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Ousmane Ongoïba, volontaire pour la paix au centre du Mali : «Tout ce que nous souhaitons, c’est de trouver un terrain d’entente»

Depuis 2018, Ousmane Ongoïba, maître coranique à Sévaré, est impliqué dans la recherche de solutions à la crise qui touche le centre du Mali notamment, la région de Mopti. A travers un entretien téléphonique, il explique à Sahelien.com, sa mission de médiation pour le retour de la paix dans sa localité.

Sahelien.comTrois ans après le début des violences dans le centre du Mali, vous avez entrepris des initiatives de dialogue. De quoi s’agit-il exactement ?

Ousmane OngoïbaNous avons commencé les travaux depuis 2018. Le processus de dialogue était en cours, et c’est en 2019 que cela a pu aboutir. Ces pourparlers avaient pour but d’expliquer aux gens que la tournure que prenait cette situation d’insécurité dont on ne connait la provenance, et la manière dont certains l’ont perçue, si aucune solution n’est trouvée, ce sera compliqué, parce que pour certains, c’est un conflit inter-ethnique. A mon avis, ce n’est pas une guerre inter-ethnique. Si c’en était une, cela devrait se limiter entre certaines ethnies. Mais nous voyons que la situation s’est étendue hors de nos frontières, dans des pays voisins où il y a différentes ethnies.

Quelle a été la suite du processus ?

Nous avons décidé de balayer cette hypothèse de guerre inter-ethnique pour voir ce qui ne va au pas au niveau des deux communautés et ce qui peut être fait pour mettre fin au conflit. Au cours des discussions, nous avons demandé l’avis de tout un chacun. C’est après cela que nous avons entamé les démarches. Généralement, vous trouverez lors des conflits, beaucoup de dégâts causés, mais en réalité, la problématique qui se pose autour est juste infime. Nous avons fait beaucoup d’allers-retours et nous avons rencontré quelques difficultés. Dans notre pays, les personnes avec de bonnes intentions, voulant faire du bien, rencontrent souvent des difficultés parce que beaucoup te jugent. Mais Dieu merci, ceux qui nous ont compris et nous ont rejoints, sont des gens sages avec un esprit posé. C’est ce qui nous a poussé à continuer avec les démarches jusqu’au jour des pourparlers. Vous savez, dans une guerre, il y a certaines personnes qui ne pardonnent pas assez rapidement mais d’autres comprennent plus vite. Maintenant, ceux qui ont adhéré et nous qui étions en avant pour les démarches sommes mis d’accord sur un même point. Depuis ce jour, jusqu’à aujourd’hui, nous remercions le tout puissant parce que nous sommes tranquilles dans notre localité. Les marchés se tiennent comme d’habitude et sont fréquentés par toutes les ethnies. Jusqu’à présent, la guerre n’est pas finie, mais il faudrait que le marché soit rouvert pour que les gens puissent avoir des bénéfices et gagner convenablement leurs vies. On a discuté de cela et Dieu merci, les autorités ont compris. Depuis ce jour-là, de Hombori jusqu’au Burkina, les gens vaquent librement à leurs occupations de jour comme de nuit. Les autorités ne nous causent plus de problèmes et les gens de la forêt non plus.

Qu’en est-il des autres secteurs d’activités?

J’ai évoqué le problème du marché, mais il n’y a pas que ça. Ceux qui sont dans la forêt, les éleveurs, les cultivateurs, tout le monde gagne sa part aujourd’hui. Les éleveurs peuvent se promener partout avec leurs animaux comme ils le souhaitent et les cultivateurs pareillement.

Comment cette mission est-elle perçue par vos interlocuteurs ?

De leur côté, ils ont apprécié l’initiative. Si vous regardez de plus près, même s’il y a des gens d’autres horizons, les nôtres sont les plus nombreux et c’est ce qui nous rend la tâche difficile. Nous sommes liés par le même sang et voir aujourd’hui que nous sommes divisés à cause d’un conflit, cela n’est pas une bonne chose. Tout ce que nous souhaitons, c’est de trouver un terrain d’entente, une solution le plus rapidement possible. C’est après l’échec que vient la guerre, sinon la « charia » qu’ils prétendent défendre est de l’islam. Cela était là, il y a bien des décennies. A mon avis, ce n’était pas la peine de verser du sang, il fallait juste qu’on se comprenne un tout petit peu et que chacun vaque à ses occupations.

Votre initiative est-elle volontaire ou émane-t-elle des autorités ?

C’est nous qui avions commencé le processus. Mais nous avons aussi demandé l’avis des autorités sur comment y procéder. Ils nous ont fait savoir que dans ce conflit, si un civil peut aider à trouver une solution à l’amiable et permettre aux gens de vaquer librement à ses occupations, qu’il le fasse. Après, nous avons impliqué les autorités de notre zone. Et c’est comme ça que tout a commencé. Dieu merci, aujourd’hui, cela a pris fin avec les signatures de tous ceux qui étaient impliqués. Rien ne s’est passé en leur absence.

Que dit son l’accord ?

L’accord demande tout simplement de respecter nos limites et nous ne vous ferons aucun mal et vice versa. Votre forêt, vos biens matériels et tout ce qui vous concerne, ne nous concerne plus. Nous allons vous demander de ne pas nous attaquer lorsque vous nous verrez sur les routes ou n’importe où. Souvent, lorsqu’on se promène, on peut se croiser partout, ce qui est bien normal dans une communauté. Ils nous voient, nous les voyons aussi. Ne nous attaquez pas et nous n’allons pas non plus vous attaquer, c’est cela le vrai accord.

Sahelien.com