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Mali : « L’Etat est en retard, peine à suivre les jeunes entrepreneurs »

Du 3 au 5 novembre prochain, ALB Company organise « The meet 2017 », qui réunira des personnes issues du monde de l’entrepreneuriat, des affaires, de la technologie, de l’économie, de l’éducation, des arts, de la culture. Ce rendez-vous est destiné au partage de connaissances, de savoir-faire. Le vendredi 15 septembre, Cheikh Amadou Diagana et Ibrahim Guindo dit Akim Soul, associés au sein de l’Agence ALB Company, ont reçu Sahelien.com à Badalabougou.

Ces deux jeunes menaient chacun leurs activités. Akim Soul, 24 ans, fringant, a créé il y a deux ans, Akim Soul Agency, une agence de relations publiques et d’évènementiel. Cheikh Diagana, Sénégalais vivant au Mali depuis un an, a créé l’agence de communication CAT Digital. Ils ont décidé de devenir associés au sein de ALB Company, agence de communication évoluant dans la production de contenu. Pourquoi ? En mars dernier, Akim Soul confiait à Sahelien.com au détour d’une rencontre d’échanges entre jeunes entrepreneurs : « Nous avons besoin de fusionner nos énergies pour que nos lampes ne s’éteignent pas avant même de s’allumer ».

A un mois de l’événement, les deux associés parlent de « The meet ». Pourquoi est-il important pour les start-up d’y participer ? Quels sont les aspects de l’entreprenariat sur lesquels l’accent sera mis ? Où en est l’entreprenariat jeune au Mali ? Entretien.

Pourquoi The meet ?

Ibrahim Guindo dit Akim Soul

Akim Soul : « The meet » par nos expériences personnelles. Tout part de notre rencontre. Nous sommes des jeunes entrepreneurs, et qui dit jeunes entrepreneurs dit rencontre, networking, carnet d’adresses, relations professionnelles. Nous avons voulu créer cette plateforme pour que des jeunes qui ont envie d’entreprendre, pour que des entreprises qui ont envie de soutenir des jeunes entrepreneurs, pour que des grands entrepreneurs aussi puissent se retrouver autour d’un événement, à travers différentes activités. Mais, c’est aussi et surtout, dans le but de s’inspirer les uns des autres.

Cheikh Amadou Diagana

Cheihk Diagana : Il n’y a grand-chose à rajouter à ce qui vient d’être dit. C’est une question de responsabilité qu’on a, en tant que jeunes entrepreneurs qui se sont rencontrés par le fruit du hasard et qui ont « linké » leur esprit positif et ont voulu transmettre tout à nos pairs, qu’ils soient entrepreneurs, salariés quelque part. Qu’ils soient de Bamako, Dakar, d’Abidjan voire de Ségou ou de Sikasso. Que ces personnes-là puissent mettre en place une plateforme d’échanges qui trouve des solutions : nous en avons assez de toujours chercher des problèmes. Nous voulons être force de proposition, camper le débat.

Vous avez parlé de « trouver des solutions ». Trouver des solutions à quoi ?

Ch. D : Pour trouver des solutions à nos quotidiens d’entrepreneurs, d’avoir des collaborateurs compétents, bien formés et qui rêvent. Trouver des solutions sur le plan social…

Akim Soul : …Et sur le plan du développement personnel aussi. Au-delà de l’aspect entrepreneurial, ce rendez-vous permet de rencontrer d’autres personnes qui aspirent à être utiles à leur communauté comme un directeur, un cadre. Ainsi, il est important de venir à cette rencontre pour voir des coaches, des personnes qui inspirent et permettent à atteindre certain niveau d’efficacité.

Qu’est-ce que ce genre d’événement peut apporter à l’écosystème des start-up au Mali ?

Ch. D : L’espoir et la découverte surtout. Avant notre rencontre, Akim Soul a fait beaucoup d’activités à Bamako, et je venais d’arriver dans ce pays. J’ai mis une année à trouver les personnes qui comprennent mon langage. Une plateforme comme celle-ci m’aurait facilité le contact avec les bonnes personnes dans le secteur de la communication, des finances, de l’humanitaire…

A. S : La difficulté était de rassembler tout ce beau monde qui évoluait ‘’renfermé’’.

Il a fallu aller à la rencontre de tous ces acteurs afin de dénicher les talents et les mettre ensemble.

Quelles sont les conditions que doivent remplir les start-up pour prendre part à cette rencontre ? 

Ch. D : L’objectif, pour nous, c’est d’offrir une plateforme de découverte. Les activités qui seront initiées pendant « The meet » sont gratuites. La seule condition, c’est de dire la phrase suivante : « Nice to meet you ! ». C’est gratuit. Mais, pour avoir un stand pour présenter ses activités, il y aura un coût. La participation aux autres activités est ouverte à tous.

Est-ce important pour vous d’organiser un évènement gratuit ?

Ch. D : Très important, dans la mesure où nous sommes une agence. Nous avons des clients à gérer, faisons nos prospections commerciales. C’est ce qui nous fait vivre. C’est le cœur de notre métier. Cette activité est une responsabilité.

A. S : Ce qui serait davantage important, c’est que les entreprises et les institutions qui sont déjà en place comprennent que c’est plus ou moins une responsabilité pour elles d’offrir un tel événement aux jeunes. Donc, on ne va pas compter sur l’argent des étudiants, des jeunes entrepreneurs pour le faire, mais essayerons plutôt de mettre en place des partenariats avec ces entreprises maliennes ou étrangères.

