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Tillabéri: « Si l’Etat décide de nous ramener au village, on n’a pas le choix » (Déplacés internes)

Dans la ville de Tillabéry, au sud-ouest du Niger, les déplacés sont partagés entre espoir et inquiétude depuis le début, en juin dernier, de l’opération de retour volontaire des déplacés internes des régions de Diffa, Tahoua et Tillabéri.

Sur le site des déplacés au stade municipal de Tillabéri, Adamou Foga, imam d’un village situé dans le département de Banibangou, souhaite une présence permanente des forces de défense et de sécurité dans les localités sous contrôle des groupes armés terroristes. « Notre village se trouve à 10 kilomètres de Tilwa. Parfois à 5 kilomètres du village, ils (les terroristes, ndlr) tuent les villageois et l’armée ne part pas. Si on doit retourner au village sans l’armée, en une seule journée, ils vont tous nous assassiner. Depuis que nous sommes dans ce camp de déplacés, on a appris que les terroristes demandent les noms de ceux qui sont partis. Dans ces conditions-là, comment peut-on rentrer chez nous ? On sait très bien que bien qu’ils peuvent nous tuer, mais quand c’est le gouvernement qui décide de nous ramener au village, on n’a pas le choix », dit-il, l’air désespéré.

Après avoir fui son village à Tilwa avec ses quatre enfants et petit-fils, Ganbi Zabnou pense régulièrement à retourner chez elle mais certaines conditions ne sont pas encore réunies. « Nous voulons tous rentrer à la maison si l’Etat prend l’engagement de nous assurer un minimum d’environnement paisible comme dormir et se réveiller en paix. Si nous avons cette assurance, nous préférerons chez nous qu’ailleurs », a-t-elle indiqué. Et d’ajouter: « nous souhaitons aussi que l’axe routier de notre village soit réhabilité. Il n’y a pas de réseau téléphonique ni eau potable au village. Au niveau de notre centre de santé, il n’y a pas assez de médicaments ni même une ambulance. Pour évacuer les malades jusqu’à Ouallam, il faut une charrette et les gens ont peur de croiser les terroristes. »

« Ils ont perdu leurs biens. Ils n’ont présentement rien dans les villages. Est-ce que l’Etat va prendre tous ces problèmes en considération ? On le souhaite quand même parce que les gens ont besoin d’un grand accompagnement », plaide Kalidou Hamadou, maire de la commune rurale de Tondikiwindi.

Une promesse tenue ?

Le retour des déplacées internes dans leurs différentes localités était une promesse du président de la République pendant la campagne présidentielle. « A l’occasion de la campagne électorale, cette population a demandé au président de la République Bazoum Mohamed, une fois élu, de tout faire pour créer les conditions de retour à  leur base afin de vaquer à leurs activités que sont l’agriculture et l’élevage », rappelle le Magagi Laouan, ministre de l’Action humanitaire et de la gestion des catastrophes.

Selon le ministre, il y a « environ 350.000 déplacés dont l’écrasante majorité se trouve dans la région de Diffa où plus de 300 villages se sont déplacées suite à des exactions de la secte Boko Haram en 2015. » Et de poursuivre : « ces populations, après avoir fait six ans dans des centaines de sites spontanés, sans faire d’activités qui puissent leur permettre de générer de quoi faire vivre leur famille étaient très fatiguées. Elles voulaient retourner au bord de la Komadougou, dans les lits du Lac Tchad pour faire leur activités génératrices de revenu que sont la pêche, la culture du poivron, du maïs et du riz.  Malheureusement, la présence de Boko Haram a fait en sorte que ce n’était pas possible pour elles de pouvoir retourner. »

Avant leur retour, plusieurs mesures ont été prises pour sécuriser les zones et permettre aux populations de vaquer à leurs occupations, souligne M. Magagi. « Il n’y a pas de retour volontaire sans sécurité. (…) Si des gens quittent leurs villages depuis 5 ou 6 ans, imaginez ce qu’est devenue l’école, le puits, le centre de santé intégré ? Même les aménagements hydro agricoles où ils cultivent, les différents canaux ont complètement cédé après six ans sans travail. Il fallait réhabiliter l’essentiel. Le premier village qui est retourné est Baroua où plus de 5000 personnes qui y sont retournées. Par la suite, une vingtaine d’autres villages leur ont emboîté le pas. Mieux, beaucoup de population de ces villages qui n’ont pas voulu partir dans un premier temps sont partis à leurs propres frais, tellement que la situation est revenue calme et normale.»

Si Maikoul Zodi, acteur de la société civile et coordinateur du mouvement « Tournons la page » salue l’initiative, il estime, par ailleurs, que toutes les conditions ne sont pas réunies pour le retour des déplacés dans leurs localités. Selon lui, les autorités doivent « prendre des dispositions pour que ces paisibles citoyens puissent retourner dans leur village, dans leur champs dans les conditions sécuritaires acceptables. Il y a le cas de Anzourou où le gouvernement avait annoncé en grande pompe  qu’ils seront accompagnés par les militaires mais malheureusement, nous avons constaté que plusieurs d’entre eux sont tombés dans leur village parce qu’ils ont subi des attaques des terroristes. Je pense que cet engagement n’a pas été respecté, ils n’ont pas été sécurisés dans leur village. Après enquête, nous avons constaté que le gouvernement les avait sommés de quitter le stade régional de Tillabéry qu’ils occupaient provisoirement à l’époque pour retourner dans leur village, mais aucune condition n’a été réunie. Il y a une crise de confiance entre le gouvernement, les militaires et ces populations. Chaque fois, il n’y a que des promesses, chaque fois, il n’y a eu que des discours mais dans la pratique rien n’est fait », a-t-il regretté.

L’opération de retour volontaire des déplacés internes se poursuivra jusqu’en décembre selon les autorités. « Nous sommes en train d’élaborer, d’ici décembre, un document de retour pour la deuxième vague de ceux qui vont retourner parce qu’ils sont plus nombreux. Sur les 350.000, environ 35000 sont retournés », précise le ministre de de l’Action humanitaire et de la gestion des catastrophes.

Omar H. Saley, Mody Kamissoko, Augustin K. Fodou

*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.

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