C’est une tragédie qui se joue au nord du Mali sans qu’on s’en rende compte et loin des projecteurs des « chercheurs de ce qui est racontable », pour reprendre la périphrase pour journaliste dans le roman Les roues du destin d’Amadou Keïta. Cela fera bientôt trois mois que les écoles y sont fermées, les enseignants ayant fait du chemin des classes un sens interdit qu’ils ne prendront, à les en croire, que lorsque leurs revendications seront satisfaites : mise à jour des avancement des enseignants, intégration des fonctionnaires des collectivités à la fonction publique (ce qui a été accordé depuis 2010 mais il y a encore au nord des enseignants qui n’ont pas été intégrés), retour des services financiers de l’Etat au nord, installation des inspections régionales de la pédagogie dans les régions du nord, paiement des arriérés d’avancement.
Ce sont les raisons qui tiennent éloignés des classes enseignants et élèves dans le nord du pays qui reste noyé sous les flots des discours de paix. Des raisons suffisantes, selon le Collectif des enseignants du nord. Pour le gouvernement, il n’est pas question de prêter oreille attentive aux jacasseries d’enseignants qui ont refusé d’être représentés par des syndicats en qui ils disent ne plus faire confiance. Voilà où on est dans cette situation qui rappelle, douloureusement, que nous vivons dans un État failli où l’éducation est de plus en plus au rabais.
La question essentielle n’est pas de savoir pourquoi le gouvernement ne veut pas recevoir les enseignants du nord, mais comment les élèves passeront les examens. Avec des mercenaires formés et payés pour diriger les évaluations à la place des enseignants ? On sait que c’est la méthode qui est en honneur et combien elle est porteuse de danger pour un système éducatif qui ne sert pas un pays à risque comme le Mali. Au nord où il y a, 10 % de la population, ce qui est en jeu, c’est d’abord l’avenir des milliers d’enfants qui disent désormais à qui veut l’entendre qu’ils veulent étudier. Qu’ils y ont droit. Qu’ils ne sont pas des enfants à part vivant dans une région à part du Mali.
Qu’on ne vienne pas nous dire que la démarche de ces enseignants est « partitionniste » et que c’est une raison simple et suffisante pour ne pas les écouter. Le problème est moins les doléances des enseignants que l’égo de ceux qui détiennent les leviers du pouvoir. Et à qui il faut dire que les enfants du nord veulent étudier.