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Cinq jours de grève au Mali: la perte financière est estimée à plus de 30 milliards de FCFA

L’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) est en grève depuis lundi 14 décembre 2020 et jusqu’au vendredi 18 décembre. Cette grève a des conséquences démesurées sur l’économie du pays déjà fragilisée par le Covid-19 et la crise politique. Déjà, le Baromètre estime la perte financière à plus de 5 milliards par jour.

Sur les neuf points de revendication de l’UNTM, aucun n’a fait l’objet d’un accord définitif avec le gouvernement. Par conséquent, la plus importante centrale syndicale a déclenché son mot d’ordre de grève de cinq jours depuis lundi 14 décembre. Les hôpitaux, les banques, les services d’assiette de l’Etat comme les impôts et les douanes sont concernés par cet arrêt de travail qui va paralyser le pays toute la semaine. Cette deuxième grève de l’UNTM aura des conséquences démesurées sur l’économie malienne déjà impactée par le coronavirus et la crise politique.

Selon le Baromètre (instrument de veille citoyenne mis en place par les jeunes patrons d’entreprise du Mali), cette grève fera perdre à l’économie malienne plus de 30 milliards de FCFA. « Depuis la première grève de trois jours (18, 19 et 20 novembre), nous avons approché les services d’assiettes de l’Etat notamment les douanes et les impôts pour mesurer l’impact de la grève. Ils nous ont fait savoir que chaque jour de grève occasionne une perte de 5 à 10 milliards de FCFA. Sur la base de 5 milliards, cette deuxième grève fera perdre 25 milliards de FCFA aux caisses de l’Etat », a estimé Cheick Oumar Soumano, coordonnateur du Baromètre du Mali.

Menace sur la croissance économique

Cette grève se tient à moment où les perspectives économiques du Mali sont revues à la baisse par le Fonds monétaire international (FMI). De 5 % en janvier, elles étaient estimées à -1% au mois d’avril à cause de la maladie à coronavirus.

« Le choc de la Covid-19 frappe durement l’économie alors même que le pays fait déjà face à une situation sociale et sécuritaire difficile. Les perspectives économiques se sont significativement détériorées, et la croissance devrait ralentir pour se situer en dessous de 1 %, ce qui fera augmenter les taux déjà élevés de chômage et de pauvreté », a soutenu le FMI dans un communiqué, le 30 avril 2020.

Selon Dr Etienne Fakaba Sissoko, économiste chercheur et professeur d’université, la croissance économique est revue à 0,9% et c’était avant le coup d’Etat du 18 août et l’embargo de la Cédéao du 20 août au 6 octobre. Pour lui, il urge de trouver une solution à la grève de l’UNTM qui touche les services d’assiette de l’Etat et les institutions financières que sont las banques. «Nous avons moins de financement extérieur à cause de la crise sécuritaire. Des projets pour les régions du Nord et même du Centre sont aux arrêts. C’est une perte pour l’économie. A cela s’ajoute la crise sanitaire qui ralentit l’activité économique. A long terme, la grève de l’UNTM pourrait provoquer une récession économique parce que ça crée l’incertitude sur le marché et la psychose chez les entreprises et ça diminue considérablement le nombre de biens et services sur le marché alors qu’il n’y a pas de nouveaux biens et services qui rentrent. Donc ça va créer la pénurie, ce qui amène à l’augmentation des prix et pourrait être source de l’inflation», a souligné Dr Sissoko.   

En entendant les nouvelles estimations du FMI, le gouvernement du Mali maintient la croissance économique à 0,44 %. D’où l’adoption du projet portant Loi des finances 2021 par le Conseil des ministres du mercredi 16 décembre. « Les prévisions des recettes budgétaires s’élèvent à 2155 milliards 161 millions de F CFA contre 2145 milliards 627 millions de F CFA dans la loi rectificative 2020, soit une augmentation de 9 milliards 535 millions de F CFA, correspondant à un taux d’accroissement de 0,44%, imputable à la hausse prévisionnelle des recettes du budget général », peut-on lire dans le communiqué du Conseil des ministres.    

Le divorce

Les doléances de la centrale syndicale tournent autour de l’harmonisation des primes et indemnités des fonctionnaires, la révision de la grille indiciaire, l’intégration des enseignants communautaires dans la fonction publique, la relance des activités ferroviaire, etc. En conférence de presse le vendredi dernier, Yacouba Katilé, secrétaire général de l’UNTM a dénoncé « la mauvaise foi du gouvernement » à circonscrire la grève. « Notre souhait n’est pas la grève, mais c’est le gouvernement qui pousse à y aller. Quand nous avons déposé notre préavis de grève, le gouvernement a pris tout son temps avant d’ouvrir les négociations. C’est seulement à trois jours de la grève que les négociations ont commencé. Alors que généralement, les négociations font jusqu’à dix jours », a soutenu M. Kalité.

De son côté, le ministre de la Fonction publique défend que le délai d’ouverture des négociations n’est pas important. « Ce qui est important, c’est la qualité des réponses », a répondu Harouna Toureh, sur la télévision nationale, le 12 décembre. Pour le ministre Toureh, l’Etat n’a pas les moyens pour faire face aux doléances de l’UNTM. « Si le gouvernement s’engage, il pourrait honorer cet engagement et compromettrait l’avenir des autres secteurs, le secteur de l’éducation, le secteur de la santé, le secteur de la défense parce que le montant de l’UNTM est au-dessus des moyens de l’Etat. On a tenu un langage de vérité à l’UNTM avec preuve à l’appui. L’harmonisation des primes et indemnités ne serait pas possible maintenant. Par contre, nous avons proposé d’augmenter l’indice de salaire pour tous au mois de juillet 2021. L’UNTM demande de le ramener au mois de janvier. Ce qui est impossible aussi », a indiqué le ministre Toureh.

Malgré la grève en cours, la centrale maintenait le dialogue avec le gouvernement jusqu’à la déclaration du président de la transition, Ba N’Daw, face aux Maliens établis en Côte d’Ivoire, le 14 décembre. « Le Mali traverse de nombreuses difficultés, malgré tout, des gens décident d’aller en grève. Comment comprendre cela ? Il faut être inconscient pour aller en grève pendant cette période. Nous ne cèderons pas », a lancé Ba N’Daw.

Ces propos du président de la transition sont jugés menaçants et insultants par l’UNTM qui a aussitôt quitté la table de négociation. « Suite aux propos menaçants, méprisants tenus par le président de la transition à l’encontre des syndicalistes exerçant leurs droits de grève, le bureau exécutif de l’UNTM tout en condamnant avec véhémence le manque de respect, de considération a décidé de rompre toute négociation avec le gouvernement du Mali jusqu’à nouvel ordre », a informé Yacouba Katilé, dans un communiqué, le 15 décembre. 

En plus des points cités plus haut, l’UNTM exige la relance du chemin de fer, le paiement des droits des travailleurs compressés et ceux partants volontaires à la retraite. La relecture de loi portant création de l’office centrale de lutte contre l’enrichissement illicite est aussi réclamée par les travailleurs.

M. A. Diallo