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Tombouctou en perte de ses instrumentistes traditionnels

La région de Tombouctou possède des potentialités culturelles opulentes singulièrement à travers ses réjouissances populaires sous le rythme alléchant des instruments musicaux traditionnels. Aujourd’hui, le constat est déplorable : les musiciens traditionnels se font de plus en plus rares, l’absence de plusieurs instruments musicaux traditionnels lors des grandes retrouvailles comme les semaines artistiques et culturelles, la déconsidération d’une jeunesse en perte de repère. La semaine régionale, artistique et culturelle tenue à Tombouctou, en septembre 2017, en est une parfaite illustration.

Le rendez-vous de la revalorisation du patrimoine culturel

La Cité des 333 saints, Tombouctou, a abrité du 24 au 29 septembre 2016, la phase régionale de l’Edition spéciale de la Biennale artistique et culturelle. Elle a regroupé les troupes de cinq (5) cercles de la région à savoir Rharous, Goundam, Diré, Niafunké et Tombouctou qui se sont dit «au revoir»  le vendredi, 30 juillet 2010 (ndlr) lors de la cinquième édition de la semaine artistique et culturelle à Niafunké et se sont retrouvées à Tombouctou après six (6) ans de rupture dues à la crise politico-sécuritaire qu’a connue notre pays. Cela n’a guère émoussé leur volonté de renouer avec ce rendez-vous culturel dans une atmosphère conviviale, fraternelle et harmonieuse.

Durant cinq jours de spectacles nocturnes à l’ex-Centre de documentation et de recherche Ahmed-Baba (CEDRAB), les troupes artistiques et culturelles respectives de Goundam, Diré, Niafunké, Tombouctou et Rharous, ont ému les spectateurs à travers chœur, chant solo, danse traditionnelle, ensemble instrumental et pièce théâtrale. Elles ont chanté et dansé. Chanté et dansé pour plaider le retour définitif de la paix très chère à notre patrie avec comme slogan «la paix, d’accord mais vérité et justice d’abord.» Sous les couleurs tricolores (vert, or et rouge) du Mali, encadrées du blanc-noir, avec les mélodies des instruments musicaux traditionnels, elles ont exprimé leur cri de cœur face à l’insécurité notoire sévissant dans notre pays.

Les troupes ont également déploré l’immigration des jeunes et appelé à l’unité, à la solidarité, à la réconciliation nationale et l’esprit de civisme. Selon le gouverneur de la région d’alors M. Adama Kansaye, la fête aura été belle. «Les jeunes ont rivalisé d’ardeur et de génie. Ils ont chanté leur espoir et leurs préoccupations. Ils ont magnifié les gloires historiques de la nation ainsi que nos valeurs traditionnelles. Par leur tam-tam, flûte et leur guitare, ils nous ont bercés avec l’air du terroir tout en exprimant leur préoccupation», s’est-il réjoui.

«Les troupes ont produit des spectacles extraordinaires auxquels je ne m’attendais pas malgré le contexte d’insécurité et du manque de moyen et temps nécessaire de répétition. Elles sont vraiment à saluer et féliciter», a ajouté le directeur régional de la culture M. Boubacar Diallo.  Au-delà de son pan artistique, cette phase préparatoire de la Biennale, aura été un facteur d’abord de retrouvaille, celui pour les jeunes d’assouvir leur nostalgie, et aussi et surtout de cohésion sociale sinon un véritable créneau d’eucharistie et d’assortiment, le rancard de la revalorisation du patrimoine culturel.

En perte d’instrumentiste traditionnel

Malgré ce pari gagné, une épine demeure dans le pied de la région de Tombouctou avec la perte de ses instrumentistes traditionnels. Pour l’ancien directeur régional de la jeunesse, des sports, des arts et de la culture M. Bocar Mahalmadane Touré, Tombouctou est en manque criard d’instrumentistes traditionnels car la vieille garde s’est en allée et la relève n’est pas assurée à cause de la déconsidération des jeunes à leurs patrimoines culturels. Boubacar Diallo est l’actuel directeur régional de la culture de Tombouctou. Pour lui, les semaines locales, régionales et les biennales constituent une opportunité pour la jeunesse de s’approprier des instruments musicaux traditionnels auprès de la vieille garde.

«Un des objectifs du ministère de la culture, c’est bien la reprise de ces activités culturelles pour permettre aux artistes de persévérer à œuvrer dans le sens d’un renouveau autrement dit revaloriser les instruments musicaux traditionnels que nous avons à travers les semaines régionales et biennales afin que les jeunes qui sont là, auprès de la vieille garde, puissent s’approprier des instruments et apprendre à les manier. Cela créera un engouement pour eux de jouer pleinement leur rôle dans le cadre des semaines artistiques et culturelles, et également la biennale», a affirmé M. Diallo.

A reconnaître que beaucoup d’instrumentistes se sacrifient patriotiquement pour accompagner leurs régions respectives. Hormis cette semaine de retrouvailles culturelles et après un tour dans les cercles respectifs de la dite région, on constate qu’il y a de moins en moins d’instrumentistes traditionnels encore en vie et l’attitude d’une jeunesse en perte de repères. Rares sont les contrées qui manifestent la danse des possédées, le Takanba, le Hala, le Jaba, le Hoguérè, et tant d’autres. Les cinq cercles de la région de Tombouctou ne disposent pas de musée dédié à la conservation des instruments musicaux. En revanche, certaines familles traditionnelles tentent de sauvegarder quelque part cet héritage. La balle est donc dans le camp des acteurs culturels qui sont interpellés de trouver des solutions idoines à cette situation.

Almoudou M. Bangou