FR | EN

Français | English

jeudi, 21 novembre, 2024

|

22.2 C
Bamako
26.1 C
Niamey
25.2 C
Ouagadougou

|

21:48

GMT

Transition au Mali : les inconditionnels et les autres

Malgré l’engouement et le soutien ouvert manifestés aux autorités militaires maliennes par certaines franges de la population, il subsiste chez d’autres le doute, voire le scepticisme quant à la capacité des militaires à gérer le pays. Argument de ces derniers : la situation du pays ne s’améliore pas.

Résident à Bamako, Fousseyni Doucouré est un fervent défenseur des autorités en place. Il estime que leur arrivée était plus qu’une nécessité. « Les militaires ont imposé le respect du Mali grâce à leur action à l’échelle internationale. Nous sommes des citoyens fiers partout où nous nous rendons. Tel n’était pas le cas, il y a cinq ans », soutient-il.

Depuis son arrivée au pouvoir, le Colonel Assimi Goïta tient un discours de rupture dans les relations avec la communauté internationale notamment avec la France.

Le Colonel Goïta  qui promet une « refondation de l’Etat », a mis en avant dans ses éléments de langage « le respect de la souveraineté du Mali », ou « le respect des choix des partenaires et des choix stratégiques opérés ».

Sans toujours la citer nommément, ce type de discours vise surtout la France. Il trouve un écho favorable auprès d’une frange de la jeunesse malienne qui, à l’instar d’autres jeunes d’Afrique francophone, cherchent à en finir avec l’ancienne puissance coloniale accusée, à tort ou à raison, de tous les maux.

Mais la relative popularité des autorités militaires vient aussi de quelques initiatives au plan interne, comme la volonté d’en finir avec l’impunité et la corruption des élites. Un discours volontariste à souhait et qui accroche les masses.

«Aujourd’hui, beaucoup de dossiers intouchables par les civils sont ouverts par les militaires », affirme Abdoulaye Maïga, cet autre habitant de la capitale faisant référence aux différents dossiers judiciaires ouverts par les nouvelles autorités de Bamako.

A titre d’exemple, l’ancien député Karim Keïta, fils de l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta, fait depuis juillet 2021 l’objet d’un mandat d’arrêt international dans le cadre d’une enquête sur la disparition d’un journaliste en 2016. Inimaginable du temps de son père ; malgré nombre d’affaires pas nettes dans lesquelles son nom avait été cité.

Il n’est pas seul dans son cas : trois anciens ministres sont également visés par un mandat d’arrêt international pour « crime de faux, usage de faux et atteinte aux biens publics » dans une affaire d’achats d’équipements militaires remontant à 2015.

M. Maïga n’en doute pas. Pour lui, « il faut continuer avec les régimes militaires parce que les politiques ont failli à leur mission. » L’attrait qu’exerce le pouvoir des militaires est tel que des jeunes ont mis en place des organisations de soutien aux putschistes. 

« L’arrivée des militaires était la solution », avait soutenu Mahamad Oumar Dembélé, porte-parole du Collectif pour la défense des militaires au pouvoir au Mali, lors d’un débat public en ligne, le Forum Ouestaf, organisé le 30 novembre 2022 par Ouestaf News sur le thème : « les militaires au pouvoir : le salut ou le chaos ? ».

Selon M. Dembélé, l’irruption des militaires se justifie, car « face à l’absence d’institutions fortes, ce sont les manœuvres des dirigeants, parfois démocratiquement élus, à se maintenir au pouvoir, qui créent l’instabilité et favorisent les putschs militaires ».

Cet enthousiasme n’est pas partagé par tous. Dans certains cercles et notamment dans la société civile et bien entendu dans les partis politiques, on s’inquiète de l’arrivée et du maintien des militaires au pouvoir.

En août 2022, le Cadre d’échanges des partis et regroupements politiques pour une transition réussie estimait qu’« en deux ans de transition, le constat est triste, le bilan est catastrophique et la situation est inquiétante ». 

Par ailleurs, les militaires au pouvoir acceptent peu les critiques et les points de vue divergents sur la conduite de la transition. Que ce soit de la part des acteurs politiques ou des médias.

Oumar Mariko, président du parti Sadi (opposition), est ainsi poursuivi avec deux co-accusés pour des « injures proférées » à l’encontre du Premier ministre de transition, Choguel K. Maïga, dans un message privé  via le réseau social,WhatsApp.

Recul des libertés

Au cours d’une rencontre d’échanges sur des questions d’actualité, le 24 novembre 2022, à la Maison de la presse, les représentants des organisations professionnelles de la presse ont, eux aussi, « déploré le recul de la liberté de la presse au Mali et les agressions et menaces devenues le lot quotidien des journalistes. »

Le 13 octobre, la Haute autorité de la communication (HAC) a mis en demeure la chaine d’information Joliba TV, suite à un éditorial. Selon l’instance de régulation, le texte comportait des « propos diffamatoires et des accusations infondées concernant l’instance de régulation, la Haute autorité de la communication, l’état de la liberté d’expression au Mali et les autorités de la transition ».

La chaine a été suspendue pour deux mois avant que la HAC ne ramène la sanction à un mois et procède à la levée de la mesure.

Tout ceci n’est pas pour apaiser les esprits. Et à chaque fois que Amadou Coulibaly, enseignant à la retraite parle du Mali, les souvenirs du premier coup d’Etat au Mali qui a évincé Modibo Keita (premier président du mali après l’indépendance, refont surface.

Catégorique il affirme que « les coups d’État ont fait plus de mal que de bien au Mali. Ils ont assassiné le patriotisme, les valeurs morales et culturelles. Tous les défauts sont nés au Mali après les coups d’État ». Ce n’est certainement le point de vue des masses qui depuis l’arrivée du colonel Goïta au pouvoir lui apportent un soutien sans faille. En attendant de savoir de quoi demain sera fait.

Ouestafnews (en collaboration avec Sahelien.com)