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Transhumance dans le Méma: en l’absence de l’Etat, les communautés s’organisent pour régler les conflits

Au croisement des régions de Ségou, Mopti, Tombouctou au Mali et jusqu’à la frontière mauritanienne, se situe le Méma, un carrefour de transhumance qui accueille chaque année, des centaines d’éleveurs au début de l’hivernage. Durant ces rencontres, naissent parfois des tensions autour des ressources.

Tous les ans, dans le delta central (zone inondée), entre juin et juillet, les communautés d’éleveurs peulh quittent le Macina pour aller vers les zones exondées notamment le Karéri habité en majorité par des communautés bambaras (agriculteurs), vers le Méma habité par les communautés touarègues (éleveurs sédentaires et nomades) et Nampalari habité par les communautés peulh (éleveurs semi-sédentaires et agriculteurs).

Les relations intra et intercommunautaires dans le Centre du Mali, outre les conflits fonciers et autres liés à l’agropastoral, ont connu plusieurs développements depuis l’éclatement de la crise de 2012. Les dissensions autour du foncier sont aggravées par des faits climatiques, l’absence de l’administration, des forces armées régulières ou leur présence limitée mais aussi par la présence djihadiste. Cette situation a créé la concurrence et des rivalités entre les communautés autour des ressources. Ces rivalités sont accentuées d’une zone à l’autre selon la proximité des groupes avec les forces présentes.

A Tabakat, une localité située au sud de N’ya dans le Méma, Fago Yattara, agriculteur, plaide pour « un consensus avec les éleveurs afin d’empêcher les troupeaux d’envahir les champs. » « Les troupeaux ont délaissé leur trajet habituel, en quittant Macina, passant par Nampala et continuent jusqu’à Fassala (Mauritanie) et passent par notre village. Lors de la transhumance, nous nous retrouvons sur leur trajet. Nous arrivons à empêcher certains animaux de piller les champs, d’autres passent inaperçus. Après l’hivernage, à leur retour, les animaux pillent les champs. Lorsque nous nous plaignons auprès des éleveurs, certains le reconnaissent et s’en excusent », indique-t-il.

Manque d’infrastructures

Selon l’éleveur Albarka Ag Mokha, l’aménagement de l’espace pastoral et l’amélioration des infrastructures font défaut. Ce qui ne facilite pas leur activité. « A l’époque de Moussa Traoré (ancien président du Mali, ndlr) des retenues d’eau aménagées permettaient aux troupeaux de rester dans la zone. Ces espaces n’existent plus de nos jours à cause de l’ensablement », regrette-il.

La saison des pluies est donc le moment propice pour abreuver les troupeaux en transhumance, « Mais après, il n’y a pas suffisamment de points d’eau pour tous les troupeaux. Certains partent et d’autres restent, même les troupeaux qui restent n’ont pas assez d’eau. Les puits ne suffisent pas pour pallier le manque d’eau. Ils ne supportent pas les besoins en eau de tous les troupeaux. C’est ce qui crée des difficultés », ajoute Albarka Ag Mokha.

Durant la période où les transhumants des différentes régions du Mali et de la frontière mauritanienne comme Fassala et Bassikounouse rencontrent, « il y a souvent du désordre qui se crée. Il y a des transhumants qui se retrouvent ensemble, il y en a qui sont fixes. Ceux-ci sont quelques fois dérangés par les transhumants parce qu’ils passent à l’intérieur de leur troupeau ou étable et ça créé des tensions parfois », indique Mahmad Ag Mohamed Ali, chef du village de N’ya.

Des initiatives de résolution des conflits

En cas de problème, ce sont les notabilités qui interviennent pour apaiser les tensions. « Concernant les malentendus, il y a toujours les sages comme les religieux, les chefs de fraction, les chefs de villages, des conseillers qui se retrouvent pour aider à apaiser la tension entre les communautés, mettre les gens ensemble et discuter à propos de l’accès au pâturage, au point d’eau et au passage » souligne Mahmad Ag Mohamed Ali.

Et d’ajouter que lorsque « les problèmes sont réglés en l’absence de l’Etat, c’est réglé pour de bon mais si c’est réglé avec l’Etat ou la justice, c’est un problème qui va se répéter parce que c’est mal réglé par la personne qui a plus de moyens financiers, c’est lui qui est le gagnant. Alors qu’une fois que les problèmes sont réglés entre eux-mêmes, c’est des familles qui vont s’engager devant les sages, les chefs, leurs cousins.»

Les médiateurs communautaires interviennent également dans l’identification et la recherche des troupeaux égarés ou volés. « La première tâche du réseau est de récolter toutes les marques des animaux de tous les transhumants qui sont concernés, peulh, tamasheq. Quand on ne trouve pas un troupeau de telle marque qui est égaré ou volé, immédiatement, le réseau de la zone appelle le relais concerné. Il y a quelqu’un qui est spécialisé dans les marques des animaux. Soit un Touareg avec des marques des Touaregs, ou un Arabe avec les marques des arabes ou un Peulh avec leurs marques. On l’appelle pour dire que telle marque de tel troupeau a été localisé à tel endroit. Une fois informé, il va toucher le propriétaire des marques et ce dernier va alerter le système et immédiatement, les animaux sont retrouvés et récupérer. Plusieurs fois, des troupeaux ont été retrouvés comme ça. Tout dernièrement, 315 moutons perdus au nord de Goundam ont été retrouvés à côté de Bassikounou », explique le chef du village de N’ya.

Si dans la zone du Méma, les différents acteurs sont toujours en alerte pour intervenir en cas de problème, ce n’est pas le cas pour d’autres points de rencontre où les relations intra et intercommunautaires se sont détériorées depuis l’éclatement de la crise en 2012 au Mali.

Sahelien.com

*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.

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