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Autorités intérimaires : Saisissons l’occasion !

Depuis les premières mentions qui en ont été faites, il y a presqu’un an, jusqu’à leur mise en place dans les différentes régions du Nord du Mali, les autorités intérimaires ont fait couler beaucoup d’encres et de salives. Elles sont contestables, par les conditions non inclusives dans lesquelles elles ont été mises en place mais aussi par leur composition déséquilibrée. Elles sont sujettes à caution par les attributions excessives qui leur ont été conférées. Cela a été démontré par de nombreux analystes.

Elles sont décriées, rejetées quelquefois, et une abondante couverture par la presse en a fait de véritables illustrations de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale alors qu’elles n’en sont qu’un point accessoire et éventuel.

Les autorités intérimaires mises en place sont dotées de ressources humaines aux compétences quelquefois insuffisantes. Certains Présidents ne semblent pas être à la hauteur des enjeux, bien que les anciens responsables des conseils régionaux qu’ils ont remplacés se soient tous engagés à les aider, ce qui reste positif et encourageant.

Malgré toutes ces réserves, le dispositif des autorités intérimaires est en place. Elles sont installées et bien décidées à entrer en action. Il faut donc faire avec et, mieux, essayer d’en tirer le meilleur parti possible. Cette attitude plus productive que des discussions sur le « lait déjà versé » doit être celle des décideurs et des autres partis signataires en passant par les sociétés civiles au Nord, afin de mettre ces autorités à la tâche et les intégrer pleinement dans le processus de normalisation au Nord de notre pays.

L’initiative à conduire par l’Etat fera intervenir le Ministre de l’Administration du territoire et celui en charge des collectivités territoriales, accompagnés par leurs collègues du gouvernement, concernés par les thèmes abordés. Ces acteurs gouvernementaux seront accompagnés par les représentants de l’Etat (Gouverneur) basés dans les régions du Nord.

L’Etat utilisera un instrument, le Décret 2014 – 0644 PRM du 21 Août 2014 qui fixe les modalités d’élaboration, de mise en œuvre et de suivi évaluation de contrats plan Etat – Région- District de Bamako. Ce texte, qui devra être réaménagé, encadre le dispositif qui formalise les relations entre l’Etat et une Région en vue d’améliorer le sort des habitants qui y habitent. Ils précisent comment l’Etat central pourrait prévoir la conduite d’initiative de développement dans une région donnée et quels pourraient être les engagements à obtenir de la collectivité régionale. Nous avons la possibilité d’utiliser ce texte pour aboutir trés rapidement à la conclusion avec chacune des régions du Nord, à travers leurs autorités intérimaires, d’un véritable pacte visant à normaliser la situation en contrepartie d’engagements très précis de la part de l’Etat mais aussi des responsables de la région.

Les groupes armés se sont battus pour jouer un rôle dans la pacification et le développement de cette partie de notre pays. C’est l’occasion de les mettre à l’épreuve, en prenant à témoin l’ensemble de nos compatriotes. Ils sont représentés au sein des autorités intérimaires. Les éventuels engagements à obtenir des autorités régionales devront évidement les obliger. C’est le moins qu’on puisse attendre d’eux après s’être trés longuement battus pour faire partie de ces organisations et demander à ce qu’elles bénéficient d’attributions significatives.

Ceux parmi eux qui contesteraient les engagements pris par les autorités mettraient ainsi à nu leur mauvaise foi, de même que ceux qui se risqueraient à obstruer le processus de mise en œuvre de ces engagements. Cette éventualité devrait les inciter à coopérer et à faciliter la négociation et l’exécution des contrats plan, dont l’une des finalités sera d’aider les régions du Nord à entamer leur stabilisation.

Les contrats plan à négocier et à conclure avec les autorités intérimaires pour contribuer à pacifier le Nord de notre pays doivent comporter quelques chapitres majeurs.

Le redéploiement de l’administration au Nord du pays, en commençant par les forces de sécurité et le commandement civil ainsi que la justice, doit être l’objectif majeur de l’Etat. Sans la présence de l’Etat, il n’y a aucun espoir de normalisation. Sans la disponibilité des services sur le terrain, les autorités intérimaires elles-mêmes ne seront pas fonctionnelles. Il est de ce fait souhaitable que l’Etat et les autorités régionales s’engagent dans un calendrier de redéploiement des services publics avec un plan de sécurisation de ces derniers. Ce plan doit faire intervenir les forces armées et de sécurité mais aussi les groupes armés avant leur désarmement. Il doit de ce fait être mis en œuvre parallèlement au processus d’application de l’Accord de paix. Les autorités intérimaires doivent faciliter ce déploiement et le plan de sécurisation qui lui est lié.

La mise en œuvre diligente des prescriptions de l’Accord de paix doit également associer les autorités intérimaires. De nombreuses étapes de ce processus sont à baliser et doivent faire l’objet de chronogrammes précis d’exécution sur le terrain. Les actions de sécurité (Mécanisme Opérationnel de Coordination – MOC, patrouilles conjointes, Désarmement Démobilisation et Réinsertion – DDR…), la restructuration des forces de défense et de sécurité et le déploiement de ces forces sur l’ensemble du territoire, les actions de réinsertion des ex combattants…sont des occasions pour donner un rôle aux autorités régionales. On doit le faire de manière diligente et le formaliser dans les contrats plan.