« (…) peu sont les entrepreneurs qui sont ouverts ».

Sur quels aspects de l’entreprenariat l’accent sera mis au cours de cette rencontre ?

Ch. D : Nous allons peut-être vous surprendre, mais ce sera « l’ouverture ». Quand on parle d’entreprenariat, beaucoup de personnes parlent de la persévérance, du dynamisme, etc. Mais peu sont les entrepreneurs qui sont ouverts. Il faudrait que nous cessions de nous regarder en chiens de faïence. Nous pouvons être concurrents dans un domaine et travailler ensemble. C’est ce qui m’a choqué à mon arrivée à Bamako : il y avait tellement de personnes compétentes, mais qui travaillaient toutes seules, dans leur coin. Notre objectif, c’est de pouvoir créer une plateforme où des personnes d’action pourraient travailler ensemble.

Parlez-nous d’ALB COMPANY, qui organise cette activité.

A. S : ALB est une agence créative qui a une très large vision, et veut faire ses preuves dans le domaine de l’édition, des médias, de l’évènementiel. L’objectif est de mettre en place des professionnels de ces différents domaines pour créer une agence qui n’est pas forcement dédiée à la communication. C’est une agence qui s’occupe de la création, de la production et de la promotion de contenu concernant le support web, papier…Le projet existait depuis longtemps. Nous avons décidé de réunir nos efforts et nos énergies, nos compétences pour mettre en place cette structure. Nous sommes associés sur ce projet.

Ch. D : A notre rencontre, nous avions chacun nos activités. Akim était dans l’événementiel avec Akim Soul Agency et moi j’avais CAT Digital. Il avait sa vision des choses. Nous nous sommes dit que cette fusion allait être compliquée, et n’aurait pas défini le rêve que nous portions. Parce que je suis dans le digital, il est dans l’évènementiel. L’objectif pour nous, c’était d’avoir deux agences qui sont spécifiques. Beaucoup sont dans la communication et font tout en même temps. Quand on veut tout faire, on n’est compétent nulle part. Aujourd’hui, nous sommes associés sur cette agence

Vous êtes jeunes, vous croyez à l’entreprenariat. Quelles sont les difficultés que rencontrent les jeunes entrepreneurs au Mali ?

 Ch. D : Je parlerai plutôt de défis.

C’est-à-dire ?

Quand on ne réalise pas le rêve que l’on porte, quand on n’appréhende pas ses compétences, quand on manque d’idéal, c’est la partie la plus difficile. Par contre, il y a énormément de défis. Le défi de trouver les bons collaborateurs, qui portent le même rêve et ont envie de s’engager dans ce qu’ils font. C’est l’étape la plus difficile.

A. S: Je me dis que quand on a les bons collaborateurs, la question du financement ne posera pas de problème. Trouver des collaborateurs, c’est vraiment le cœur même de l’activité.

Ce dont on parle beaucoup, c’est surtout que les banques ne contribuent pas assez à l’entreprenariat des jeunes, de même que l’Etat qui, au lieu d’assurer la police de l’environnement de l’entreprenariat des jeunes, finance des projets, distribue de l’argent…

A. S : Je préfère ne pas me prononcer en ce qui concerne l’absence de l’Etat, parce que ce n’est pas que l’entreprenariat. C’est dans tous les secteurs. L’Etat est faible à tous les niveaux. Parler du manque de soutien de l’Etat ne veut rien dire à mon avis. Qu’est-ce que l’Etat soutient en réalité ?

Donc, il ne faut pas compter sur l’Etat…

A. S : Personnellement, je fais ce que j’ai à faire. Et j’essaye de le faire de façon correcte.

Ch. D: Je pense l’Etat est en retard. Il a du mal à suivre les jeunes entrepreneurs, qui n’ont pas le temps. Alors que l’Etat, c’est le temps, le long terme. Les politiques des Etats sont définies sur le long terme.

« Quand on est entrepreneur, il faut aimer souffrir, (…) ne pas manger toute la journée… »

Et les banques ?

Ch. D : Elles mentent. Elles ne vont jamais prendre le risque. Mais quand on est entrepreneur, il faut aimer souffrir, marcher, monter derrière une moto, ne pas manger toute la journée. C’est le prix à payer. C’est aussi simple que ça. Entreprendre est une question de cœur, il faut y croire.

Devant la réticence des banques et l’inaction de l’Etat, quel soutien faut-il pour l’entreprenariat ?

Ch. D : Le soutien moral.  Nous ne voulons pas de chèque. Nous voulons juste mériter ce que nous faisons. Nous ne voulons pas d’aumône, nous demandons du soutien et du respect pour ce que nous faisons. Ce qui est difficile pour nous, c’est ce soutien-là, et l’acceptation de notre choix.

Que répondez-vous à ceux qui estiment qu’on a beaucoup plus besoin de policiers qui travaillent et qui ont de l’éthique, de fonctionnaires qui savent faire autre chose que fonctionner que d’entreprises qui prennent l’eau une semaine après leur création ?

A.S : Ce sont des gens qui n’ont rien compris à la vie. Les personnalités les plus riches au monde ne sont ni des policiers encore moins des fonctionnaires.

Ch. D : C’est une question de cœur, de choix. Pour moi, la vie doit être fluide. Chacun doit vivre son rêve dans le respect de l’autre. Quel que soit le secteur d’activité, ayons l’honnêteté intellectuelle !

Propos recueillis par Sidi Ahmed S.