La route de Kalabancoro reste sous la loi des camions à benne qui, en l’espace d’une année, viennent de tuer trois étudiants et un professeur se rendant (à) ou venant de l’Université de Kabala, au sud-est de Bamako. De quoi relancer le débat sur l’état actuel de cette route et la gestion qui est faite jusqu’ici, à l’échelle locale et nationale, de la question des accidents qui y sont fréquents, impliquant les étudiants. Le décompte macabre se poursuit.
La route de Kalabancoro est le nouveau mouroir qui est en train de dresser sous nos yeux et dans l’énorme indifférence de tous ou presque. Rien ne le prouve mieux que la mort, le 9 novembre, de l’étudiant Abdoulaye Guindo fauché par un camion à benne alors qu’il rentrait de l’Université de Kabala. Une énième vie brutalement abrégée après celles de deux autres étudiants et un professeur d’Université sous les pneus d’un camion à benne. Un drame qui révèle l’envers du décor sur une route à propos de laquelle l’on ne cesse de tirer la sonnette d’alarme tant il est vrai ce qui s’y passe a dépassé la côte d’alerte. Il va sans dire qu’il s’agit, comme c’est le cas dans nombre de quartiers de Bamako et dans les villes périphériques, d’une route à la forme d’un mouchoir de poches, où les usagers conduisent serrés comme des sardines et dans la promiscuité totale.
Surtout que sous nos latitudes, ce n’est en rien exagéré de le dire, l’on a pris le pli de confondre conduire une voiture ou une moto avec se regarder le nombril, devenant ainsi grognons, je-men-fichistes, violents et orgueilleux. Ce sont les attitudes qui se pratiquent en longueur de journée sur nos routes. Mais celle de Kalabancoro est leader en la matière, car c’est là-bas que les tragédies se succèdent, soulevant des indignations et des colères qui s’estompent le temps d’enterrer les morts. Et le décompte macabre se poursuit. Mais jusqu’à quand ?
Nous l’avions déjà dit et le redire ne fait de mal à personne : la gestion qui est faite, aussi bien à l’échelle locale que nationale, du problème de sécurité que soulève cette route pour les élèves, les professeurs et les autres usagers est une gestion suicidaire. Ou encore l’absence de réponse que l’on constate jusqu’ici montre tout de même quelque chose d’assez inquiétant et paradoxal au niveau local. C’est à dire que le problème ne se limite pas au simple fait qu’il y a des accidents fréquemment sur cette route, et dans lesquels des étudiants ou professeurs sont impliqués. Il concerne aussi les autorités communales de Kalabancoro qui, comme il est de coutume dans ce pays, s’agitent sans agir.
Il y a quelques semaines, le bruit courait que le maire, à qui certains accordent la circonstance atténuante d’être nouveau, était en bras de fer avec les conducteurs et propriétaires de camion à benne. Il se dit que l’actuel premier édile avait proposé un plan d’organisation de la circulation de ces gros porteurs. Un projet auquel il a été opposé une fin de non-recevoir. Résultat : l’hécatombe continue. Mais ce qu’on ne dit pas assez, c’est que, jusqu’à preuve du contraire, les camions à benne restent la principale menace sur la route de Kalabancoro, allant jusqu’à empêcher de circuler même ceux et celles qui tôt le matin se rendent au travail dans les administrations et à l’école. Et l’on reste bouche bée de stupéfaction en constatant que personne, mais vraiment personne, ne semble s’en préoccuper jusqu’ici hormis les étudiants eux-mêmes. Il ne fait aucun doute que la mort d’Abdoulaye Guindo apporte de l’eau au moulin de tous ceux qui n’ont de cesse de dénoncer ce qui se passe, dans la presse et ailleurs.
Pourtant, cela saute aux yeux de tous ou presque que l’urgence s’impose aujourd’hui de prendre des mesures allant dans le sens d’une surveillance et une organisation constante de la circulation sur cette route par la police et la gendarmerie qui sont présentes dans cette commune rurale. Cela devient une nécessité quand des hommes et femmes raisonnables échouent à se comporter, à se conduire sur la route qui reste un espace de partage et partagé. Sinon, ce qui se passe à Kalabancoro est la preuve que le pouvoir local n’a pas de pouvoir. En attendant, les populations sont laissées à l’abandon sur une route dont les bordures sont aussi dévorées par le sable.
Sidi Ahmed S.