Parallèlement au processus de paix, des initiatives vigoureuses de sécurisation des biens et des personnes, le soutien au redémarrage des activités socioéconomiques, la sécurisation de l’espace, notamment les villes, villages, voies de communication, les marchés et foires, sont à planifier et à conduire avec la forte implication des autorités régionales. Les autorités intérimaires seront bien dans leur rôle en s’attachant à la stabilisation de l’espace dont elles ont la charge de la gestion. En la matière, le développement des échanges, la restauration de la communication et du commerce, l’amélioration de l’environnement sécuritaire sont de bons gages de retour à la normalisation.

Le démarrage des services sociaux de base est un impératif pour que les populations perçoivent le retour de la paix. On ne doit pas se contenter de regretter la fermeture des écoles et des centres de santé ou encore l’absence d’eau potable, d’électricité ou encore les insuffisances des réseaux de télécommunication. Il faut agir pour les rétablir et assurer l’équité entre les Maliens en termes d’accès aux services publics. L’Etat doit garantir cela et les autorités régionales doivent s’engager à jouer un rôle dans ce domaine.

Le retour des réfugiés constitue également un des chantiers devant être inscrit dans les contrats plan car les autorités intérimaires comme les autorités nationales ont chacune des rôles à y jouer. Les concitoyens vivant dans les camps doivent percevoir des signes tangibles du retour de la paix et de la sécurité. Ils doivent faire l’objet de sensibilisation et des informations saines et objectives doivent leur être envoyées. Autant de tâches que les acteurs régionaux seraient plus efficaces à conduire que le Gouvernement. Il faut donc les inclure dans la stratégie d’encouragement du retour de nos compatriotes réfugiés.

De nombreuses actions de réconciliation nationale, prévues dans le cadre de la mise en œuvre des résolutions de la conférence d’entente nationale, en application de la future charte de réconciliation nationale ou situées au sein du processus initié par la Commission vérité justice et réconciliation, peuvent être conduites par les autorités régionales. Elles doivent pouvoir prendre toutes leurs places dans ces initiatives. Cela les crédibilisera et rendra irréversible le processus de réconciliation entre les Maliens.

La mise en œuvre des projets et programmes de développement dans le cadre de l’application de l’Accord de paix, la conduite des initiatives de l’Etat (projets de relance et de reconstruction) et celles des partenaires, notamment les projets majeurs (Route Niono – Tombouctou, Route Sevare – Gao – Kidal – Frontière algérienne, Barrage de Taoussa…) requièrent tous une implication des autorités régionales. Il faut de ce fait inclure dans les contrats plan la part de responsabilité à exercer par chaque autorité intérimaire dans sa région et les engagements de l’Etat. Ce partenariat est à instaurer pour avoir des retombées rapides et tangibles qui convaincront les populations de l’avancée du processus de paix.

La préparation des élections communales, locales, régionales et nationales figure parmi les attributions des autorités intérimaires. Il faut les traduire en plan d’actions et en tâches à mettre en œuvre rapidement pour que ces consultations puissent avoir lieu dans un délai raisonnable.

Les termes des contrats plan ainsi présentés doivent faire l’objet de discussions et négociations avec chacune des autorités intérimaires entre mai et juin 2017. Leur signature pourrait par exemple, intervenir à la fin du mois de juin 2017 pour une entrée en vigueur début juillet. Dans ce laps de temps, il convient d’installer effectivement chacune des autorités intérimaires (bureau, équipement, staff). Elles doivent bénéficier des dotations appropriées pour entamer immédiatement leur mandat. La mise en œuvre des contrats plan doit se faire dans un cadre de suivi très rapproché, avec des réunions hebdomadaires entre les Gouverneurs et les autorités intérimaires pour suivre les actions, rectifier les erreurs et rattraper les retards. Le point d’orgue sera l’organisation des élections communales, locales et régionales au Nord au plus tard en juin 2018, ce qui nous permettra d’envisager les consultations présidentielles sur l’ensemble du territoire en juillet 2018.

Il est urgent de sortir du flottement consécutif à la mise en place des autorités intérimaires, de leur donner un rôle et de mettre un contenu tangible à leur mandat si on veut qu’elles puissent remplir les espoirs placés en elles. Cela permettra de convaincre les sceptiques de leur utilité et contribuera à estomper l’image de «partage de gâteau» largement répandue chez les Maliens lors de la constitution de ces organes. L’Etat doit s’employer à ancrer les autorités intérimaires, notamment les responsables des groupes armés qui les animent, dans le giron national et dans la paix. Cela facilitera la constitution progressive d’un bloc malien face aux terroristes et aux narco trafiquants qui sabotent nos efforts d’entente. Cela permettra aussi de mieux mettre en évidence la mauvaise foi de ceux parmi les groupes armés qui sont des faux amis de la paix. C’est l’objet de ces actions de fonctionnalisation des autorités intérimaires et d’instauration de véritables partenariats entre l’Etat et elles pour stabiliser, pour sécuriser et promouvoir la prospérité des régions du Nord de notre pays.

Moussa Mara