations et porte un coup dur au transport fluvial. 

Au quai principal de la rive droite de Niamey, arrivent, chaque jour, des marchandises comme les courges et céréales en provenance du Nigeria et du Bénin. Avec la baisse du niveau des eaux du fleuve, l’acheminement vers leur destination finale se fait par camion. Cela oblige les commerçants à dépenser beaucoup plus pour les frais de transport. « Si tu payes 5000 F pour transporter les marchandises par pirogue, avec le camion, il faut débourser 15000 F », déplore Sambo Daouda, piroguier depuis vingt ans.

Traversant le Niger sur 550 km environ, le fleuve arrose les régions de Tillabéry, Niamey et Dosso. Pour les populations riveraines, le transport fluvial facilite les échanges commerciaux entre les différentes localités. D’après l’édition 2021 de l’annuaire statistique des transports au Niger, 347 pirogues ont été recensées au niveau des ports fluviaux de Tillabéry et Dosso en 2019.

Comme le transporteur Daouda, Soumana Boureima voit également ses activités économiques fortement perturbées « On ne peut même plus naviguer comme on veut. Avant, on prenait des clients d’Ayorou jusqu’à Gaya en pirogue. Maintenant, c’est impossible parce que le fleuve est ensablé. Il y avait tellement d’eau que je gagnais beaucoup d’argent. Maintenant, les clients ne veulent plus naviguer parce que souvent, on cogne les rochers », a-t-il indiqué. « Là où il n’y avait pas de roches, on en trouve aujourd’hui. Il en est de même pour les herbes. Des endroits qui étaient profonds auparavant, sont maintenant envahis par le sable », ajoute le piroguier Daouda.

« Si l’ensablement continue, le fleuve risque de disparaitre »

Un phénomène qui menace non seulement la navigation sur le fleuve mais tout l’écosystème, ce qui inquiète Dari Hamani, Coordonnateur de l’ONG Agir pour un environnement et un développement durable (AEDD). « Si l’ensablement continue, le fleuve risque de disparaitre. Cela va engendrer la sécheresse, la famine. Ça va aussi jouer sur la vie socio-économique des riverains. C’est pourquoi nous les appelons à ne pas poser des actes qui vont à l’encontre de la vie du fleuve », a-t-il affirmé.

Cette baisse du niveau d’eau dans le fleuve est due à plusieurs facteurs, notamment la dégradation des terres, selon Seyni Saïdou, Coordonnateur régional du Programme intégré de développement et d’adaptation au changement climatique dans le bassin du Niger. « La couverture végétale qui était là avant, a complètement disparu. Donc, le sol est exposé au phénomène d’érosion hydrique et éolienne. Les grains de sable qui se détachent avec l’exacerbation de la chaleur et aussi, avec les précipitations intemporelles et parfois incontrôlées, sont drainés vers le fleuve Niger et ses affluents parce que le sol est exposé. Lorsque c’est le cas, l’effet de goutte de pluie détache le sol. Ce qui fait que l’eau s’accumule et commence à ruisseler vers les zones les plus basses et transporte les éléments solides dont le sable », a-t-il expliqué.

S’adapter

Afin de limiter les dégâts, le Coordonnateur de l’ONG AEDD encourage le reboisement autour des berges afin de lutter contre l’érosion des sols. « Aussi, nous sensibilisons les chauffeurs de camion benne à extraire le sable dans le fleuve », a-t-il ajouté.

Du côté de l’Autorité du bassin du Niger (ABN), l’adaptation et la construction d‘ouvrages hydrauliques sont entre autres solutions évoquées. « Tous les ouvrages qu’il faut faire pour permettre au fleuve d’avoir de l’eau ont été identifiés. Il s’agit des barrages de Fomi en Guinée, Taoussa au Mali et Kandadji au Niger. Si ces trois barrages sont construits, ils permettront de retenir une quantité d’eau très importante pour améliorer les débits hydrologique et écologique », souligne M. Saïdou.

Et de poursuivre : « Nous perdons à peu près 160 milliards de mètres cubes d’eau qui vont dans la mer. Si nous retenons environ 30% de cette quantité d’eau avec les trois barrages et les petits ouvrages connexes, nous pouvons, au moment de la période de soudure qui va de mars à juin, faire des lâchers au niveau de ces barrages pour pouvoir maintenir une certaine lame d’eau. Cela va permettre la navigation à tout moment, le développement des cultures irriguées autour du fleuve, l’amélioration de la production de poissons, la végétation pour les animaux domestiques et sauvages.»

Selon l’ABN, la réalisation de ces ouvrages permettra de faire face également aux inondations, car une bonne quantité d’eau pourra être retenue dans lesdits barrages.

Omar H. Saley, Mody Adama Kamissoko

*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.