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Ecole malienne : la défaite nationale

Pour que le Mali puisse rayonner encore en Afrique de l’ouest comme jadis, le sérieux à l’école de tous est indispensable, estime Yacouba Dramé, enseignant et blogueur basé à Mopti.

Depuis plus de vingt ans, le mois d’octobre est le mois de la rentrée scolaire au Mali. Cette année, comme les années précédentes, le gouvernement est à pied d’œuvre pour renvoyer enseignants et élèves à ce qu’ils savent faire de mieux : c’est-à-dire « faire semblant d’étudier ». Le Président Keïta, comme ses prédécesseurs, avait juré de faire de l’école malienne une référence dans la sous-région, mais force est de constater qu’il est très loin de la réussite de sa promesse. Pour que l’école malienne puisse redevenir une école de qualité et se faire une place dans le classement international, il faut vite revenir aux fondamentaux, à savoir des enseignants bien formés, bien rémunérés, qui sachent bien enseigner et bien éduquer les élèves dont les parents sont engagés pour leur réussite.

Après le forum de l’éducation en 2008, on est tenté de dire la formule choc « on a tout essayé » pour exprimer notre désarroi par rapport aux résultats catastrophiques de notre système éducatif dans ces dix dernières années : plus de 60% d’échec dans les examens de sortie du cycle fondamental et secondaire. En effet, le tableau reste toujours sombre par rapport au dysfonctionnement du système éducatif malien. Les statistiques sont très décevantes depuis de nombreuses années. Selon le département de l’éducation, l’enseignement fondamental (fréquenté par les enfants de 7 à 15 ans) a un taux d’évolution de 43% et représentera d’ici 2020 le double des moyens actuellement octroyés à cet ordre d’enseignement. Seuls 54% achèvent le premier cycle et 23% abandonnent avant la classe de sixième. Les gouvernements successifs ont tous doté le secteur de l’éducation des budgets allant de 20 jusqu’à 40 % du PIB, malgré cela les résultats en termes de réussite se font toujours attendre.

Le problème qui mine le secteur de l’éducation n’est point inconnu des autorités, l’ancien Premier Ministre, Moussa Mara, lui-même ne disait-il pas dans sa déclaration de politique générale (2014) que : « s’il y a un constat partagé par tous les maliens, dans un domaine clé de la vie de la nation, c’est bien l’éducation, qui va de mal en pis ! ». L’école malienne dans sa phase actuelle, c’est une décennie de manque de courage politique, de l’inapplication des textes et du mensonge d’État au sujet du financement de l’éducation. Les dernières réformes de l’enseignement supérieur en 2011, de l’enseignement fondamental et secondaire en 2006 et 2010 vont dans le bon sens. Les recommandations du forum de 2008, si elles sont courageusement appliquées devraient contribuer au rehaussement du niveau des élèves. Hélas !

Ce n’est point le cas. Pourquoi les réformes n’impriment- elles pas de changement ? Quand on parle de l’école malienne, la première des priorités, c’est la recherche des solutions pour pallier les insuffisances, car dans ce secteur tout est insuffisant. Du gouvernement qui se décharge (des problèmes) sur les collectivités territoriales, qui, à leur tour renvoie la balle aux comités de gestion scolaire qui n’attendent même pas pour déposer sur la table des directeurs d’école. Ceux-ci aussi ont la manie de se défouler sur leurs adjoints, qui sont tellement occupés par l’augmentation de leur fiche de paye, transforment l’essai sur les bulletins de note des élèves qui, à leur tour, profitent pour faire quelques retouches pour les parents. Ce schéma peut sembler comique, mais tel présenté, il fait ressortir les problèmes de notre système éducatif.

D’abord, le recrutement dans le secteur de l’éducation était un casse-tête pour les autorités, qui étaient confrontés à l’insuffisance de ressources humaines, tant les Instituts de formation des maîtres étaient peu nombreux, mais les candidats aussi. En 2010, le lancement des concours d’entrée directe à la fonction publique des collectivités a pallié à ce problème dans le secteur public. Mais, le secteur privé reste polluer par le mauvais recrutement du personnel enseignant. L’enseignement est devenu un passe-temps favori des jeunes diplômés sans emploi, qui font la navette entre les différents cycles et ordre d’enseignement avec la bénédiction du système éducatif. Ensuite, dans beaucoup de rapport les formations reçues par les enseignants maliens sont décriées par leur insuffisance et leur inadéquation avec les missions assignées sur le terrain. La quasi absence de formation continue pour les enseignants – dix ans de service sans formation-, qui ne bénéficient que souvent des congés de formation pour changer de grade ou de corps à l’issu de leur formation. Les quelques rares formations financées des partenaires de l’école sont effectuées soit pendant l’année scolaire (pénalisant les enfants), soit sur des centres d’intérêt non enseignés en classe.

Nous avons une proposition concrète pour corriger ces insuffisances : réformer les statuts de l’École normale supérieure (ENSUP) et l’École normale de l’enseignement technique et professionnel (ENETP) pour que ces deux grandes écoles puissent adoucir leurs modalités d’accès et avoir l’ensemble des filières enseignées aux lycées pour la première et aux écoles professionnelles pour la seconde en leur sein. Une fois que cette réforme est effective, le gouvernement peut exiger dans l’ensemble des ordres d’enseignement les diplômes des écoles de formation des maîtres et des professeurs pour le recrutement des enseignants dans le secteur public comme le secteur privé. Les fautes morales du système éducatif, selon beaucoup de spécialistes du secteur, les programmes enseignés sont adéquats, et s’il est bien suivi dans les salles de classes, il contribue fortement au développement personnel des élèves.

Mais dans les années à venir, toujours dans l’esprit du forum de 2008, nous devons développer davantage l’enseignement de l’éducation civique et morale en augmentant son volume horaire dans l’enseignement fondamental et en formant des maîtres chargé d’ECM depuis les écoles de formation pour qu’elle puisse être une vraie matière à part. Cela contribuerait beaucoup plus à la formation du futur bon citoyen, ce qui manque beaucoup dans notre pays. On a voulu caricaturer l’image de notre école en l’associant plus aux cadres qui réussissent qu’aux bons citoyens qu’elle devra former. Un pan entier de notre histoire est soit méconnu ou peu enseigné à nos élèves. Il n’est pas normal que nos enfants ne connaissent plus les grands hommes qui ont fait cette patrie. Nous devons revoir le programme d’histoire en introduisant l’enseignement de l’histoire par zone pour qu’on ne puisse pas occulter au profit du programme national les histoires de nos terroirs respectifs.

La course effrénée aux diplômes a ouvert une brèche très inquiétante dans notre système éducatif, celle de l’absence d’hiérarchisation entre les diplômes. Le pays commence à avoir des bacheliers qui n’ont pas le diplôme de fin de cycle fondamental, ou encore des détenteurs de maîtrise ne possédant pas le diplôme de baccalauréat : c’est une faute morale. Pour que le Mali puisse rayonner encore en Afrique de l’ouest comme jadis, le sérieux à l’école de tous est indispensable.

Yacouba Dramé, (Juriste, enseignant et blogueur à Mopti)

Les points de vue exprimés dans l’article sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement ceux  de Sahelien.com.