Depuis le mois de février 2022, la route nationale 22 qui mène à Djibo, chef-lieu de la province du Soum, dans le nord du Burkina Faso, est coupée des autres villes du pays.
En raison de la présence des groupes armés terroristes dans la zone, les approvisionnements en vivres et autres produits par la route sont devenus rares. Le 5 septembre 2022, au moins 35 civils ont été tués lors de l’explosion d’un engin explosif improvisé au passage d’un convoi de ravitaillement sur l’axe Djibo-Dori au niveau du village de Mentao (région du Sahel).
Le 26 septembre, soit trois semaines après, un autre convoi de ravitaillement escorté par les forces de défense et de sécurité a été la cible d’une nouvelle attaque près de la localité de Gaskindé, à une vingtaine de kilomètres de Djibo. Un premier bilan communiqué par les autorités faisait état de 11 militaires tués, 28 blessés dont 20 militaires, une cinquantaine de civils portés disparus. Plusieurs dizaines de camions ont été brûlés avec leur contenu et d’autres pillés par les groupes armés terroristes.
Une dizaine de camions a pu rejoindre Kongoussi où les commerçants attendent toujours une escorte militaire pour continuer à Djibo. Selon un rescapé, ce jour-là, des hommes armés non identifiés avaient pris position et attendaient que le convoi marque un arrêt avant de commettre leur forfait. « Il y a avait une file de plus de deux cents camions sur une longueur d’au moins quinze kilomètres. Ceux qui étaient derrière ne savaient pas que c’était une attaque », indique-t-il.
Et d’ajouter: « nous avions cru que c’était les forces de défense et de sécurité qui faisaient des tirs de sommation. C’est quand nous avons aperçu des militaires courir que nous avons compris et chacun a pris la fuite comme il peut », ajoute-il. Actuellement, le reste du convoi est toujours à Kongoussi dans l’attente d’une solution pour aller à Djibo. Cette attaque a officiellement fait 37 victimes, dont 27 militaires, inhumés le 8 octobre.
Les habitants de Djibo sont inquiets face à la dégradation de la situation humanitaire. « Il n’y a plus rien à manger. Les populations se nourrissent des plantes comestibles et des feuilles d’arbres mais, tout est fini. Des enfants meurent de faim. Les alertes sur les médias et les réseaux sociaux n’ont rien changé », déplore un habitant qui a souhaité garder l’anonymat pour raison de sécurité. Et un autre de poursuivre : « même si tu as ton argent, il n’y a rien à acheter ». Il précise que le sac de 100 kilogrammes de mil qui coûtait 22.500 F CFA à la même période (février) en 2021 se négocie en ce moment à 150.000 F CFA.
« C’est seulement par la route que nous pouvons acheminer une grande quantité de vivres dans les zones à défi sécuritaire. Nous n’avons pas assez de moyens pour le faire par la voie aérienne. Dans ce cas de figure, il faut un maillage des zones pour permettre aux camions d’y accéder », confie une source sécuritaire sous anonymat.
Après avoir attendu plus de deux mois, un nouveau convoi de ravitaillement est arrivé à Djibo sous haute escorte militaire. Trois jours de trajet pour une distance d’environ 60 kilomètres entre Bourzanga et Djibo sur la route nationale 22, indique un commerçant qui faisait partie du convoi : « Nous avons dormi au lieu de l’attaque pour dégager la route des restes de camions brûlés. Les militaires ont détruit trois engins explosifs improvisés sur la route. Nous sommes finalement arrivés dans la ville de Djibo, le 3 novembre 2022 à 19h. C’était un ouf de soulagement pour tout le monde ».
Comme l’ex-président Damiba l’avait fait avec le régime de Rock Kabore en janvier 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a justifié son coup d’Etat (perpétré huit mois plus tard) par la recrudescence des attaques occasionnant des pertes en vies humaines aussi bien dans les rangs des militaires que chez les civils. Après son investiture et la mise en place de l’exécutif et du parlement, le capitaine Traoré a annoncé des mesures dans le cadre de la lutte contre le terrorisme comme le recrutement de cinquante mille volontaires pour la défense de la patrie. Il y a aussi l’acquisition de matériels pour l’armée.
Ces dernières semaines, la situation sécuritaire reste préoccupante dans le nord du pays. Les 12 et 13 janvier 2023, 66 femmes ont été enlevées dans la localité d’Arbinda (province du Soum) lorsqu’elles étaient parties chercher des feuilles et fruits sauvages comestibles en brousse. Elles ont été libérées une semaine plus tard par l’armée. Le 17 février, au moins 51 soldats ont été tués, lors d’une embuscade tendue par des groupes armés terroristes.
A. Koné