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Les problèmes du Mali vont au-delà de la présidentielle de juillet

L’organisation d’une élection crédible est importante au Mali mais elle ne doit pas occulter le défi de l’absence de l’État dans plusieurs localités du pays.

Quatre mois avant la tenue de l’élection présidentielle du 29 juillet au Mali, le pays reste confronté aux problèmes de gouvernance et de sécurité. Sur les plans politique, sécuritaire et opérationnel, les défis perdurent et focalisent l’attention nationale et internationale.

L’insécurité au Mali, caractérisée par la persistance de la menace terroriste, a entrainé la perte de contrôle de l’État sur une grande partie des régions du Nord et du Centre du pays. De plus, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, signé entre le gouvernement malien et des groupes rebelles, en 2015, est actuellement au point mort. Dans ces conditions, il est peu probable que les pouvoirs publics puissent gérer et superviser efficacement les élections dans toutes les localités.

La présence d’agents électoraux n’est toujours pas garantie dans environ un tiers du pays

Si les récentes déclarations du Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga, lèvent l’équivoque quant à la volonté d’organiser l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels, il semble évident que seul un scrutin imparfait pourra être organisé et qu’il importera de créer les conditions de son acception.

Sur le plan politique, l’espoir que le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a suscité avec plus de 77 % des voix en 2013 s’est estompée avec en toile de fond des fractures au sein de la majorité présidentielle et une galvanisation de l’opposition politique.

Un sentiment d’insastifaction, motivé par la perception qu’il n’a pas fondamentalement amélioré la situation du pays, grandit vis-à-vis du président Keïta. Selon un sondage réalisé en 2017 par la Fondation Friedrich Ebert auprès de 2 156 personnes, 50 % des sondés étaient « plutôt insatisfaits » de la gestion du président, contre 38,9 % qui se sont déclarés « plutôt satisfaits ».

Alors que des discussions sont en cours pour choisir un candidat unique de l’opposition, des coalitions hétéroclites se réunissent autour du mot d’ordre «Tout sauf IBK». Avec des conflits d’intérêts personnels et des dissensions stratégiques en son sein, il est cependant peu probable que l’opposition parvienne à s’unir autour d’une candidature unique.

Le prochain président du Mali devra faire face à de nombreux défis pour stabiliser le pays

Parallèlement, les partisans du président IBK restent convaincus que les résultats positifs de son premier mandat, notamment les améliorations au sein de l’armée malienne, lui permettront d’obtenir un second quinquennat.

Alors que l’opposition comme la majorité gouvernementale croient détenir les clés d’une victoire électorale, aucune d’elles n’a encore présenté de propositions concrètes pour la restauration de l’autorité de l’État et l’amélioration des conditions de vie des Maliens.

Sur le plan sécuritaire, une centaine d’attaques a été attribuée à des groupes terroristes depuis le début de l’année 2018. De plus, les affrontements entre certains membres des communautés peuhle et dogon, durant le mois de mars, ont fait 32 victimes, dans le Centre du pays. Ces tensions résultent, notamment des luttes de pouvoirs locales et de la compétition autour des ressources naturelles.

Cette recrudescence des attaques et des tensions intercommunautaires ont rendu difficile le bon fonctionnement de l’État. Depuis la rébellion armée de 2012 et la précarité de la sécurité qui s’en est suivie au Mali, l’administration publique a été absente de nombreuses localités du Nord et du Centre.

Dans ce contexte instable et à quatre mois de l’élection présidentielle, la présence d’agents électoraux n’est toujours pas garantie dans environ un tiers du pays. L’absence des représentants de l’État met en péril l’organisation des élections dans ces localités. Jusqu’à ce que la sécurité soit rétablie, le fonctionnement de l’État demeurera dysfonctionnel.

En avril 2017, le gouvernement a adopté le Plan de sécurisation intégrée des régions du Centre du pays (PSIRC). Ce plan, qui intègre les acteurs sécuritaires internationaux, devra être une réponse militaire pour notamment faciliter le redéploiement de l’administration dans le Centre en vue des élections.

L’autorité de l’État malien – et son utilité pour le peuple – doivent être restaurées sur l’ensemble du territoire

Malgré ce plan, des inquiétudes subsistent quant à la capacité de l’État à recouvrer et à conserver un contrôle territorial efficace dans le Nord et le Centre du pays. En effet, la montée en puissance de la force conjointe du Groupe des cinq pays du Sahel (G5-Sahel) – composée du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, et du Tchad – est encore attendue. Cette force prévoit de déployer 5 000 soldats pour lutter contre le terrorisme, les trafics d’êtres humains et le crime organisé dans les zones frontalières de la région Liptako Gourma (Mali, Burkina, Niger).

Sur le plan opérationnel, en vue de donner certains gages de crédibilité et de transparence à l’organisation de la présidentielle, en plus de l’audit du fichier électoral en cours, le gouvernement prévoit la distribution de nouvelles cartes électorales. Elles remplaceront les cartes NINA (Numéro d’identification nationale) qui avaient été utilisées en 2013.

Cette mesure vise à dissiper les inquiétudes de l’opposition quant à la présumée disparition de 900 000 cartes après les élections de 2013. La disposition  s’ajoute à l’audit en cours du fichier électoral. Ces solutions du gouvernement – à quelques mois du scrutin – pourraient toutefois entraîner des retards et des complications au processus électoral au lieu de le renforcer et le légitimer.

De nombreux acteurs nationaux et internationaux se demandent si l’échéance du 29 juillet est réaliste dans le contexte actuel du Mali. Tenir l’élection présidentielle dans les délais est essentiel pour éviter une crise politique aux conséquences imprévisibles au Mali. Organiser les élections et créer les conditions pour l’acceptation de leurs résultats est également important. Mais cela ne devrait pas occulter l’ampleur des défis post-électoraux qui attendent le président qui sera élu.

En 2013, le pays organisait des élections sans le contrôle total de l’État sur le Nord. En 2018, elles sont envisagées dans un contexte d’absence de l’État dans une grande partie du Nord et du Centre. Cet état de fait souligne l’urgence de rétablir, non seulement l’autorité de l’État malien sur l’ensemble du territoire, mais aussi – et peut-être plus important encore – son utilité pour les populations.

Baba Dakono, Chercheur et Khadija Maïga, Junior Fellow, ISS Dakar

Cet article est d’abord paru sur le site de l’Institut d’études de sécurité