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Covid-19/Mesures sociales et actions citoyennes: quel impact ?

Le nouveau coronavirus (Covid-19) soumet le Mali à une rude épreuve. Un pays déjà fragilisé par la guerre et une insécurité sans précédent. Pour faire face à cette pandémie, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures et créé un fonds spécial ouvert à toutes les bonnes volontés qui souhaitent « soutenir la lutte ».

Depuis les premiers cas de covid-19 au Mali, les autorités maliennes à l’instar de celles d’autres pays africains touchés ont annoncé d’importantes mesures pour limiter la propagation du virus et tenter de soulager les couches les plus vulnérables. Pour faire face aux besoins prioritaires, le président de la République a décidé d’allouer une enveloppe budgétaire de 6,3 milliards de Francs CFA.

Quelques semaines plus tard, lors de sa 3e adresse à la Nation sur la pandémie du Covid-19, le chef de l’Etat a annoncé certaines mesures en direction des couches les plus fragiles. Il s’agit entre autres de la « diminution pendant 3 mois, de la base taxable au cordon douanier des produits de première nécessité, notamment le riz et le lait, la distribution gratuite de cinquante-six mille tonnes de céréales et de seize mille tonnes d’aliments bétail, la prise en charge pour les mois d’avril et de mai 2020, des factures d’électricité et d’eau des catégories relevant des tranches dites sociales ». Les mesures sociales coûteront à l’Etat, près de 500 milliards F CFA « dans les hypothèses basses », a évoqué Ibrahim Boubacar Keita. Et d’ajouter qu’un fonds spécial de 100 milliards F CFA pour les familles les plus vulnérables sera mis en place, à l’échelle des 703 communes du Mali.

L’appel des autorités

Avant ces annonces, les autorités avaient sollicité l’aide du secteur privé en vue de mettre en place une coalition contre la maladie à coronavirus. Le ministre de la Santé et des Affaires sociales, Michel Sidibé, a en effet échangé avec le patronat malien, le 23 avril à Bamako. C’était deux jours avant l’apparition des premiers cas. Selon M. Sidibé, « les entreprises ont été trop souvent des partenaires inexploitées ». Et d’ajouter: « nous devons vraiment profiter de cette opportunité pour que vous puissiez nous aider. Les équipements ne sont pas là, nous n’avons pas suffisamment de masques, nous ne savons même pas exactement s’il y a une explosion, comment nous allons prendre en charge nos malades potentiels… ».

Pour permettre aux structures privées comme étatiques et aux anonymes de participer à l’élan de solidarité, un fonds spécial Covid-19 a été créé fin mars. En l’espace d’un mois et demi, plus de quatre milliards trois cent millions de francs CFA ont été récoltés. Ce n’est que le 14 mai dernier que le comité de gestion du « Fonds de concours pour la lutte contre le Covid-19 » a vu le jour. Composé de neuf (9) membres, il a pour mission de veiller à la « gestion transparente » dudit fonds.

En dehors de la mobilisation interne, plusieurs partenaires techniques et financiers se sont manifestés pour venir en aide au Mali comme la Fondation Jack Ma qui a offert des équipements, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international qui ont débloqué des fonds pour faire face à la pandémie, l’Union européenne, la France, la Chine ou encore les Emirats Arabes Unis qui ont apporté leur soutien.

Qu’en est-il sur le terrain ?

Plusieurs semaines après les différentes annonces des autorités, certains centres de santé ne disposent pas encore d’équipements élémentaires. A Kayes, première région administrative du Mali, des agents de santé avaient dénoncé le manque de moyens pour lutter contre le coronavirus. « Il n’y a aucun dispositif sanitaire en place dans l’hôpital de Kayes pour le personnel et même pour les patients. Je ne peux pas comprendre que l’Etat ne nous donne pas de matériel…» disait Guéladjo Traoré, secrétaire général de l’hôpital Fousseyni Daou de Kayes, lors d’un sit-in le 27 avril. Le lendemain, ce sont les responsables des comités syndicaux des CHU Gabriel Touré, Hôpital du Mali, de Kati et du Point G qui ont conjointement animé une conférence de presse pour « alerter sur la situation de malaise qui prévaut au sein de ces quatre structures ». Ils ont donc appelé au respect des engagements pris par les autorités. Pas plus tard que le jeudi 14 mai, les agents de santé de l’hôpital du point G étaient en sit-in pour réclamer leurs primes et indemnités.

Malgré les difficultés liées au coronavirus, les élections législatives sont maintenues. Lors du second tour, le 19 Avril, le Mali enregistrait 224 cas testés positifs au covid-19 dont 14 décès. « Ils nous ont promis avant le 2eme tour des élections législatives, 10 millions de masques réutilisables. Le jour du vote, ils nous ont amenés des masques qui ne sont pas lavables » déplore Alpha Yaya Maïga, enseignant à la retraite.

La société civile participe à la lutte

Face à la situation, les actions citoyennes aussi se multiplient surtout dans les villes touchées.« Personne ne peut faire face seule à cette pandémie. Ni le département, ni l’Etat », souligne Ilo Bella Diall, Directeur général du CHU du Point G. Depuis l’annonce des deux premiers cas, le 25 mars, le Mali a franchi la barre des 800 cas le 15 mai dernier. Selon les services de santé, sur 874 cas positifs à la date du 18 mai, il y a eu 512 guéris et 52 décès. Malgré ces chiffres alarmants, certains habitants ne croient toujours pas à la circulation de ce virus sur le territoire malien.

