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dimanche, 22 décembre, 2024

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In memoriam : pour Boukary Konaté, le meilleur d’entre nous

Bamako, 2013. Je l’ai croisé à l’escalier à l’Institut français du Mali. Il a eu la gentillesse de saluer en premier. On devait partir pour la même formation de Mondoblog à Dakar. C’est le souvenir qui m’est revenu à l’esprit à l’annonce de sa mort. Boukary est mort les armes à la main ainsi un combattant. Ce qu’il était, lui qui a durant plusieurs mois résisté au rouleau compresseur d’une maladie qui le rongeait. Lui qui, face à la virulence du ton des jeunes frères que nous étions, prenait toujours le masque serein du sage pour nous amener à mettre un peu d’eau dans nos frustrations, dans nos colères. Lui qu’on n’a pu jamais soupçonner de suivisme mais était en permanence animé par le désir de faire la différence. « J’ai peur pour toi quand je lis tes billets. », m’a-t-il dit un jour, dans son bureau. Il me répétait la même chose sur les plateaux de radio qu’on a partagés. Lui qui se voulait blogueur passif.

Passif ? C’est à dire qu’il ne voulait pas parler de politique. Sur son blog Fasokan, Boukary écrivait en langue bambara, qu’il voulait valoriser, la sortir des emprunts et des amalgames. Ensuite est venu son projet culturel Quand le village se réveille pour lequel « Fasokan », comme on l’appelait, parcourait les villages pour collecter les traditions, la culture et les diffuser. Les traditions, il aimait en parler comme le Christ aime l’Eglise. C’est grâce à lui qu’on pouvait découvrir pourquoi une grenouille n’a pas de queue. C’est grâce à lui qu’on pouvait découvrir ce qui se cachait derrière le masque dogon.

Boukary est un baobab qui est tombé. Un puits plein qui souffrait de voir à côté d’autres puits secs. Une outre pleine dont on a pu tirer beaucoup de choses. Une bibliothèque qui n’a pas brûlé, car ce qu’il savait, il l’a partagé avec nous dans les conditions que nous savions tous. Que dire d’autres ? Que faire d’autres, sinon hochements de tête, sourires d’incrédulité, qui mutent en sensation de dégoût, dégoût de la vie et de tout ce qui la compose. Dégoût d’être un homme, un fils d’Adam qui sera un jour ou un autre mangé par la mort, et qu’on enterrera. Boukary, tu peux enfin te reposer et tu le mérites.

Boubacar Sangaré