Après le renversement d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK), le 18 août dernier, le Mali se prépare pour une nouvelle transition après celle de 2012-2013. La seconde phase des journées de concertation nationale débute, ce jeudi 10 septembre à Bamako pour établir la feuille de route de la transition, son architecture, ses organes et la mise d’une une charte.
Huit ans après la chute d’Amadou Toumani Touré suite au coup d’Etat militaire, le Mali prépare une nouvelle transition après la démission d’IBK à l’issue d’un coup de force militaire « parachevant » ainsi, trois mois de contestations menées par le Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP). Depuis le 19 août dernier, c’est le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) mis en place par les militaires qui dirige le Mali.
Ce jeudi s’ouvrent les journées de concertation nationale sur la transition. A l’issue de trois jours de discussion, les modalités pratiques de la transition devraient être arrêtées. Pour le chercheur Ibrahim Maïga, il est important de focaliser le débat et l’attention sur le contenu de la transition. « Une transition n’a pas vocation à régler tous les problèmes du pays. C’est du contenu de la transition que doivent découler, non seulement la durée de la transition, les organes et les acteurs qui vont animer cette transition. »
Concernant les chantiers de la transition, M. Maïga estime que « les défis ont été identifiés au cours des différents dialogues : dialogue national inclusif, la conférence d’entente nationale et tous les autres dialogues qui ont eu lieu au niveau local ou régional, ces dernières années, peuvent permettre de dégager quelques pistes de réflexion et d’action.»
Aller aux réformes
Des réformes profondes sont donc nécessaires pour consolider la démocratie et permettre à l’Etat d’asseoir son autorité sur l’ensemble du territoire. « Il y a aujourd’hui, un acte fondamental qui est intervenu qui remet totalement en cause la constitution de 1992. Le fait que le pouvoir soit détenu aujourd’hui par les militaires, il n’y a aucune disposition de la Constitution qui prévoit cela. Donc, on fait semblant d’être dans la Constitution de 1992 alors qu’on y est pas. Etant donné qu’elle a atteint ses limites, étant donné que si on va la réviser on sera obligé de toucher à plus de 90% de ces articles, pourquoi pas si y a un consensus qui se dégage qu’on essaye surtout de changer la Constitution et de basculer dans une nouvelle République », analyse Dr Fousseyni Doumbia, professeur à l’université de Bamako.
Selon le constitutionnaliste, « aucune Constitution au monde ne dit comment elle doit être supprimée. Donc, pour un changement de la loi fondamentale, généralement, il y a trois possibilités : soit à la suite d’un coup d’Etat, une révolution qui met en cause la Constitution ou encore un consensus. »
Dans le cadre de cette transition, les priorités doivent être clairement définies avant d’aller aux élections d’après le politologue Boubacar Bocoum. « Il ne s’agit pas de gouverner mais de mettre en place des mécanismes pour permettre à ceux qui vont venir après de gouverner. » Les grands chantiers selon M. Bocoum, devront être « la relecture de l’accord issu du processus d’Alger, la révision constitutionnelle, la relecture de la loi électorale et les mécanismes institutionnels donc la réforme administrative, territoriale. Toutes ces réformes peuvent se tenir en 12 mois, c’est largement suffisant. C’est tout ce qu’on demande à une transition. On ne leur demande pas de faire des routes, on ne leur demande pas de construire des hôpitaux ni de développer le Mali.»
Le 5 septembre dernier, se tenaient les travaux de validation des termes de référence des concertations nationales sur la transition et dont les conclusions feront l’objet de débat lors des assises nationales qui débutent aujourd’hui. Pour ce qui concerne la composition du gouvernement de transition et de l’Assemblée constituante, le président de l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali pense que « les partis politiques doivent être écartés du gouvernement de transition pour se retrouver majoritairement au niveau de la constituante, parce qu’on sait qu’aujourd’hui, l’Assemblée nationale est dissoute. Or, le pouvoir, c’est seulement les partis politiques. Le gouvernement va faire ce toilettage par rapport aux différents textes et l’Assemblée nationale qui sera formée majoritairement de représentants de partis politiques va les adopter pour qu’on y aille rapidement.»
Et d’ajouter : « si le gouvernement est formé majoritairement de technocrates, la balance c’est que l’Assemblée nationale sera formée majoritairement d’hommes politiques et qui vont s’atteler à la refondation d’un Mali nouveau. »
« Il faut rapidement sortir du régime de sanctions »
En sommet ordinaire le lundi 7 septembre, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a donné jusqu’au 15 septembre à la junte pour désigner un président et un Premier ministre de transition civils. Mais, l’organisation régionale maintient les sanctions économiques contre le Mali.
Des sanctions, qui, selon l’économiste Modibo Mao Makalou aggravent la situation avec le coronavirus. « Déjà avec la covid-19, nous allons perdre au moins 5 points de pourcentage. Il était prévu qu’en 2020, nous réalisions une croissance économique de 5%. Cela ne sera pas possible. Nous ferons moins d’1%. Et cela va faire basculer un million de personnes supplémentaires, de Maliens dans la pauvreté. Et si vous ajoutez les sanctions, cela va rendre l’économie encore plus souffrante ».
L’économiste souligne qu’il va falloir « sortir de ce régime de sanctions le plutôt possible parce que ça pénalise les populations maliennes en premier lieu. Nous sommes très dépendants du commerce extérieur et des échanges avec nos voisins. Le Mali est la 3e économie de l’Union économique et monétaire ouest africaine et 5e économique au sein de la CEDEAO, nous travaillons beaucoup, nous achetons beaucoup. Donc, il faut rapidement sortir de ce régime de sanctions. »
Pour Issa Kaou N’Djim, l’un des leaders du M5-RFP et bras droit de l’imam Mahmoud Dicko, la communauté internationale doit plutôt aider le Mali à réussir cette transition.
M. A. Diallo, Sory Kondo