La crise sécuritaire qui frappe la région du centre et le nord du Mali continue de paralyser plusieurs secteurs d’activités. Dans la ville de Djenné (région de Mopti), Boureima et Sory ont exercé le métier de guide touristique pendant plus de 10 ans. Aujourd’hui, ils se tournent les pouces depuis l’arrêt des activités dans la ville.
Boureima Nientao fait partie de ces jeunes qui gagnaient leur vie à Djenné grâce à leur activité de guide. Ici, on l’appelle « l’ami des Blancs ». Depuis l’arrêt du tourisme, il a du mal à se reconvertir après plus d’une dizaine d’années dans le secteur. «Il n’y a plus d’activités ici, nous passons nos journées à prendre du thé. Depuis que la crise a éclaté en 2012, nous ne savons plus quoi faire parce que notre travail était concentré sur le tourisme. » Et d’ajouter : « Je ne suis pas seul, nous étions beaucoup à faire ce travail. Aujourd’hui, il y en a qui sont partis à l’exode. D’autres sont toujours là, mais comme moi, ils n’arrivent pas à s’en sortir. Nous n’avons aucune idée de quand tout cela va prendre fin. »
Nostalgique, Boureima nous invite à aller visiter la grande mosquée de Djenné. Devant l’édifice, il a retrouvé, le temps de notre passage, la joie qui l’animait lorsqu’il relate l’histoire de la mosquée. « Avant, quand les Blancs venaient, c’est sur ces sites qu’on les emmenait. Une fois par an, tout Djenné se réunit pour faire le crépissage de la mosquée. Vous savez, ce sont les habitants de Djenné même qui ont construit cette mosquée de 1906 à 1907 et l’architecte aussi est de Djenné » explique-t-il. Et de souligner qu’avant, « il y avait du travail et la venue des Blancs profitait à tout le monde que ça soit les guides, les hôtels et même ceux qui font du commerce. Mais plus rien de tout ça ne marche encore, la crise a énormément affecté la ville ».
Tout comme Boureima Nientao, son collègue Sory Cissé que nous avons rencontré sur le site de la grande mosquée n’exerce aucune activité. Il se souvient encore des moments passés sur le site. « Ici, nous sommes sur l’esplanade de la mosquée. Ce site c’est l’un des plus grands édifices en banco dans le monde. Avant, on venait avec des touristes du monde entier contempler cet endroit mais malheureusement, il n’y a plus personnes. Je viens ici pour me rappeler du temps passé. En face là-bas, vous avez la bibliothèque des manuscrits. C’était les étapes incontournables. Il y a une médersa (école coranique) juste à côté, la bibliothèque et la mosquée. Aujourd’hui, malheureusement, c’est vide. Il n’y a plus personnes. C’est vraiment dommage, on s’ennuie, on ne sait plus quoi faire mais on vient ici de temps en temps ».
Tenter une reconversion?
En évoquant quelques pistes de solutions, l’enseignant-chercheur Kalifa Daou, estime que les guides doivent faire une bonne analyse avant de tenter la reconversion. « Aujourd’hui, vous avez des consommateurs de produits touristiques qui sont sur leur lieu de résidence et cherchent à entrer en partenariat avec des gens qui sont sur les sites touristiques. Les produits sollicités, c’est généralement des petites vidéos sur les lieux touristiques ou bien des photos. Ils payés pour le faire. Je leur recommande surtout cela, ou bien de participer à l’intermédiation touristique ».
Selon M. Daou, « là où le milieu sécuritaire n’est pas propice, on est en train d’assister à une sorte de transhumance touristique. Vous avez les manifestations organisées, chaque année par Ginna Dogon où, tout le matériel, de commun accord avec les populations résidant sur les sites, se retrouve à Bamako. Il y a des retombées économiques. Elles sont gérées entre les organisateurs pour en faire profiter les populations autochtones. »
Ce n’est pas seulement le secteur du tourisme qui est touché. Beaucoup d’autres activités tournent également au ralenti. Assis derrière sa machine à coudre, dans son atelier sis à Djobro, Hama Napo, s’interroge : « À qui profite la crise? » Et de poursuivre : « ce conflit nous a causé beaucoup de problèmes. Les commerçants ne peuvent plus faire de l’import-export, tout ça à cause de ce conflit. Nous n’avons plus de clients, nous ne sommes pas les seuls concernés. Il s’agit de ceux qui exercent différentes sortes de métiers. Ce que nous gagnons avant, nous ne pouvons plus gagner ça maintenant à cause de ce conflit ».
Depuis 2016, la ville est classée patrimoine en péril. Selon les habitants rencontrés, il faut impérativement que la sécurité revienne pour que les activités reprennent à Djenné.
Sory Kondo
*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.