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Au Sahel, le G5 a-t-il les moyens de ses ambitions ?

Si le sommet extraordinaire des chefs d’Etat du G5 Sahel, tenu à Bamako le 2 juillet, a permis de lancer la force régionale antiterroriste, il reste l’épineuse question des moyens, qui manquent. Et qu’il va falloir chercher.

Le Sahel est aujourd’hui le souci le plus partagé. De Bamako à N’Djamena, Paris en passant par New-York où le Conseil de sécurité a avalisé, le 21 juin, le déploiement de la force du G5 Sahel pour combattre le terrorisme et les trafics dans cette région devenue une menace sécuritaire. Le dimanche 2 juillet, le sommet extraordinaire a réuni, à Bamako, les chefs d’Etat du G5 Sahel et le président français, Emmanuel Macron, en qualité d’invité d’honneur.

L’objectif du sommet de Bamako était de concrétiser l’idée, née en 2015 à N’Djamena, de la création d’une force anti-terroriste au Sahel pour lutter contre le terrorisme et les trafics. Le 21 juin,  le Conseil de sécurité a salué l’initiative mais n’a pas donné de mandat à la force, ce qui a compliqué davantage la question du financement qui était au cœur du sommet.

D’où viendront les moyens ?

Au cours d’une conférence de presse avec son homologue français, Emmanuel Macron, le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, président en exercice du G5 Sahel qui plus est, a précisé que cette force devrait coûter 423 millions d’euros. Début juin, lors de la réunion des ministres du G5 Sahel à Bamako, l’Union européenne avait décidé de soutenir la force à hauteur de 50 millions d’euros, soit 10% du budget selon certaines estimations.

Au sommet extraordinaire de Bamako, les cinq pays du G5 se sont engagés à contribuer à hauteur de 10 millions d’euros chacun. Ce qui est déjà assez pour commencer le financement de la force, selon le président Keïta, car « ceux qui sont en face [les terroristes, ndlr] n’attendent pas ». Il y a donc urgence, et les pays du G5 veulent aller vite, et même très vite.

« Pas besoin de réunir tous les financements pour commencer », a déclaré Emmanuel Macron, dont le souhait est de voir le commandement mis en place à la fin du mois prochain. La France apportera également une aide matérielle et logistique (qui coûtera 8 millions d’euros, et fournira 70 véhicules tactiques et du matériel de transmission et de protection.

A cause des incertitudes concernant le financement, le Conseil de sécurité avait exhorté les pays du G5 Sahel à organiser une conférence de donateurs, prévue pour bientôt, à en croire le président français. Paris compte sur un apport financier de l’Allemagne et d’autres pays européens ainsi que du soutien des Etats-Unis présents dans la région à travers une base militaire au Niger. De quoi rassurer Idriss Deby Itno, le président tchadien, qui avait fait part dans la presse française, la semaine dernière, de ses préoccupations quant au financement. Mais, prévient M. Macron, « les résultats doivent être au rendez-vous pour convaincre nos partenaires. »

Pour le développement au Sahel, Paris a promis une augmentation de l’aide au développement à hauteur de 200 millions d’euros sur cinq ans à travers l’AFD (Agence française de développement). Un directeur « compétent sur le Sahel » sera sommé à la tête de cette structure et sera basé à Ouagadougou.

Quelles sont les missions de la force ?

Dans le centre du Mali, le cancer djihadiste se métastase et gagne les voisins burkinabés et nigériens. La force du G5 Sahel, composée de 5 000 hommes, sera d’abord déployée dans cette zone frontalière du Liptako-Gourma (Mali, Niger, Burkina Faso), confrontée à l’émergence des groupes extrémistes violents : Katiba Macina d’Hamadoun Sangaré dit Kouffa (Mali), Ansarul Islam d’Ibrahim Malam Dicko (Burkina Faso) et le Groupe Etat islamique dans le grand Sahara d’Adnan Abou Walid Al-Saraoui (Niger). Cette région frontalière est considérée par beaucoup d’observateurs comme l’épicentre de la crise au Sahel.

En mai dernier, en visite à Bamako, six semaines après sa prise de fonction, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, avait salué cette force qui, selon lui, constitue « un progrès encourageant » dénotant de « la volonté des pays de prendre en main les défis du Sahel ». Aussi, faut-il rappeler que cette force vient s’ajouter à celles de Barkhane, qui traque les terrorisme dans le Sahel, et celles de l’ONU (Minusma). Y-a-t-il un risque de chevauchement ? « Non », avait répondu Jean-Pierre Lacroix, en indiquant qu’il suffira de bien organiser l’articulation entre les forces, « les différences dans les mandats et dans les responsabilités » étant « très claires ». Une position défendue par M. Macron, qui n’a pas manqué de réitérer l’engagement de la France à rester au Sahel pour lutter contre le terrorisme.

Mais la question des moyens, dont on pensait qu’elle serait réglée au sommet de Bamako, reste posée. Aucun des cinq pays n’ayant la capacité de supporter le coût financier de cette force qui est confrontée à d’autres problèmes liés à la formation des troupes et aux équipements, même si la France s’est engagée à faire des efforts à ce niveau.

Boubacar Sangaré