A travers les sensibilisations ou dons, les associations, groupements ou simples citoyens jouent également leur partition dans la lutte contre ce mal. « La maladie existe, sa propagation est très rapide. Seuls, la mobilisation et le respect des mesures barrières peuvent nous permettre de ralentir sa propagation. Chaque personne qu’on arrive à sensibiliser est un problème de moins », souligne Djimé Kanté, membre fondateur du Collectif Riposte 223 contre Covid-19. Pour lui, « certaines personnes sont allergiques à tout ce qui vient des autorités. Ceux qui nous suivent, qui nous font confiance, prennent en compte souvent les messages venant du citoyen lambda que des autorités, c’est ça un peu l’avantage des actions citoyennes

À l’image de ce collectif, au laboratoire de la faculté de médecine, des jeunes étudiants participent à la lutte. Ils fabriquent des solutions hydro-alcooliques qu’ils mettent à la disposition du personnel de santé et des citoyens gratuitement. Pour Madiba Sissoko, chef d’équipe de la préparation de la solution hydro alcoolique, la formule est simple quand on s’y connaît. « C’est l’alcool que nous avions mis là-dedans, les autres composants seront ajoutés. Après l’alcool, nous allons ajouter de l’eau oxygénée et pour cela, il nous faut 417 ml. L’autre composant, c’est le glycérol et pour le glycérol, il nous faut 145 ml. Donc le reste, on le complète par l’eau distillée. Tout de suite après ça, on doit mettre de l’alcoomètre pour connaître la quantité ou le pourcentage de l’alcool qui s’y trouve. Nous préférons amener notre solution auprès du laboratoire national de la santé pour plus de crédibilité puisqu’ils sont chargés du contrôle de qualité des produits de santé. Donc 72 heures après la préparation, l’échantillon est amené au LNS. Toutes les fois où les solutions ont été amenées au LNS, les résultats ont été satisfaisants» explique t-t-il. 

La motivation de ces jeunes étudiants réside dans la surenchère constatée au niveau du prix de ces désinfectants dans les pharmacies. Selon le coordinateur de ce projet, Abdoulaye Mariko, « nous avons jugé nécessaire de mettre nos talents en activité et de fabriquer des solutions hydro-alcooliques. Ces solutions sont distribuées gratuitement dans les structures sanitaires. »

À plus de 1000 kilomètres de l’épicentre, la coordination des acteurs culturels de Tombouctou n’est pas restée en marge de la lutte contre le coronavirus. Avant les premiers cas dans la « ville aux 333 saints », ces acteurs culturels ont initié une campagne de sensibilisation au niveau des lieux de regroupement de la ville. « Les acteurs culturels sont réunis aujourd’hui pour transformer l’ensemble de leurs activités qui sont arrêtées à des activités de sensibilisation contre Covid-19. Pour convaincre les populations à croire que cette pandémie est réelle et est en train de faire ravage et que la prévention reste la seule et unique moyen pour s’en sortir », indique Salaha Maïga, président de la coordination régionale des acteurs culturels.

Dans la ville, d’autres initiatives se créent. Avant le programme « un Malien, un masque » du président de la République, Mme Haïdara Diahara Touré, promotrice d’un centre de formation professionnelle confectionne avec l’aide de ses tailleurs, des masques au profit des populations de Tombouctou. «Actuellement, la maladie à coronavirus est en train de frapper le monde entier. Du coup, j’ai eu l’initiative de confectionner les masques pour distribuer aux services sanitaires en plus des personnes vulnérables», a-t-elle indiqué lors d’une cérémonie de remise de masques de protection au personnel de santé et à certaines associations.

Toujours au nord du Mali mais à Gao, lors du second tour des élections législatives, des jeunes bénévoles ont installé des kits de lavage des mains devant les centres de vote. Ils insistent sur le lavage des mains pour limiter la propagation de la maladie. « Nous pouvons aussi sauver des vies, ce que nous pouvons faire c’est d’inviter les gens à se laver les mains avec le savon. Avant que les votants n’entrent, il faudrait qu’ils se lavent les mains d’abord. Nous sommes dans tous les centres de Gao », souligne Alassane Alpha, membre d’une association à Gao.

Un apport non négligeable

L’apport des actions citoyennes dans la lutte contre la Covid-19 au Mali n’est pas négligeable. Depuis le début de leurs activités, le Collectif Riposte 223 contre Covid-19 a contribué à hauteur de plus de 9.500.000 francs CFA, nous dit Raki Thiam, membre fondateur de l’association. « On a fait la première activité à l’hôpital Gabriel Touré sur fonds propre. Après, une fois l’appel aux dons lancé, nous avons récolté plus de 1.500.000 CFA en une journée. Vous voyez cet élan de solidarité dont les gens font preuve? Dans les hôpitaux, nous avons fait des dons allant de 1.100.000 à 1.700 .000 F CFA  et dans les centres de santé de référence des différentes communes de la capitale, les dons variaient entre 600.000 et 800 000 F CFA» souligne-t-elle. Pour Ousmane Dicko, volontaire dans la lutte contre cette pandémie « il faut des citoyens pour sensibiliser d’autres citoyens… »

Désormais, le port du masque sera obligatoire dans les espaces publics. C’est qu’a annoncé le Premier ministre, Boubou Cissé, au lendemain du Conseil de défense nationale, le 9 mai. Autres décisions prises : la levée du couvre-feu et la prorogation de la fermeture des écoles jusqu’au 02 juin 2020.

Sory Kondo

*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.

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