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Sécheresse : à Soumpi, éleveurs et agriculteurs s’inquiètent de la raréfaction des ressources

Située à 40 kilomètres de Niafunké, la commune de Soumpi est l’une des destinations des éleveurs transhumants de la région de Tombouctou. Mais la pression qui s’accroit sur les ressources naturelles et les variations climatiques affectent durement les activités des éleveurs et agriculteurs.

En quête de pâturages, Mohamed Aly Ag Mohamed, éleveur originaire de Razelma, a parcouru plus d’une centaine de kilomètres avec son troupeau pour aller à Soumpi, dans le cercle de Niafunké (région de Tombouctou). « C’est la galère, le manque d’eau et de pâturages qui nous ont chassés d’où nous venons. C’est la seule raison de notre déplacement jusqu’ici », affirme-t-il.

Depuis plusieurs années, leur quotidien devient de plus en plus difficile en raison de la raréfaction des ressources naturelles. « Là où nous sommes aujourd’hui, il y a des éleveurs venus de divers horizons. Dans quelques jours, si la situation ne change pas, il n’y aura plus rien du tout. Même les petits marigots qu’il y avait commencent déjà à tarir et pour les pâturages, n’en parlons pas. Nous ne savons où aller après », ajoute-t-il l’air désespéré.

Comme Mohamed, des éleveurs ont quitté Gargando, Goundam, Diré, des localités situées respectivement à 80, 120 et 150 kilomètres de Soumpi. « D’autres éleveurs continuent d’arriver et nous ne savons même pas d’où ils viennent », indique Hamali Ag Azima, éleveur à Soumpi.

Et de poursuivre : « Cette année, vu la situation, on ne sait pas encore ce que l’avenir nous réserve. Déjà, on subit la cherté des vivres et aussi, on est obligés de payer l’aliment pour bétail à cause de la sécheresse. Il faut les payer pour tous les animaux : vaches, dromadaires, moutons, chèvres. Le sac coûte 18 000 F CFA en plus du transport du marché au campement.»

Très souvent, ces éleveurs assistent impuissants à la perte de leurs animaux, faute d’herbe et d’eau. « Tu ne peux pas lever les yeux ici sans observer des animaux qui ne font que mourir par milliers jour et nuit. Après, nous n’aurons d’autres choix que de fendre du bois et les vendre au marché de Soumpi, Léré ou Dari pour nous nourrir. Nous ne pouvons pas faire du commerce ou autre chose. Nous avons toujours été éleveurs, c’est tout ce que nous savons faire. Nous ne faisons que vendre le reste de nos vaches et moutons pour faire nos provisions (céréales, sucre, thé…). Jusqu’au dernier animal, on cherchera autre chose. Même si l’animal ne vaut qu’un sac de céréales ou de sucre, on va le vendre car les animaux n’ont plus de valeur. (…) Même les propriétaires des animaux ne veulent plus d’eux. Si tu conduis un au marché, il tombe ou meure avant d’arriver. S’il a pu arriver, personne n’en voudrait au marché », témoigne Hamali Ag Azima.

A Soumpi, en plus de l’élevage, le commerce, la pêche et l’agriculture restent les principales activités des habitants. Comme les éleveurs, la survie des paysans est menacée par les variations climatiques. Les sols se dégradent, ce qui affecte la productivité. « C’est en 1996 que nous avons commencé par cultiver mais on a des difficultés chez nous. Malgré tous nos efforts, on ne tire aucun profit de nos champs. On a faim aujourd’hui et des gens submergés par la faim ne peuvent pas travailler »,  déplore Aybobo Ag Doma, cultivateur.

Incertitude

Dans la zone, la pression qui s’accroit sur les ressources inquiète les populations. « Concernant les animaux, on a de très grandes inquiétudes cette année parce que nous n’avons déjà pas assez de pâturages. A cela, s’ajoute la migration d’autres campements bergers venant de tous les coins comme les cercles de Niafunké, Diré, Goundam puis des communes de Soumboundou, Djenké, Léré et une minorité venant de Youwarou. C’est le peu de pâturage qu’il y a dans la commune de Soumpi dont je suis certain que si les pluies s’attardent, il n’y aurait plus de moyens de survie pour tous », explique Alkassim Ag Ahmed, 1er adjoint au maire de Soumpi. Et de préciser que la commune n’a que « deux petits châteaux limités aussi par le faible débit des forages qui sont déjà insuffisants pour les autochtones et pour les arrivants. »

Concernant les cultures, « la situation est très chaotique », souligne l’adjoint au maire. « L’année dernière, il y a eu peu de récoltes d’où la cherté des céréales. Cette année, seront-ils en capacité même de semer vu la cherté du gasoil et de l’engrais ? », s’est-il interrogé.

« Tous ensemble pour vaincre la sécheresse »

Selon la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), « la fréquence et la gravité des sécheresses augmentent de 29 % depuis 2000 et touchent environ 55 millions de personnes chaque année, selon le dernier rapport Drought in Numbers” (la sécheresse en chiffres) de la CNULCD. D’ici 2050, les zones arides pourraient couvrir entre 50 et 60 % de l’ensemble des terres, et les trois quarts de la population mondiale vivraient dans ces régions dans des conditions de grave pénurie d’eau. »

« Tous ensemble pour vaincre la sécheresse », c’est le thème de la Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse, ce 17 juin 2022. Elle vise à sensibiliser le public aux efforts internationaux de lutte contre la désertification. Cette année, le thème « met un accent particulier sur les actions à prendre en amont pour éviter des conséquences désastreuses de la sécheresse pour l’humanité et les écosystèmes planétaires », selon l’ONU.

A Soumpi, au nord du Mali, malgré les difficultés, les éleveurs venus de divers horizons arrivent à partager ce qui reste des pâturages pendant cette saison de soudure évitant ainsi les conflits.

Walid Ag Minani, Mody Kamissoko, Augustin K. Fodou

*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.

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